La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2006 | FRANCE | N°269181

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 27 septembre 2006, 269181


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 26 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION, dont le siège est Arc, 20 rue Blaise Pascal à Maxeville (54320), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 mai 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a réformé le jugement du 7 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a ord

onné une expertise avant de statuer sur sa demande tendant à la condamna...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 26 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION, dont le siège est Arc, 20 rue Blaise Pascal à Maxeville (54320), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 mai 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a réformé le jugement du 7 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a ordonné une expertise avant de statuer sur sa demande tendant à la condamnation de la ville de Reims à lui verser la somme de 17 626 260,34 francs, et a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la ville à faire droit à ses réclamations autres que celles formulées les 27 février et 12 mars 1992 ;

2°) statuant au fond, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Reims la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Hemery, avocat de la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION, de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la ville de Reims, de la SCP Boulloche, avocat de MM. , et C et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société OTH Est,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un marché en date du 25 septembre 1991, la ville de Reims a confié à la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION le lot gros oeuvre de la construction d'un conservatoire de musique et de danse, la maîtrise d'oeuvre étant assurée par trois architectes, MM. , et C, par un acousticien et un bureau d'études, la société OTH Est ; que la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une requête à fin de condamnation de la ville de Reims à l'indemniser du préjudice subi lors de l'exécution du marché du fait du retard dans la remise des plans ; que, par un jugement avant dire droit en date du 7 septembre 1999, le tribunal, après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs, a ordonné une expertise afin de déterminer l'origine des retards et l'étendue des préjudices subis par la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION ; que par un arrêt en date du 10 mai 2004, la cour administrative d'appel de Nancy a réformé ce jugement en tant qu'il avait regardé comme recevable la requête au delà du montant demandé dans les réclamations en date des 27 février et 12 mars 1992 ; que la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

Considérant que si par un jugement, en date du 15 mars 2005, devenu définitif faute d'avoir été frappé d'appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, au vu du rapport d'expertise, a jugé la ville de Reims responsable du préjudice subi par la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION du fait des dépassements des délais initialement prévus et l'a condamnée à lui verser à la somme de 222 122 euros correspondant à la période de deux mois au titre de laquelle la cour administrative d'appel de Nancy, par son arrêt du 10 mai 2004, a jugé que des réclamations avaient été régulièrement formées, le tribunal n'a ainsi statué que sur les conclusions dont il demeurait saisi suite à la réformation, par l'arrêt précité, de son jugement avant-dire droit en date du 7 septembre 1999 ; qu'ainsi, l'intervention de son jugement du 15 mars 2005 n'a pas eu pour effet de priver d'objet le recours en cassation formé par la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION contre l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nancy ; que les conclusions à fin de non-lieu opposées par la ville de Reims doivent dès lors être rejetées ;

Sur le pourvoi :

Considérant qu'aux termes du paragraphe 11 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur doit remettre au maître d'oeuvre un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations ; qu'aux termes du paragraphe 12 de l'article 50 du même cahier : Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur ; qu'aux termes du paragraphe 21 de l'article 50 : Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion dans un délai de trois mois à compter de cette proposition ou à l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus ; qu'aux termes du paragraphe 31 de l'article 50 : Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné au 21 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les intimés avaient opposé, devant la cour, la forclusion de la demande de la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION au regard des dispositions du paragraphe 21 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause ; que l'examen de cette fin de non-recevoir imposait au juge de vérifier le respect de la procédure préalable prévue en cas de différend entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre par l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ; qu'ainsi en se fondant sur la circonstance que les réclamations postérieures au 12 mars 1992 n'avaient pas été adressées par l'entreprise au maître d'oeuvre en méconnaissance des dispositions du paragraphe 11 de l'article 50 du cahier susvisé pour rejeter comme irrecevables une partie des demandes de la société requérante, la cour n'a pas retenu un moyen qu'elle aurait soulevé d'office mais a répondu à la fin de non-recevoir opposée devant elle ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux qu'en cas de différend entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, ce dernier est tenu de transmettre toutes ses réclamations, même si elles se bornent à modifier le montant de la somme précédemment demandée, au maître d'oeuvre ; que ce dernier, qui doit alors transmettre, avec son avis, la réclamation dont il a été saisi à la personne responsable du marché, est ensuite toujours réputé avoir assuré cette transmission ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION a adressé, à raison de retards dans l'exécution des travaux, deux réclamations au maître d'oeuvre, les 27 février et 12 mars 1992, puis a transmis directement au maître de l'ouvrage d'autres demandes les 23 avril, 21 mai et 22 décembre 1992 ainsi que le 18 mai 1993 ; qu'ainsi, en jugent irrecevables les réclamations envoyées directement au maître de l'ouvrage sans rechercher si elles ne se bornaient pas à actualiser le montant du préjudice subi par l'entreprise, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, que la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que l'absence de transmission à la personne responsable du marché par le maître d'oeuvre des deux premières réclamations de la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION n'autorisait pas l'entreprise à adreser directement ses réclamations ultérieures au maître de l'ouvrage ;

Considérant que si la cour a cité, dans sa motivation, un montant erroné de la somme totale figurant dans les mémoires de réclamation recevables, cette erreur, qui ne se retrouve pas dans le dispositif de l'arrêt, n'a eu aucune conséquence sur son raisonnement ; qu'elle est dès lors sans incidence sur la régularité de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nancy ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Reims, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION la même somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens respectivement par la ville de Reims, par la société OTH Est et enfin par les trois architectes, MM. , et C ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION versera à la ville de Reims et à la société OTH Est la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION versera à MM. , et C la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PERTUY CONSTRUCTION, à la ville de Reims, à MM. , et C et à la société OTH Est.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT. RÈGLEMENT DES MARCHÉS. DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF. - DIFFÉREND ENTRE LE MAÎTRE D'OEUVRE ET L'ENTREPRENEUR - A) PORTÉE GÉNÉRALE DE L'OBLIGATION DE TRANSMISSION PRÉVUE PAR L'ARTICLE 50 DU CCAG-TRAVAUX - B) CONTREPARTIE - OBLIGATION, RÉPUTÉE REMPLIE EN TOUTES CIRCONSTANCES, DE TRANSMISSION PAR LE MAÎTRE D'OEUVRE À LA PERSONNE RESPONSABLE DU MARCHÉ.

39-05-02-01 a) Il résulte des stipulations de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux qu'en cas de différend entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, ce dernier est tenu de transmettre toutes ses réclamations, même si elles se bornent à modifier le montant d'une somme précédemment demandée, au maître d'oeuvre.,,b) Le maître d'oeuvre, qui doit alors transmettre, avec son avis, la réclamation dont il a été saisi à la personne responsable du marché, est ensuite toujours réputé avoir assuré cette transmission. En conséquence, une décision de rejet naît à l'expiration des délais fixés par l'article 50.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 sep. 2006, n° 269181
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Nathalie Escaut
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; HEMERY ; SCP COUTARD, MAYER ; SCP DEFRENOIS, LEVIS ; SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 27/09/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 269181
Numéro NOR : CETATEXT000008220304 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-09-27;269181 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award