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30/12/2002 | FRANCE | N°237392

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 30 décembre 2002, 237392


Vu 1°, sous le n° 237392, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août 2001 et 11 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE TALLOIRES (Haute-Savoie), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE TALLOIRES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 12 juin 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé, à la demande de l'association Lac d'Annecy Environnement, un jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 14 avril 2000 ainsi que le pe

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Vu 1°, sous le n° 237392, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août 2001 et 11 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE TALLOIRES (Haute-Savoie), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE TALLOIRES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 12 juin 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé, à la demande de l'association Lac d'Annecy Environnement, un jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 14 avril 2000 ainsi que le permis de construire accordé à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et à la S.A. BALADDA par un arrêté du maire de Talloires en date du 16 avril 1998 ;

2°) s'il le juge bon, de régler l'affaire au fond ;

3°) de condamner l'association Lac d'Annecy environnement à lui verser une somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu 2°, sous le n° 237397, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août 2001 et 21 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER, dont le siège social est ..., et pour la S.A. BALADDA, dont le siège social est ... ; la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et la S.A. BALADDA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 12 juin 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé, à la demande de l'association Lac d'Annecy Environnement, un jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 14 avril 2000 ainsi que le permis de construire accordé à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et à la S.A. BALADDA par un arrêté du maire de Talloires en date du 16 avril 1998 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon par l'association Lac d'Annecy Environnement ;

3°) de condamner l'association Lac d'Annecy Environnement à lui verser une somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 146-4 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jeanneney, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la COMMUNE DE TALLOIRES, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de l'association Lac d'Annecy Environnement et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et de la S.A. BALADA,

- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : I- L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée ;

Considérant que le maire de Talloires a délivré le 16 avril 1998 à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et à la S.A. BALADDA un permis de construire un ensemble de cinq bâtiments d'habitation comprenant trente et un logements en bordure du lac d'Annecy au lieu dit Les Balmettes ; que le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 14 avril 2000, a rejeté la demande de l'association Lac d'Annecy Environnement tendant à l'annulation de ce permis ; que le cour administrative d'appel de Lyon, saisie par cette association, a considéré que le permis litigieux méconnaissait les dispositions précitées du I, du II et du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et l'a, pour ces trois motifs, annulé par un arrêt du 12 juin 2001 ; que les pourvois présentés devant le Conseil d'Etat, d'une part, par la COMMUNE DE TALLOIRES et, d'autre part, par la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et la S.A. BALADDA sont dirigés contre ce même arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ; que si l'obligation résultant des dispositions précitées s'impose au juge saisi, en première instance ou en appel, de conclusions tendant à l'annulation ou à la suspension d'un acte intervenu en matière d'urbanisme, elle est sans incidence sur l'office du juge de cassation, auquel il appartient seulement de vérifier d'une part que le juge soumis à son contrôle ne s'est pas soustrait à l'obligation précitée, d'autre part que l'un au moins des moyens reconnus comme fondés par la décision qui lui est déférée justifie légalement le dispositif de cette dernière ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon, pour estimer que les constructions autorisées, dont une partie était comprise dans la bande littorale des cent mètres bordant le lac d'Annecy, n'étaient pas situées dans un espace urbanisé au sens du III de l'article L. 146-4 précité du code de l'urbanisme, a pu, sans commettre d'erreur de droit, tenir compte du caractère diffus de l'habitat existant sur les terrains entourant ou proches des cinq bâtiments projetés et s'est livrée à une appréciation qui, en l'absence de dénaturation des pièces du dossier, échappe au contrôle du juge de cassation ;

Considérant que ce motif d'illégalité, tiré de la violation du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, suffit à justifier légalement le dispositif de l'arrêt de la cour ; que les conclusions présentées par les requérantes et tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour doivent, par suite, être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens dirigés contre cet arrêt en tant qu'il retient d'autres motifs d'illégalité ;

Sur les conclusions de l'association Lac d'Annecy Environnement, de la COMMUNE DE TALLOIRES et de la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la COMMUNE DE TALLOIRES, d'une part, la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER, d'autre part, à payer à l'association Lac d'Annecy Environnement des sommes de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Lac d'Annecy Environnement qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la COMMUNE DE TALLOIRES, d'une part, à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER, d'autre part, les sommes que demandent celles-ci au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la COMMUNE DE TALLOIRES et de la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et de la S.A. BALADDA sont rejetées.

Article 2 : La COMMUNE DE TALLOIRES et la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER verseront à l'association Lac d'Annecy Environnement des sommes de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE TALLOIRES, à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER, à la S.A. BALADDA, à l'association Lac d'Annecy Environnement et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - DEVOIR DU JUGE - ABSENCE - OBLIGATION DE SE PRONONCER SUR L'ENSEMBLE DES MOYENS DE LA REQUÊTE SUSCEPTIBLES DE FONDER L'ANNULATION D'UN ACTE INTERVENU EN MATIÈRE D'URBANISME (ARTICLE L - 600-4-1 DU CODE DE L'URBANISME) [RJ1].

54-08-02-02 Si l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme s'impose au juge saisi, en première instance ou en appel, de conclusions tendant à l'annulation ou à la suspension d'un acte intervenu en matière d'urbanisme, elle est sans incidence sur l'office du juge de cassation, auquel il appartient seulement de vérifier, d'une part, que le juge soumis à son contrôle ne s'est pas soustrait à cette obligation, et, d'autre part, que l'un au moins des moyens reconnus comme fondés par la décision qui lui est déférée justifie légalement le dispositif de cette dernière.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - DEVOIR DU JUGE - OBLIGATION DE SE PRONONCER SUR L'ENSEMBLE DES MOYENS DE LA REQUÊTE SUSCEPTIBLES DE FONDER L'ANNULATION (ARTICLE L - 600-4-1 DU CODE DE L'URBANISME) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - CASSATION [RJ1].

68-06 Si l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme s'impose au juge saisi, en première instance ou en appel, de conclusions tendant à l'annulation ou à la suspension d'un acte intervenu en matière d'urbanisme, elle est sans incidence sur l'office du juge de cassation, auquel il appartient seulement de vérifier, d'une part, que le juge soumis à son contrôle ne s'est pas soustrait à cette obligation, et, d'autre part, que l'un au moins des moyens reconnus comme fondés par la décision qui lui est déférée justifie légalement le dispositif de cette dernière.


Références :

[RJ1]

Ab. jur. 28 décembre 2001, Commune de Béziers, T. p. 1123, 1231; Comp., s'agissant de l'appel, 28 mai 2001, Commune de Bohars et S.A.R.L. Minoterie Francès, p. 249.


Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 2002, n° 237392
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Pierre-Alain Jeanneney
Rapporteur public ?: M. Austry
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Date de la décision : 30/12/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 237392
Numéro NOR : CETATEXT000008127791 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-12-30;237392 ?
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