Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 24 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'ELEVAGE ET DE SES PRODUCTIONS (ONIEP), dont le siège est 12 rue Henri Rol Tanguy, TSA 30003, à Montreuil-sous-Bois Cedex (93555) ; l'ONIEP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 29 mars 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de la société Sodiaal Industrie tendant à l'annulation du titre de perception émis le 3 septembre 2003 par le directeur de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) et de la décision implicite de la même autorité rejetant le recours gracieux de la même société ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société Sodiaal Industrie ;
3°) de mettre à la charge de la société Sodiaal Industrie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de l'ONIEP et de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Sodiaal international venant aux droits de la société Sodiaal industrie,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de la SOCIETE ONIEP et à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Sodiaal international venant aux droits de la société Sodiaal industrie ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sodiaal Industrie a participé en octobre 1999 à une adjudication organisée par l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) en vue de l'octroi d'une aide financière communautaire, dite aide au beurre pâtissier , pour la fabrication de beurre tracé destiné à être incorporé dans des produits de pâtisserie, glaces alimentaires et autres produits alimentaires, dans les conditions fixées par le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 ; qu'à la suite d'analyses effectuées en novembre 1999 et juillet 2000 sur des échantillons de beurre, qui ont révélé une teneur en acide énanthique, traceur chimique utilisé par la société Sodiaal pour permettre le contrôle de l'incorporation du beurre dans les produits, inférieure aux normes prescrites par le règlement communautaire, le directeur de l'ONILAIT a demandé le 3 septembre 2003 à cette société de reverser une somme de 52 317,30 euros, faute de quoi il procèderait à l'imputation de cette somme sur la garantie de transformation déposée afin d'obtenir le paiement de l'aide ; que l'établissement FranceAgriMer, venant successivement aux droits de l'ONIEP et de l'ONILAIT, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant le recours de la société Sodiaal Industrie contre la décision du 3 septembre 2003 ;
Considérant que le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission européenne a institué une aide financière à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ; qu'aux termes de l'article 23 de ce règlement : Afin d'assurer le respect des dispositions du présent règlement, les Etats membres prennent notamment les mesures de contrôle visées aux paragraphes 2 à 8 dont le coût est à la charge de l'Etat membre. (...) Les contrôles comportent la prise d'échantillons et portent notamment sur les conditions de fabrication, la quantité, la composition du produit obtenu en fonction du beurre ou de la crème mis en oeuvre (...) ; qu'aux termes de l'annexe II de ce règlement, peuvent être utilisés comme traceurs , pour permettre le contrôle de l'incorporation du beurre dans les produits finaux : par tonne de beurre concentré ou de beurre, (...) 11 kg de triglycérides de l'acide énanthique (...) d'un degré de pureté d'au moins 95 % (...) ;
Considérant qu'aucune disposition de la réglementation communautaire en vigueur au moment des contrôles litigieux ne définissait précisément la méthodologie des contrôles relatifs à la vérification de la teneur du beurre en acide énanthique ni les modalités d'interprétation des résultats des analyses effectuées pour mesurer l'incorporation de ce traceur chimique ; que si aucune réglementation nationale n'était non plus applicable en la matière, l'ONILAIT avait pour mission, en vertu des dispositions de l'article L. 621-3 (3°) du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur, d'appliquer les mesures communautaires ; qu'à ce titre, il était notamment chargé de mettre en oeuvre les contrôles définis par l'article 23 du règlement communautaire précité et d'appliquer les mesures prévues par l'article 6 du même règlement en cas de méconnaissance des obligations relatives à l'incorporation des traceurs ;
Considérant, dès lors, qu'en jugeant que l'ONILAIT avait incompétemment exercé un pouvoir réglementaire en édictant, sans y avoir été habilité par une disposition de droit interne et sans que le principe de l'effet utile du droit communautaire ait pu pallier ce défaut de base légale, une réglementation opposable aux opérateurs en matière de contrôle de la teneur en acide énanthique du beurre tracé , alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que l'ONILAIT s'est borné à faire procéder à des analyses du beurre tracé selon des méthodes de routine qu'il a décrites, pour respecter le caractère contradictoire de la procédure, dans une annexe à l'ordre de reversement litigieux, sans ériger cette méthodologie en réglementation, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'ONIEP, aux droits duquel vient l'établissement FranceAgriMer, est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de cet article et de mettre à la charge de la société Sodiaal Industrie le versement à l'établissement FranceAgriMer d'une somme de 3 000 euros ; qu'en revanche, les dispositions de ce même article font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement FranceAgriMer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la société Sodiaal Industrie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 juin 2008 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La société Sodiaal International versera à l'établissement FranceAgriMer une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Sodiaal International au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), à la société Sodiaal international et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.