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25/01/2012 | FRANCE | N°348269

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 25 janvier 2012, 348269


Vu l'ordonnance n° 10LY02827 du 7 avril 2011, enregistrée le 8 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour pour M. Bruno B ;

Vu le pourvoi, enregistré le 20 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présenté pour M. Bruno B, demeurant ... et tendant à l'annulation du jugement n° 0805281 du 13 octobre 2010 par lequel le tribunal admini

stratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deu...

Vu l'ordonnance n° 10LY02827 du 7 avril 2011, enregistrée le 8 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour pour M. Bruno B ;

Vu le pourvoi, enregistré le 20 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présenté pour M. Bruno B, demeurant ... et tendant à l'annulation du jugement n° 0805281 du 13 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux délibérations du jury de l'institut régional d'administration (IRA) de Lyon du 9 juillet 2008 établissant respectivement la liste des élèves aptes à être titularisés et la liste des élèves non classés qui, à titre exceptionnel, pourront être autorisés à recommencer en tout ou partie leur scolarité, en tant qu'il n'y figure pas, et à l'annulation de la décision du 23 juillet 2008 par laquelle le président de ce jury a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la seconde délibération précitée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 84-588 du 10 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine ALLAIS, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Capron, Capron, avocat de M. Bruno B et de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de l'Institut régional d'administration de Lyon,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Capron, Capron, avocat de M. Bruno B et de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de l'Institut régional d'administration de Lyon ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux délibérations du 9 juillet 2008, le jury de l'Institut régional d'administration (IRA) de Lyon a établi la liste des élèves aptes à être titularisés ainsi que celle des élèves non classés qui, à titre exceptionnel, pourraient être autorisés, par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, à recommencer tout ou partie de leur scolarité ; que M. B, qui est invalide avec un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80%, ne figurait sur aucune de ces deux listes ; que, par une décision du 23 juillet 2008, le jury a rejeté le recours gracieux formé par M. B contre la seconde de ces deux délibérations ; que M. B se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux délibérations du 9 juillet 2008, en tant qu'il ne figurait pas sur les deux listes précitées, et de la décision de rejet du 23 juillet 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette la demande tendant à l'annulation de la délibération du jury de l'IRA de Lyon du 9 juillet 2008 établissant la liste des élèves aptes à être titularisés :

Considérant qu'en vertu de l'article 3 de l'arrêté du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 23 août 2007 relatif à l'organisation de la formation initiale au sein des IRA, la formation dispensée au sein de ces instituts comporte un tronc commun et un cycle d'approfondissement dans l'un des trois univers professionnels suivants : administration centrale, administration territoriale de l'Etat, administration scolaire et universitaire ; qu'aux termes de l'article 9 du même arrêté : L'évaluation des élèves à l'issue du cycle d'approfondissement comprend [...] : une épreuve orale portant sur le parcours de professionnalisation de l'élève au sein de l'univers choisi. Cette épreuve consiste en un entretien avec le jury prenant appui sur une note dans laquelle l'élève confronte son projet professionnel à l'expérience et aux enseignements, personnels ou plus généraux, tirés de son stage. Cet oral est destiné à apprécier les connaissances de l'élève, son aptitude à l'analyse et sa capacité à proposer des solutions adéquates au sein de l'univers professionnel correspondant. Il doit permettre d'apprécier son aptitude à être titularisé. La conversation dure trente minutes et est assortie d'un coefficient 5. Les élèves dont la note est égale ou inférieure à 5 sur 20 ne peuvent figurer sur la liste de classement final ; / [...] Le jury établit, par univers professionnel, le classement final des élèves en additionnant, pour chaque élève, le total des points qu'il a obtenus dans le cadre du cycle d'approfondissement et la moitié des points qu'il a obtenus dans le cadre du tronc commun. ;

