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23/02/2011 | FRANCE | N°311514

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 23 février 2011, 311514


Vu 1°), sous le n° 311514, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES (SRGP), dont le siège est 26bis, rue François 1er à Paris (75008) ; le SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le bar

ème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à t...

Vu 1°), sous le n° 311514, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES (SRGP), dont le siège est 26bis, rue François 1er à Paris (75008) ; le SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu 2°) sous le n° 311515, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES RESEAUX RADIOPHONIQUES NATIONAUX (SRRN), dont le siège est 22, rue Boileau à Paris (75016) ; le SYNDICAT DES RESEAUX RADIOPHONIQUES NATIONAUX demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 3°), sous le n° 311516, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NRJ, dont le siège est 22, rue Boileau à Paris (75016) ; la SOCIETE NRJ demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 4°), sous le n° 311517, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE RIRE ET CHANSONS, dont le siège est 22, rue Boileau à Paris (75016) ; la SOCIETE RIRE ET CHANSONS demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 5°), sous le n° 311518, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CHERIE FM, dont le siège est 22, rue Boileau à Paris (75016) ; la SOCIETE CHERIE FM demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 6°), sous le n° 311519, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE RADIO NOSTALGIE, dont le siège est 22, rue Boileau à Paris (75016) ; la SOCIETE RADIO NOSTALGIE demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 7°), sous le n° 311520, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE POUR L'EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO, dont le siège est 22, rue Bayard à Paris (75008) ; la SOCIETE POUR L'EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 8°), sous le n° 311521, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DE RADIO DIFFUSION, dont le siège est 24, rue Bayard à Paris (75008) ; la SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DE RADIO DIFFUSION demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 9°), sous le n° 311522, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'EXLOITATION RADIO CHIC, dont le siège est 20, rue Bayard à Paris (75008) ; la SOCIETE D'EXPLOITATION DE RADIO CHIC demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à sa conformité à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

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Vu 10°), sous le n° 311532, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE VORTEX, dont le siège est 37bis, rue Greneta à Paris (75002) ; la SOCIETE VORTEX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 15 octobre 2007 de la commission crée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle fixant l'assiette et le barème de la rémunération prévue par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la directive 92/100/CEE du Conseil du 19 novembre 1992 ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat du SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES, du SYNDICAT DES RESEAUX RADIOPHONIQUES NATIONAUX, de la SOCIETE NRJ, de la SOCIETE RIRE ET CHANSONS, de la SOCIETE CHERIE FM, de la SOCIETE RADIO NOSTALGIE, de la SOCIETE POUR L'EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO, de la SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DE RADIO DIFFUSION et de la SOCIETE D'EXPLOITATION RADIO CHIC, de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Société civile pour la perception de la rémunération équitable (SPRE) et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre de la culture et de la communication,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat du SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES, du SYNDICAT DES RESEAUX RADIOPHONIQUES NATIONAUX, de la SOCIETE NRJ, de la SOCIETE RIRE ET CHANSONS, de la SOCIETE CHERIE FM, de la SOCIETE RADIO NOSTALGIE, de la SOCIETE POUR L'EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO, de la SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DE RADIO DIFFUSION et de la SOCIETE D'EXPLOITATION RADIO CHIC, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Société civile pour la perception de la rémunération équitable (SPRE) et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre de la culture et de la communication ;

