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10/07/1996 | FRANCE | N°140855

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 10 juillet 1996, 140855


Vu la requête, enregistrée le 31 août 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne, représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ; la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a annulé la décision du 6 juillet 1990 par laquelle son président a prononcé la mise à pied de M. X... puis l'a licencié pour faute lourde par décision du 20 jui

llet 1990, d'autre part, l'a condamné à verser à M. X..., à titre d'...

Vu la requête, enregistrée le 31 août 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne, représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ; la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a annulé la décision du 6 juillet 1990 par laquelle son président a prononcé la mise à pied de M. X... puis l'a licencié pour faute lourde par décision du 20 juillet 1990, d'autre part, l'a condamné à verser à M. X..., à titre d'indemnités de licenciement et de préavis, la somme de 1 352 084 F avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 1990 et 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif ;
4°) de condamner M. X... à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
Vu l'arrêté du 13 novembre 1973 modifié, portant homologation du statut du personnel administratif de l'assemblée permanente des chambres de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des chambres de commerce et d'industrie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne et de Me Guinard, avocat de M. Michel X...,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 45 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, relatif à la cessation de fonctions des secrétaires généraux : "En dehors de la mise à la retraite normale dans les conditions prévues au présent statut, si la cessation de fonctions intervient du fait du président de la compagnie consulaire ... pour une cause autre qu'une faute lourde caractérisée dûment établie, elle donnera lieu à une compensation fixée comme suit : un délai de préavis de six mois avec possibilité de transformation en indemnité correspondant au nombre de mois de services non accomplis en cas de départ avant l'échéance de ce délai ; une indemnité de licenciement égale à ... trois ans de traitement ... après quinze ans de services" ;
Sur la décision du 6 juillet 1990 prononçant la mise à pied de M. X... :
Considérant que dans son mémoire introductif d'instance, enregistré le 8 août 1990 au greffe du tribunal administratif de Montpellier, M. X..., pour demander l'annulation de la décision du 6 juillet 1990 prononçant, à titre conservatoire, sa mise à pied, a présenté au moins un moyen de légalité interne en soutenant notamment que la faute lourde alléguée n'était pas établie ; que, par suite, la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne n'est pas fondée à soutenir que ce moyen, retenu par le tribunal administratif de Montpellier, était irrecevable faute d'avoir été présenté dans le délai de recours contentieux ;
Considérant que si le président de la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne était en droit, même si cette mesure n'est pas prévue par le statut, de décider dans l'intérêt du service, d'écarter temporairement M. X... de ses fonctions, une telle décision ne pouvait intervenir que pour des faits constitutifs d'une faute grave ; que, par suite, la chambre de commerce et d'industrie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la mesure de suspension, prise à l'encontre de M. X..., qui ne reposait que sur des faits qui n'étaient pas constitutifs d'une faute grave, était illégale ;