Considérant, en premier lieu, que, pour écarter le moyen tiré de ce que le jury de l'IRA aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en attribuant à M. B la note éliminatoire de 5 sur 20 à l'épreuve orale portant sur le parcours de professionnalisation de l'élève au sein de l'univers administration scolaire et universitaire au motif que ses connaissances étaient très insuffisantes et que ses propositions manquaient de réalisme, le tribunal administratif de Lyon a relevé qu'il n'appartenait pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation portée par un jury sur la valeur des candidats et jugé qu'il n'était pas établi que cette appréciation serait entachée d'erreur de droit ou de détournement de pouvoir, ni qu'elle révélerait un caractère discriminatoire tenant au handicap de l'intéressé ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, que M. B n'a pas soulevé devant le tribunal de moyen tiré de ce que la décision du jury de lui attribuer la note de 5 sur 20 dans l'épreuve orale portant sur le parcours de professionnalisation de l'élève au sein de l'univers choisi serait entachée de discrimination à raison de son handicap ; qu'en conséquence, il n'a pas soumis au tribunal d'éléments de fait susceptibles de faire présumer une telle discrimination ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que le caractère discriminatoire de la délibération du jury du 9 juillet 2008 établissant la liste des élèves aptes à être titularisés n'était pas établi, sans rechercher si des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes lui avaient été soumis, ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette la demande tendant à l'annulation de la délibération du jury de l'IRA de Lyon du 9 juillet 2008 établissant la liste des élèves non classés qui, à titre exceptionnel, pourront être autorisés à recommencer tout ou partie de leur scolarité et de la décision de rejet du 23 juillet 2008 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 27 du décret n° 84-588 du 10 juillet 1984 relatif aux IRA : A l'issue de la formation, le jury a la possibilité d'établir une liste d'élèves non classés qui, à titre exceptionnel, pourront être autorisés, par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, à recommencer tout ou partie de leur formation. Un élève ne peut bénéficier de cette possibilité qu'une fois. ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article premier de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de [...] son handicap, [...] une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. ; qu'aux termes du 2° de l'article 2 de cette même loi : 2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur [...] le handicap [...] est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle [...] ; qu'aux termes de l'article 4 de cette même loi : Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. [...] ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement des personnes, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

Considérant que le tribunal administratif, qui a relevé que l'autorisation de recommencer sa scolarité n'était accordée qu'à titre exceptionnel et qu'un redoublement n'aurait pas permis à M. B de remédier aux difficultés qu'il avait rencontrées tout au long de sa scolarité, s'est en outre fondé, pour écarter le moyen tiré de ce que la délibération du jury aurait été entachée de discrimination tenant au handicap de M. B, d'une part, sur le fait que la moyenne générale obtenue par celui-ci était égale à 9,78 sur 20, soit une moyenne inférieure à celle du dernier élève titularisé et de l'élève admise à redoubler et qu'il avait obtenu des notes faibles aux épreuves de fin de cycle d'approfondissement qui visaient à apprécier ses connaissances professionnelles, et, d'autre part, sur le fait que, si trois des six élèves non autorisés à redoubler étaient des personnes handicapées, une telle circonstance ne suffisait pas à démontrer l'existence d'une pratique discriminatoire ; que le tribunal s'est ainsi déterminé au vu des éléments de fait échangés de manière contradictoire par M. B et par l'IRA de Lyon ; que le moyen tiré de ce qu'il aurait commis une erreur de droit en jugeant que le caractère discriminatoire de la délibération du jury de l'IRA de Lyon du 9 juillet 2008 établissant la liste des élèves non classés qui, à titre exceptionnel, pourraient être autorisés à recommencer en tout ou partie leur scolarité n'était pas établi ne peut donc qu'être écarté ; que le tribunal administratif n'a pas davantage dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la délibération litigieuse n'était entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation et ne révélait aucune pratique discriminatoire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B doit être rejeté ;

Considérant que les conclusions présentées par M. B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Institut régional d'administration de Lyon au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Institut régional d'administration de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bruno B et à l'Institut régional d'administration de Lyon.

Copie en sera adressée pour information au ministre de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 348269
Date de la décision : 25/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2012, n° 348269
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Christine Allais
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA ; SCP CAPRON, CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:348269.20120125
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