Considérant que les requêtes du SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES, du SYNDICAT DES RESEAUX RADIOPHONIQUES NATIONAUX, de la SOCIETE NRJ, de la SOCIETE RIRE ET CHANSONS, de la SOCIETE CHERIE FM, de la SOCIETE RADIO NOSTALGIE, de la SOCIETE POUR L'EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO, de la SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DE RADIO DIFFUSION, de la SOCIETE D'EXPLOITATION RADIO CHIC et de la SOCIETE VORTEX sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'article 22 de la loi du 3 juillet 1985 : Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer : / 1° A sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ; / 2° A sa radiodiffusion, (...) / Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs. / Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1° et 2° du présent article. / Elle est assise sur les recettes de l'exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l'article L. 131-4. / Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes ; qu'aux termes de l'article L. 214-3 du même code : Le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 214-1. / (...) La durée de ces accords est comprise entre un et cinq ans ; qu'aux termes de l'article L. 214-4 : A défaut d'accord intervenu avant le 30 juin 1986, ou si aucun accord n'est intervenu à l'expiration du précédent accord, le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l'Etat et composée, en nombre égal, d'une part, de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, d'autre part, de membres désignés par les organisations représentant les personnes qui, dans la branche d'activité concernée, utilisent les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 214-1. / Les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture (...) ;

Considérant que les sociétés requérantes demandent l'annulation de la décision du 15 octobre 2007 par laquelle la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle a fixé l'assiette et le barème de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code ;

Sur les interventions de la Société civile pour la perception de la rémunération équitable :

Considérant que la Société civile pour la perception de la rémunération équitable (SPRE), qui est chargée de la collecte de la rémunération équitable et de la répartition de son produit entre les ayants droit en application de l'article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, a intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi, ses interventions sont recevables ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant en premier lieu que les sociétés requérantes soutiennent que les dispositions de l'article 3 des règles de fonctionnement des débats de la commission, qui prévoient notamment que les séances sont convoquées quinze jours au moins avant la date de la séance, ont été méconnues ; que toutefois, il ressort des pièces produites par le ministre de la communication que la réunion du 15 octobre 2007 a été convoquée dès le 25 septembre 2007, en même temps que celle du 10 octobre, et qu'un ordre du jour précis était joint à ces deux convocations ; qu'il ressort en outre du procès-verbal de la séance du 15 octobre que celle-ci a été exclusivement consacrée à l'approbation du compte rendu de la séance précédente du 10 octobre et au vote, après un débat général, sur le projet de décision relative à la rémunération équitable dans sa version adoptée lors de cette même séance précédente, conformément à l'ordre du jour annoncé dans la convocation du 25 septembre 2007 ; que le fait que le projet de décision adopté le 10 octobre n'ait pas été adressé aux membres de la commission dans le délai fixé par l'article 3 mentionné ci-dessus n'est pas, du fait des circonstances de l'espèce et notamment de la continuité des échanges sur ce projet lors des séances précédentes, de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; que la circonstance que la décision mise au vote ait comporté des amendements présentés en séance par le président de la commission n'entache pas la procédure d'irrégularité ;

Considérant en second lieu qu'aucune règle ni aucun principe ne s'oppose à ce que certains membres d'un organisme collégial délibérant en vue d'une décision administrative puissent se concerter en dehors des séances de cet organisme, dès lors qu'il n'est pas porté atteinte aux compétences de celui-ci ou aux règles de fonctionnement qui lui sont applicables, ni, de même, à ce que le ministre concerné par le domaine d'intervention d'un organisme collégial ait des échanges avec certains membres seulement de l'organisme ; que par suite, la circonstance que des discussions associant le président de la commission, certains membres seulement de celle-ci et le ministre chargé de la communication aient eu lieu entre les séances des 10 et 15 octobre 2007 est en elle-même sans incidence sur la régularité de la décision adoptée par la commission le 15 octobre 2007 ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant que les articles L. 214-1 et L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle assurent la transposition en droit interne des dispositions du paragraphe 2 de l'article 8 de la directive 92/100/CEE du Conseil en date du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, aux termes desquelles : Les Etats membres prévoient un droit pour assurer qu'une rémunération équitable et unique est versée par l'utilisateur lorsqu'un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute d'accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération ; qu'il résulte de l'interprétation de ces dispositions par la Cour de justice des Communautés européennes, aux termes de l'arrêt C-245/00 du 6 février 2003, que la notion de rémunération équitable doit s'analyser comme étant de nature à permettre d'atteindre un équilibre adéquat entre l'intérêt des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes à percevoir une rémunération au titre de la radiodiffusion d'un phonogramme déterminé et l'intérêt des tiers à pouvoir diffuser ce phonogramme dans des conditions raisonnables, et que son caractère équitable doit notamment être analysé au regard de la valeur de l'utilisation du phonogramme dans les échanges économiques ;

