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30/11/2011 | FRANCE | N°350788

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 30 novembre 2011, 350788


Vu, 1° sous le numéro 350788, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 26 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société DPM PROTECTION, dont le siège est 78 rue Rouget-de-L'Isle à Cayenne (97300), représentée par son gérant en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100672 du 25 mai 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, statuant en application des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administra

tive, a, à la demande de la société Cyno Garde, annulé le contrat qu'elle a...

Vu, 1° sous le numéro 350788, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 26 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société DPM PROTECTION, dont le siège est 78 rue Rouget-de-L'Isle à Cayenne (97300), représentée par son gérant en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100672 du 25 mai 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, statuant en application des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Cyno Garde, annulé le contrat qu'elle a passé avec le centre hospitalier de Cayenne Andrée-Rosemon, ayant pour objet des prestations de gardiennage du site de la Madeleine, ainsi que le contrat passé entre le même centre hospitalier et la société Mc Guard, ayant pour objet des prestations de gardiennage des centres de santé de Maripasoula et de Saint-Georges de L'Oyapock ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Cyno Garde ;

3°) de mettre à la charge de la société Cyno Garde le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le numéro 350792, le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON, dont le siège est 3 rue des Flamboyants BP 6006 à Cayenne (97306) ; le centre hospitalier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cayenne ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la société Cyno Garde ;

3°) de mettre à la charge de la société Cyno Garde le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la directive 89/665/CEE du 21 décembre 1989, modifiée par la directive 2007/66/CE du 11 décembre 2007 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société DPM PROTECTION et de Me Carbonnier, avocat de la société Cyno Garde,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société DPM PROTECTION et à Me Carbonnier, avocat de la société Cyno Garde ;

Considérant que les pourvois de la société DPM PROTECTION et du CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON sont dirigés contre la même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section " ; qu'aux termes de l'article L. 551-14 de ce code : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours " ; qu'aux termes de l'article L. 551-18 du même code : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-19 : " Toutefois, dans les cas prévus à l'article L. 551-18, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice, si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général. / Cette raison ne peut être constituée par la prise en compte d'un intérêt économique que si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées et que l'intérêt économique atteint n'est pas directement lié au contrat, ou si le contrat porte sur une délégation de service public. " ; qu'enfin, selon l'article L. 551-20 : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 13 janvier 2011, le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché comportant quatre lots et ayant pour objet des prestations de gardiennage, de surveillance et de télésurveillance du centre hospitalier et de ses annexes ; que la société Cyno Garde a présenté une offre pour le lot n° 1 (gardiennage du site des locaux de la Madeleine) ainsi que pour les lots n° 3 (gardiennage du centre de santé de Maripalousa) et n° 4 (gardiennage du centre de santé de Saint-Georges) ; que, par deux courriers datés des 11 avril et 20 avril 2011, le centre hospitalier lui a notifié le rejet de ses offres ainsi que l'attribution du lot n° 1 à la société DPM PROTECTION et des lots nos 3 et 4 à la société Mc Guard ; que, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la société Cyno Garde a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, le 30 avril 2011, d'une demande d'annulation de la procédure de passation du contrat ; que, le centre hospitalier ayant fait état, dans son mémoire en défense enregistré le 6 mai 2011 au greffe du tribunal, de la signature, le 22 avril 2011, des trois contrats relatifs aux lots nos 1, 3 et 4, la société Cyno Garde a alors demandé à ce juge l'annulation de ces contrats, sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative relatives au référé contractuel ; qu'après avoir, par une ordonnance du 13 mai 2011, rejeté les conclusions de la société Cyno Garde fondées sur l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne a, par l'ordonnance attaquée du 25 mai 2011, annulé les contrats sur le fondement des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative ;

Considérant que, pour prononcer l'annulation des marchés litigieux, le juge des référés a retenu, d'une part, que le lot n° 1 avait été attribué à la société DPM PROTECTION en raison d'une " proposition technique innovante " qui ne figurait pas parmi les critères d'attribution et, d'autre part, que le nombre de points attribués à la société Mc Guard pour les lots nos 3 et 4 était inférieur à celui attribué à la société Cyno Garde sans qu'aucune explication n'eût été fournie sur ce point ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme le lui imposaient les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du code de justice administrative sur lesquelles il s'est fondé, si, à les supposer établis, les manquements du centre hospitalier à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, qu'il relevait, avaient affecté les chances de la société Cyno Garde d'obtenir les contrats, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON et la société DPM PROTECTION sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Cyno Garde ;