Sur la décision du 20 juillet 1990 prononçant la révocation de M. X... pour fautes lourdes :
Considérant, d'une part, que les divergences sur l'organisation et la gestion des services qui pouvaient exister entre le président de la chambre de commerce et son secrétaire général, ne pouvaient être assimilées à une faute lourde de M. X... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait fait profiter la société Naja, dirigée par son épouse, de services gratuits différents de ceux qui sont habituellement consentis aux ressortissants de l'organisme consulaire, conformément à la mission de celui-ci ; qu'enfin, l'article, publié dans la presse locale, rédigé par M. X..., après qu'il eut été entendu par le président de la chambre, dans lequel il présente le bilan de son action et annonce son prochain départ, ne constituait pas, eu égard à ses termes, un manquement à l'obligation de discrétion professionnelle ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, jugé qu'en l'absence de faute lourde de M. X..., la décision du président de la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne du 6 juillet 1990, prononçant la révocation de M. X... sans préavis ni indemnités, était entachée d'illégalité ;
Sur l'indemnité allouée à M. X... :
Considérant qu'ainsi d'ailleurs que le soutient la chambre de commerce et d'industrie à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'article 2 du jugement du 21 mai 1992, par lequel le tribunal administratif a ordonné la chambre à verser à M. X... une somme de 1 352 084 F, calculée en application des dispositions précitées de l'article 45 du statut du personnel administratif, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 juillet 1990 implique que la chambre de commerce réintègre M. X... ; que quelles que soient les suites de cette réintégration, cette obligation fait obstacle à ce que la chambre de commerce et d'industrie soit d'ores et déjà condamnée à verser une indemnité calculée en application de l'article 45 précité ; qu'ainsi, et sans que la présente décision ait pour effet de décharger la chambre de commerce et d'industrie de l'obligation de tirer les conséquences, notamment indemnitaires, de l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 juillet 1990, la chambre de commerce et d'industrie est, en l'état, fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée, par application de l'article 45 précité, à verser une indemnité de 1 352 084 F à M. X... avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 1990 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à la suppression de passages diffamatoires ou injurieux :
Considérant que les passages incriminés du mémoire de la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne, en date du 16 septembre 1992, commençant par "dans le cadre" et se terminant par "et son épouse" et de celui du 22 décembre 1992 commençant par "les éléments" et se terminant par "professionnelle" ne présentent pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère de nature à justifier, en application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, la suppression de ces passages ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X... qui n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne la somme qu'elle demande ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de ladite loi et de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne à verser à M. X... la somme de 14 232 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 21 mai 1992 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la requête de M. X... tendant à la suppression de passages des mémoires de la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne sont rejetées.
Article 4 : La chambre de commerce et d'industrie de Narbonne est condamnée à verser la somme de 14 232 F à M. X... au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne, à M. Michel X... et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.


Sens de l'arrêt : Annulation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir plein contentieux

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - ORGANISATION PROFESSIONNELLE DES ACTIVITES ECONOMIQUES - CHAMBRES DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE - PERSONNEL - Mesure de mise à pied temporaire prise dans l'intérêt du service - a) Légalité - Conditions - Mesure devant être motivée par des faits constitutifs d'une faute grave - b) Annulation - Conséquences - Réintégration de l'intéressé dans ses fonctions - Impossibilité pour le juge de condamner la chambre de commerce et d'industrie à verser à l'intéressé l'indemnité de licenciement.

14-06-01-03, 36-13-02, 54-06-07-005 Si la décision d'écarter temporairement de ses fonctions un agent d'une chambre de commerce et d'industrie peut être prise dans l'intérêt du service alors même qu'une telle mesure n'est pas prévue par les dispositions statutaires applicables, elle doit être motivée par des faits constitutifs d'une faute grave. Cette condition n'étant pas remplie en l'espèce, le tribunal administratif a annulé à bon droit la décision de mise à pied prise à l'encontre de M. B.. Mais, dès lors que cette annulation implique la réintégration de l'intéressé, c'est à tort que le tribunal a condamné la chambre de commerce et d'industrie à verser à M. B. l'indemnité prévue à l'article 45 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie en cas de licenciement d'un secrétaire général pour une cause autre qu'une faute lourde.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - EFFETS DES ANNULATIONS - Annulation d'une mesure de suspension provisoire prise à l'encontre du secrétaire général d'une chambre de commerce et d'industrie - Conséquences - Réintégration de l'intéressé dans ses fonctions - Impossibilité pour le juge de condamner la chambre de commerce et d'industrie à verser à l'intéressé l'indemnité de licenciement.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - EFFETS D'UNE ANNULATION - Annulation d'une mesure de suspension provisoire prise à l'encontre du secrétaire général d'une chambre de commerce et d'industrie - Conséquences - Réintégration de l'intéressé dans ses fonctions - Impossibilité pour le juge de condamner la chambre de commerce et d'industrie à verser à l'intéressé l'indemnité de licenciement.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 41
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 1996, n° 140855
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Fratacci
Avocat(s) : SCP Borré, Xavier, Me Guinard Avocat

Origine de la décision
Formation : 7 /10 ssr
Date de la décision : 10/07/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 140855
Numéro NOR : CETATEXT000007937541 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-07-10;140855 ?
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