Considérant que la décision attaquée prévoit en son article 1er que le montant de la rémunération équitable est déterminé en appliquant aux recettes liées à l'activité de radiodiffusion, définies à l'article 2, un barème progressif comportant quatre taux, allant de 4 % pour la part des recettes d'exploitation inférieures à 500 000 euros, jusqu'à 7 % pour la part supérieure à 13 millions d'euros ; qu'au résultat ainsi obtenu sont appliqués d'une part le taux annuel d'utilisation des phonogrammes, forfaitairement fixé à 85 % de la totalité des programmes diffusés sous réserve pour chaque service de radiodiffusion de justifier d'un taux inférieur sur présentation de ses relevés de programme, d'autre part, le cas échéant, les abattements prévus par l'article 3 ; que ces abattements bénéficient aux services qui soit diffusent quotidiennement une durée minimale de programmes non musicaux réalisés par des journalistes professionnels, soit réalisent et diffusent quotidiennement une durée minimale de programmes d'intérêt local non musicaux, ainsi qu'aux services qui s'acquittent, avant même la clôture de l'exercice comptable, des montants provisionnels de rémunération ; qu'en son article 5, la décision attaquée prévoit que les services privés de radiodiffusion bénéficiant de l'aide mentionnée à l'article 80 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, c'est-à-dire les radios associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité et dont le chiffre d'affaires est composé de moins de 20 % de recettes publicitaires, peuvent choisir d'acquitter un forfait de rémunération pour la part de leurs recettes d'exploitation inférieure à 500 000 euros ;

Considérant qu'à la supposer établie, l'illégalité de la décision du 5 mai 2006 par laquelle le président de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, faisant droit à une demande tendant à ce que la commission soit réunie, a convoqué les membres de celle-ci le 30 mai 2006, est sans incidence sur la légalité de la décision adoptée lors de la séance du 15 octobre 2007 ;

Considérant que la SPRE se borne à collecter la rémunération équitable et à en répartir le produit ; que son implication, dépourvue de toute incidence sur le montant de la rémunération équitable, qui dépend seulement de la diffusion de phonogrammes par les radios et du chiffre d'affaires de celles-ci, ne peut être regardée comme émanant d'une entreprise ou d'un opérateur économique ; que par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée placerait la SPRE en situation d'abuser de sa position dominante dans des conditions contraires à l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à l'article L. 420-2 du code de commerce et serait entachée de détournement de pouvoir doivent être écartés ;

Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que les radios associatives pouvant bénéficier du forfait de rémunération prévu par l'article 5 pour la part de leurs recettes d'exploitation inférieure à 500 000 euros sont assujetties à une mission de communication sociale de proximité et ne sont pas autorisées à tirer plus de 20 % de leur chiffre d'affaires de recettes publicitaires ; que, par ailleurs, les autres utilisateurs de diffusion de phonogrammes, notamment les discothèques, se trouvent dans une situation différente de celle des radios justifiant que des modalités de calcul de la rémunération équitable différentes leur soient applicables ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les auteurs de la décision attaquée aient porté une atteinte illégale au principe d'égalité ;

Considérant que l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la rémunération équitable est assise sur les recettes de l'exploitation ; que les recettes publicitaires constituent des recettes d'exploitation ; que par suite, la commission n'a pas fait une inexacte application des dispositions de cet article en prévoyant que l'assiette comprend, notamment, le chiffre d'affaires publicitaire , au demeurant pondéré par le taux annuel d'utilisation des phonogrammes ;