Sur la recevabilité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 80 du code des marchés publics: " Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée (...), le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet. / Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature. / Un délai d'au moins seize jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux alinéas précédents et la date de conclusion du marché. Ce délai est réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de la notification à l'ensemble des candidats intéressés. / La notification de l'attribution du marché ou de l'accord-cadre comporte l'indication de la durée du délai de suspension que le pouvoir adjudicateur s'impose, eu égard notamment au mode de transmission retenu. " ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 551-14 du code de justice administrative, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché, par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics qui prévoient l'obligation de notifier aux candidats le rejet de leurs offres et fixe un délai minimum de seize jours, réduit à onze jours dans le cas d'une transmission électronique, entre la date d'envoi de cette notification et la conclusion du marché ; que les dispositions de l'article

L. 551-14 du code de justice administrative ne sauraient non plus avoir pour effet de rendre irrecevable le recours contractuel du concurrent évincé ayant antérieurement présenté un recours précontractuel qui, bien qu'informé du rejet de son offre par le pouvoir adjudicateur, ne l'a pas été, contrairement à ce qu'exige le dernier alinéa du 1° du I de l'article 80 du code des marchés publics, du délai de suspension que ce dernier s'imposait entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre et la conclusion du marché ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le courrier du 20 avril 2011, par lequel le centre hospitalier a informé la société Cyno Garde de l'attribution du lot n° 1 à la société DPM PROTECTION et des lots nos 3 et 4 à la société Mc Guard, n'a pas mentionné le délai de suspension que le centre hospitalier s'imposait avant la conclusion du marché ; qu'ainsi, les dispositions de l'article L. 551-14 ne sauraient faire obstacle à ce que la société Cyno Garde forme un référé contractuel ; que, par suite, à défaut pour elle d'avoir été informée de ce délai lors de la notification du rejet de son offre, la société Cyno Garde, qui était de ce fait dans l'ignorance de la signature des marchés lorsqu'elle a présenté un référé précontractuel, est recevable à former un référé contractuel, sur le fondement de l'article L. 551-13 de ce code, après avoir été informée, par le mémoire en défense du centre hospitalier dans le cadre de l'instance en référé précontractuel, que les contrats avaient étés signés pour les lots litigieux le 22 avril 2011 ; que la société a valablement saisi le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-13 par un mémoire qui ne contenait que des conclusions fondées sur cet article, sans que les dispositions du chapitre 1er du titre V du livre V du code de justice administrative, selon lesquelles les demandes formées devant le juge des référés sur le fondement de l'article L. 555-1 sont présentées et jugées selon des règles distinctes de celles applicables aux demandes présentées sur le fondement de l'article L. 551-13, y fassent obstacle ; que, dès lors, la demande présentée par la société Cyno Garde est recevable ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du contrat relatif au lot n° 1 :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la notification à la société Cyno Garde du rejet de son offre ne mentionnait pas le délai de suspension que le centre hospitalier s'imposait avant la conclusion du contrat relatif au lot n° 1, faisant obstacle à ce qu'un tel délai puisse courir à son encontre ; qu'ainsi, la signature du contrat le 22 avril 2011 est intervenue avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, au sens des articles

L. 551-18 et L 551-20 du code de justice administrative ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société Cyno Garde soutient qu'en lui accordant une note identique à celle attribuée à la société DPM PROTECTION en ce qui concerne le critère du prix et en retenant l'offre de cette dernière sur le fondement d'un critère non prévu au règlement de la consultation, le centre hospitalier a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dans des conditions ayant affecté ses chances d'obtenir le contrat ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'en réponse à la demande qui lui avait été faite en ce sens par la société Cyno Garde, le centre hospitalier a indiqué que l'attribution d'une note identique aux deux sociétés était justifiée par le caractère négligeable de l'écart de 109 euros séparant l'offre de la société Cyno Garde, dont le montant était de 289 631 euros, de celle de la société DPM PROTECTION, dont le montant était de 289 740 euros ; que le centre hospitalier a ainsi communiqué à la société Cyno Garde, comme il lui appartenait de le faire, l'élément de notation qui justifiait l'attribution à chacune des sociétés Cyno Garde et société DPM PROTECTION d'une note identique en ce qui concernait le critère du prix ; que, dès lors, le centre hospitalier n'a pas manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; que, par ailleurs, en retenant l'offre de la société DPM PROTECTION au motif, qui résulte du rapport d'analyse des offres, que sa valeur technique était intéressante " avec une innovation qui peut améliorer la qualité des prestations ", le centre hospitalier n'a pas mis en oeuvre un " critère d'innovation " non prévu au règlement de la consultation mais a simplement fait application du critère de la valeur technique qui était, avec le critère du prix, l'un des deux critères de jugement des offres prévus dans ce règlement ; que, par suite, la société Cyno Garde n'est pas fondée à demander l'annulation du contrat relatif au lot n° 1 sur le fondement de l'article L. 551-18 du code de justice administrative ;

