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04/02/2000 | FRANCE | N°189657

France | France, Conseil d'État, Section, 04 février 2000, 189657


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 août 1997 et 15 décembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES ; la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 23 juin 1997, par laquelle le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes a décidé d'enjoindre à tous les chirurgiens-dentistes de résilier leur adhésion au protocole d'accord concernant l'amélioration de l'

accès aux traitements dentaires conclu le 23 juillet 1996 entre la CO...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 août 1997 et 15 décembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES ; la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 23 juin 1997, par laquelle le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes a décidé d'enjoindre à tous les chirurgiens-dentistes de résilier leur adhésion au protocole d'accord concernant l'amélioration de l'accès aux traitements dentaires conclu le 23 juillet 1996 entre la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES et la mutuelle générale de l'éducation nationale, ensemble la lettre circulaire adressée aux intéressés le 26 juin 1997 ;
2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la mutualité ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;
Vu le décret n° 67-671 du 22 juillet 1967 portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes modifié ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES, de Me Hemery, avocat du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la mutuelle générale de l'éducation nationale,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes :
Considérant que la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES qui a conclu le 23 juillet 1996 avec la mutuelle nationale de l'éducation nationale (MGEN) un protocole d'accord destiné à améliorer l'accès des adhérents de cette mutuelle à certains traitements de prothèses dentaires, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la délibération en date du 23 juin 1997 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a décidé d'adresser à tous les chirurgiens-dentistes ayant adhéré à ce protocole, qu'il estimait contraire aux règles déontologiques, une lettre leur enjoignant de résilier cette adhésion dans un délai de trois mois, ensemble ladite lettre en date du 26 juin 1997 ; qu'ainsi la fin de non-recevoir opposée par le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes ne saurait être accueillie ;
Sur l'intervention de la mutuelle générale de l'éducation nationale :
Considérant que la mutuelle générale de l'éducation nationale a intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que le protocole susmentionné conclu entre la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES (CNSD) et la MGEN a notamment pour objectifs de "garantir l'accès à des traitements dentaires à tous les mutualistes de la MGEN dans le respect du libre choix", d'"améliorer les conditions de remboursement tout en responsabilisant les patients et les praticiens" et d'"élaborer un barème d'évaluation spécifique à la MGEN en matière de traitement prothétique" ; que ce barème d'évaluation concerne quatre traitements prothétiques, qui font l'objet d'un tarif de référence et de modalités de remboursement améliorées, dès lors que le praticien ayant adhéré au protocole ne facture pas d'honoraires au-delà de la limite de 150 % du tarif de référence ; que la MGEN s'engage à régler le praticien par délégation de ses adhérents ;
Considérant que la délibération du 23 juin 1997 est fondée sur quatre motifs, tirés respectivement de la méconnaissance par le protocole du 23 juillet 1996 des articles 6, 7, 12 et 55 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes ;
Considérant, en premier lieu, que si l'article 12 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes prévoit que la profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce et que sont notamment interdits tous procédés directs ou indirects de publicité, il est constant que l'établissement et la communication de listes de praticiens ayant adhéré au protocole ne procèdent pas directement dudit protocole, mais relèvent seulement d'un éventuel comportement des parties signataires, qui au demeurant se sont engagées à ne communiquer l'identité des chirurgiens-dentistes adhérents, à titre d'information, qu'aux seuls adhérents de la mutuelle ;

Considérant, en second lieu, que ni l'adhésion à ce protocole, auquel tout chirurgien-dentiste peut librement adhérer, ni aucune stipulation de celui-ci ne sauraient être regardées comme susceptibles de conduire le chirurgien-dentiste à aliéner son indépendance professionnelle au sens de l'article 6 du code de déontologie ; que, de la même façon, la circonstance que l'amélioration du remboursement de certains soins prothétiques liée à l'adhésion au protocole pourrait constituer un élément du choix de leur chirurgien-dentiste par les patients ne saurait être regardée comme constituant un détournement ou une tentative de détournement de clientèle, interdits par les dispositions de l'article 55 du même code ;
Considérant qu'ainsi les trois motifs tirés de la prétendue méconnaissance des articles 6, 12 et 55 du code de déontologie sont juridiquement erronés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'alors même qu'il ne se serait fondé que sur ces trois motifs, qui ainsi qu'il vient d'être dit, sont entachés d'illégalité, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes aurait pris la même décision ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'apprécier le bien-fondé, contesté par la requérante, du quatrième motif invoqué par le Conseil national et relatif à l'article 7 du code de déontologie, la confédération requérante est fondée à demander l'annulation de la délibération du 23 juin 1997, ainsi que de la lettre-circulaire du président du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes en date du 26 juin 1997 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée font obstacle à ce que le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes soit condamné à payer à la mutuelle générale de l'éducation nationale, intervenante, qui n'est pas partie au litige, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de la mutuelle générale de l'éducation nationale est admise.
Article 2 : La délibération du 23 juin 1997 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a décidé d'enjoindre à tous les chirurgiens-dentistes de résilier leur adhésion au protocole d'accord concernant l'amélioration de l'accès aux traitements dentaires conclu le 23 juillet 1996 entre la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES et la mutuelle générale de l'éducation nationale, ensemble la lettre-circulaire du président du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du 26 juin 1997 sont annulées.
Article 3 : Les conclusions de la mutuelle générale de l'éducation nationale tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, au Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 189657
Date de la décision : 04/02/2000
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

55-03-02 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - CHIRURGIENS-DENTISTES -CAProtocole d'accord concernant l'amélioration de l'accès aux traitements dentaires - a) Etablissement et communication de listes de praticiens ayant adhéré au protocole - Méconnaissance de l'interdiction de recourir à des procédés directs et indirects de publicité (article 12 du code de déontologie) - Absence - b) Adhésion au protocole - Aliénation de l'indépendance professionnelle - Absence - c) Amélioration du remboursement de certains soins prothétiques liée à l'adhésion au protocole - Détournement ou tentative de détournement de clientèle (article 55 du même code) - Absence.

55-03-02 Par une délibération du 23 juin 1997, le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a enjoint à tous les chirurgiens-dentistes ayant adhéré à un protocole d'accord concernant l'amélioration de l'accès aux traitements dentaires, qu'il estimait contraire aux règles déontologiques, de résilier cette adhésion dans un délai de trois mois. a) Si l'article 12 du code de déontologie prévoit que la profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce et que sont notamment interdits tous procédés directs et indirects de publicité, l'établissement et la communication de listes de praticiens ayant adhéré au protocole ne relèvent pas directement de ce protocole, mais relèvent seulement d'un éventuel comportement des parties signataires qui, au demeurant, se sont engagées à ne communiquer l'identité des adhérents qu'aux seuls adhérents de la mutuelle. b) Ni l'adhésion à ce protocole, auquel tout praticien peut librement adhérer, ni aucune stipulation de celui-ci ne sauraient être regardées comme susceptibles de conduire le chirurgien-dentiste à aliéner son indépendance professionnelle au sens de l'article 6 du code de déontologie. c) De la même façon, la circonstance que l'amélioration du remboursement de certains soins prothétiques liée à l'adhésion au protocole pourrait constituer un élément du choix de leur chirurgien-dentiste par les patients ne saurait être regardée comme constituant un détournement ou une tentative de détournement de clientèle interdits par les dispositions de l'article 55 du même code. Annulation de la délibération.


Références :

Code de déontologie des chirurgiens-dentistes 6, 7, 12, 55
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2000, n° 189657
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mme Picard
Rapporteur public ?: M. Schwartz
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner, Me Hemery, SCP Peignot, Garreau, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:189657.20000204
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