Considérant que si les sociétés requérantes font valoir que le barème progressif substitué par la décision attaquée au taux unique de 4,25 % des recettes d'exploitation précédemment prévu par la décision du 22 décembre 1993 se traduit par une augmentation de la rémunération excessive au regard des charges d'exploitation des services de diffusion radiophonique, que les artistes et les producteurs de phonogrammes ont déjà bénéficié de la hausse continue du chiffre d'affaires des radios depuis 1993, alors que la part des recettes, notamment publicitaires, associées à la diffusion de programmes musicaux dans le chiffre d'affaires des radios s'est au contraire réduite et que, dans ce contexte, l'augmentation de la rémunération mise à la charge des services de diffusion radiophonique ferait perdre à cette rémunération son caractère équitable, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en instituant un tel barème progressif assis sur les recettes d'exploitation la commission ait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ni d'erreur de droit au regard des objectifs poursuivis par la rémunération au profit des artistes-interprètes et producteurs prévue à l'article 8 de la directive du 19 novembre 1992 et instituée par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle ; que la circonstance que l'application du barème prévu par la décision antérieure du 22 décembre 1993 avait conduit, jusqu'à sa modification, à des versements en augmentation annuelle, ne faisait nullement obstacle à ce que la commission décidât d'en modifier la structure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SOCIETE VORTEX demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que la Société civile pour la perception de la rémunération équitable, intervenante en défense, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font également obstacle à ce que les sociétés requérantes lui versent les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions présentées par la Société civile pour la perception de la rémunération équitable sont admises.

Article 2 : Les requêtes du SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES, du SYNDICAT DES RESEAUX RADIOPHONIQUES NATIONAUX, de la SOCIETE NRJ, de la SOCIETE RIRE ET CHANSONS, de la SOCIETE CHERIE FM, de la SOCIETE RADIO NOSTALGIE, de la SOCIETE POUR L'EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO, de la SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DE RADIO DIFFUSION, de la SOCIETE D'EXPLOITATION RADIO CHIC et de la SOCIETE VORTEX sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Société civile pour la perception de la rémunération équitable sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES RADIOS GENERALISTES PRIVEES, au SYNDICAT DES RESEAUX RADIOPHONIQUES NATIONAUX, à la SOCIETE NRJ, à la SOCIETE RIRE ET CHANSONS, à la SOCIETE CHERIE FM, à la SOCIETE RADIO NOSTALGIE, à la SOCIETE POUR L'EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO, à la SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DE RADIO DIFFUSION, à la SOCIETE D'EXPLOITATION RADIO CHIC, à la SOCIETE VORTEX, au ministre de la culture et de la communication et à la Société civile pour la perception de la rémunération équitable.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 311514
Date de la décision : 23/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-03-02-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE. PROCÉDURE CONSULTATIVE. QUESTIONS GÉNÉRALES. - CONCERTATION DES MEMBRES D'UN ORGANISME COLLÉGIAL EN DEHORS DE SES SÉANCES - IRRÉGULARITÉ DE LA DÉCISION ADOPTÉE PAR L'ORGANISME - ABSENCE, DÈS LORS QU'IL N'EST PAS PORTÉ ATTEINTE AUX COMPÉTENCES DE L'ORGANISME OU AUX RÈGLES DE FONCTIONNEMENT QUI LUI SONT APPLICABLES.

01-03-02-01 Aucune règle ni aucun principe ne s'oppose à ce que certains membres d'un organisme collégial délibérant en vue d'une décision administrative puissent se concerter en dehors des séances de cet organisme, dès lors qu'il n'est pas porté atteinte aux compétences de celui-ci ou aux règles de fonctionnement qui lui sont applicables, ni, de même, à ce que le ministre concerné par le domaine d'intervention d'un organisme collégial ait des échanges avec certains membres seulement de l'organisme. Une telle concertation est sans incidence sur la régularité de la décision adoptée par l'organisme collégial.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 2011, n° 311514
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Suzanne von Coester
Rapporteur public ?: Mme Hedary Delphine
Avocat(s) : SCP BOUTET ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:311514.20110223
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