Considérant, toutefois, qu'en vertu de l'article 2 sexies introduit dans la directive du 21 décembre 1989 par la directive du 11 décembre 2007, lorsque le contrat est conclu pendant le délai de suspension de la signature du contrat consécutif à l'envoi de la notification de la décision d'attribution du marché aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, ou durant l'instance devant le juge du référé précontractuel, les Etats membres doivent prévoir l'absence d'effets du marché ou des sanctions de substitution effectives, proportionnées et dissuasives qui consistent soit à imposer des pénalités financières au pouvoir adjudicateur, soit à abréger la durée du marché ; que ces mesures doivent être prononcées en tenant notamment compte de la gravité de la violation, du comportement du pouvoir adjudicateur et, s'agissant de l'absence d'effets du marché, de la mesure dans laquelle le contrat continue à produire des effets ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative précédemment citées, qui doivent être lues à la lumière de celles de l'article 2 sexies de la directive du 21 décembre 1989 dont elles assurent la transposition, qu'en cas de conclusion du contrat avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, comme en l'espèce, ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 du même code, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d'effets le contrat en l'annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat ; que, pour déterminer la mesure qui s'impose, le juge du référé contractuel peut prendre en compte, notamment, la nature et l'ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l'auteur du recours ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat relatif au lot n° 1 a été signé par le centre hospitalier le 22 avril 2011, soit deux jours seulement après l'envoi à la société Cyno Garde de la notification du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société DPM PROTECTION, notification qui, en méconnaissance de l'article 80 du code des marchés publics, ne prévoyait le respect d'aucun délai de suspension avant la signature du contrat ; qu'eu égard, d'une part, au très faible délai laissé à la société Cyno Garde par le centre hospitalier pour saisir le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, mais, d'autre part, à la nature de la méconnaissance par le centre hospitalier de ses obligations, n'affectant pas la substance même de la concurrence, et compte tenu du montant du marché, il y a lieu d'infliger au centre hospitalier une pénalité financière d'un montant de 10 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des contrats relatifs aux lots

nos 3 et 4 :

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit, la notification à la société Cyno Garde du rejet de son offre ne mentionnait pas le délai de suspension que le centre hospitalier s'imposait avant la conclusion du contrat relatif aux lots nos 3 et 4, faisant obstacle à ce qu'un tel délai puisse courir à son encontre ; qu'ainsi, la signature des contrats le 22 avril 2011 est intervenue avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, au sens des articles

L. 551-18 et L. 551-20 du code de justice administrative ;

Considérant, d'autre part, que si le centre hospitalier a décidé, à l'issue de l'examen et du jugement des offres, de classer première l'offre de la société Mc Guard et deuxième l'offre de la société Cyno Garde, il résulte de l'instruction, en particulier du tableau d'analyse des offres et de calcul des notes attribuées aux candidats, et il n'est d'ailleurs pas contesté par le centre hospitalier, que la société Cyno Garde a obtenu un nombre de points de 56, résultant des notes de 6 et 5 obtenues pour le critère du prix des prestations et pour celui de la valeur technique, alors que la société Mc Guard n'a obtenu qu'un nombre de points de 55 résultant des notes de 4,5 et 7 obtenues respectivement pour ces deux critères ; qu'en classant ainsi deuxième l'offre de la société Cyno Garde, le centre hospitalier a méconnu les critères de jugement des offres qu'il avait lui-même fixés et a manqué à ses obligations de mise en concurrence d'une manière ayant affecté les chances de la société Cyno Garde d'obtenir les marchés, dès lors que la société aurait dû normalement, par application de ces critères et en raison de son nombre de points supérieur à celui obtenu par la société Mc Guard, être classée première et se voir attribuer les lots nos 3 et 4 ; que la société Cyno Garde est dès lors fondée à demander l'annulation des contrats relatifs à ces lots, sur le fondement de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, aucune raison impérieuse d'intérêt général ne justifiant le prononcé de l'une des mesures alternatives à l'annulation prévues par l'article L. 551-19 du même code ; que, cependant, compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité des prestations de gardiennage, de surveillance et de télésurveillance des centres de santé de Maripalousa et de Saint-Georges durant le délai nécessaire au lancement d'une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence et à l'attribution des nouveaux marchés correspondant aux lots en cause et de l'intérêt général qui s'attache à ce que cette continuité soit préservée, il y a lieu de ne prononcer l'annulation de ces marchés qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de la présente décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Cyno Garde est seulement fondée à demander l'annulation des contrats correspondant aux lots nos 3 et 4 du marché de gardiennage, de surveillance et de télésurveillance des établissements du CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON conclus le 22 avril 2011 par le centre hospitalier et la société Mc Guard ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Cyno Garde qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à la société Cyno Garde de la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci tant devant le Conseil d'Etat que le tribunal administratif de Cayenne ; qu'enfin, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société le versement de la somme demandée, au même titre, par la société DPM PROTECTION ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cayenne du 25 mai 2011 est annulée.

Article 2 : Les contrats correspondant aux lots nos 3 et 4 du marché de gardiennage, de surveillance et de télésurveillance des établissements du CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON, conclus le 22 avril 2011 par le centre hospitalier et la société Mc Guard, sont annulés. Cette annulation prendra effet à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de la présente décision.

Article 3 : Une pénalité de 10 000 euros, qui sera versée au Trésor public, est infligée au CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative.

Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON versera une somme de 4 500 euros à la société Cyno Garde en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de la société Cyno Garde est rejeté.

Article 6 : Les conclusions du CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société DPM PROTECTION, au CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON, à la société Cyno Garde, à la société Mc Guard et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE - DÉLAIS DE STANDSTILL ET DE SUSPENSION DE SIGNATURE - MÉCONNAISSANCE - OFFICE DU JUGE DU RÉFÉRÉ CONTRACTUEL - 1) ANNULATION DU CONTRAT SUR LE FONDEMENT DU TROISIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE L - 551-18 DU CJA - OBLIGATION DE SE PRONONCER EXPLICITEMENT SUR LA CONDITION SELON LAQUELLE LES MANQUEMENTS AUX OBLIGATIONS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE ONT AFFECTÉ LES CHANCES DU DEMANDEUR D'OBTENIR LE CONTRAT - EXISTENCE - 2) OBLIGATION - POSÉE PAR LA DIRECTIVE RECOURS - DE PRÉVOIR UNE SANCTION - CONSÉQUENCE - OBLIGATION - MÊME LORSQUE LES CONDITIONS MISES À UNE ANNULATION SUR LE FONDEMENT DU TROISIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE L - 551-18 DU CJA NE SONT PAS REMPLIES - DE PRENDRE UNE SANCTION SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 551-20 DU CJA - EXISTENCE.

39-02-005 Lorsque le juge du référé contractuel est saisi, sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative (CJA), d'un contrat signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 du même code :,,1) il doit, pour en prononcer l'annulation sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du CJA, rechercher explicitement si est remplie la condition, posée à cet alinéa, selon laquelle les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence ont affecté les chances du demandeur d'obtenir le contrat ;,,2) il est tenu, en vertu des dispositions de l'article L. 551-20 du CJA, qui doivent être lues à la lumière de celles de l'article 2 sexies de la directive dite recours 89/665/CEE du 21 décembre 1989 dont elles assurent la transposition, soit de priver d'effets le contrat en l'annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat ; il doit alors, pour déterminer la mesure qui s'impose, prendre en compte, notamment, la nature et l'ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l'auteur du recours, ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - PROCÉDURES D'URGENCE - CONTRAT SIGNÉ AVANT L'EXPIRATION DU DÉLAI DE STANDSTILL OU DE SUSPENSION DE SIGNATURE - 1) ANNULATION SUR LE FONDEMENT DU TROISIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE L - 551-18 DU CJA - OBLIGATION - POUR LE JUGE DU RÉFÉRÉ CONTRACTUEL - DE SE PRONONCER EXPLICITEMENT SUR LA CONDITION SELON LAQUELLE LES MANQUEMENTS AUX OBLIGATIONS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE ONT AFFECTÉ LES CHANCES DU DEMANDEUR D'OBTENIR LE CONTRAT - EXISTENCE - 2) OBLIGATION - POSÉE PAR LA DIRECTIVE RECOURS - DE PRÉVOIR UNE SANCTION - CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LE JUGE DU RÉFÉRÉ CONTRACTUEL - MÊME LORSQUE LES CONDITIONS MISES À UNE ANNULATION SUR LE FONDEMENT DU TROISIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE L - 551-18 DU CJA NE SONT PAS REMPLIES - DE PRENDRE UNE SANCTION SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 551-20 DU CJA - EXISTENCE.

39-08-015-02 Lorsque le juge du référé contractuel est saisi, sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative (CJA), d'un contrat signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 du même code :,,1) il doit, pour en prononcer l'annulation sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du CJA, rechercher explicitement si est remplie la condition, posée à cet alinéa, selon laquelle les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence ont affecté les chances du demandeur d'obtenir le contrat ;,,2) il est tenu, en vertu des dispositions de l'article L. 551-20 du CJA, qui doivent être lues à la lumière de celles de l'article 2 sexies de la directive dite recours 89/665/CEE du 21 décembre 1989 dont elles assurent la transposition, soit de priver d'effets le contrat en l'annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat ; il doit alors, pour déterminer la mesure qui s'impose, prendre en compte, notamment, la nature et l'ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l'auteur du recours, ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 nov. 2011, n° 350788
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; CARBONNIER

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/11/2011
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 350788
Numéro NOR : CETATEXT000024911128 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-11-30;350788 ?
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