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12/10/2011 | FRANCE | N°316949

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 12 octobre 2011, 316949


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juin et 21 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Martine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler l'arrêt n° 06BX01458 du 8 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant partiellement droit à l'appel de la commune de Malause contre le jugement n° 01/04554 du 22 juin 2006 du tribunal administratif de Toulouse condamnant cette commune à lui verser une indemnité de 22 800 euros et mettant à sa charge les frais d'e

xpertise, et réformant ce jugement, d'une part, a réduit à 4 000 eur...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juin et 21 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Martine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler l'arrêt n° 06BX01458 du 8 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant partiellement droit à l'appel de la commune de Malause contre le jugement n° 01/04554 du 22 juin 2006 du tribunal administratif de Toulouse condamnant cette commune à lui verser une indemnité de 22 800 euros et mettant à sa charge les frais d'expertise, et réformant ce jugement, d'une part, a réduit à 4 000 euros cette indemnité et, d'autre part, a rejeté ses conclusions ;

2° de mettre à la charge de la commune de Malause la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de Mme Martine A et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la commune de Malause,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de Mme Martine A et à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la commune de Malause,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, propriétaire d'une maison à usage d'habitation situé sur le territoire de la commune de Malause (Tarn-et-Garonne), a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation de cette commune à l'indemniser des dommages causés par des infiltrations d'eau provenant du chemin rural longeant sa propriété, lequel a fait l'objet de travaux de voirie effectués par la collectivité publique, consistant notamment dans son rehaussement et la réfection de son revêtement goudronné en 1991 et 1994 ; que par jugement en date du 22 juin 2006, le tribunal a condamné cette commune à lui payer une indemnité de 22 800 euros et mis à la charge de cette collectivité les frais d'expertise ; que, par arrêt en date du 8 avril 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur l'appel formé par la commune, a réduit le montant de cette indemnité à 4 000 euros, au seul titre de la réfection du côté nord de son jardin après enlèvement du revêtement goudronné posé en remblai le long du mur de sa propriété, la pose d'un drain périphérique et la remise en état du terrain, et a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice relatif aux travaux de réfection de l'intérieur de cette maison et aux pertes de loyers ; que Mme A se pourvoit en cassation à l'encontre de cet arrêt ; que la commune de Malause a présenté un pourvoi incident à l'encontre du même arrêt ;

Sur le pourvoi incident de la commune de Malause :

Considérant que, pour retenir la responsabilité de la commune de Malause, la cour a jugé qu'il résultait de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise prescrite par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, que les travaux exécutés par la commune sur le chemin rural n° 2, devant l'immeuble dont Mme A est propriétaire, avaient eu pour effet de rehausser la chaussée et de modifier le niveau de raccordement de l'égout, que, du fait de l'apport de quantité d'eau supplémentaire s'infiltrant vers les fondations et les maçonneries, ils avaient aggravé les infiltrations déjà existantes et les désordres qui en découlaient et que c'était, par suite, à bon droit que le tribunal administratif avait jugé que l'ensemble de ces désordres était de nature à engager, même sans faute de sa part, la responsabilité de la commune ; que la cour a également jugé que, s'il est vrai que les infiltrations et les désordres dont se plaint Mme A ont, selon la même expertise, également pour cause l'implantation et la conception ancienne de la maison dont elle est propriétaire, ainsi que la suppression par elle de l'appentis nord dont le toit abritait la plus grande partie de la façade de l'immeuble, de telles circonstances ne révèlent aucune négligence non plus qu'aucune imprudence de nature à exonérer la commune de tout ou partie de sa responsabilité ;

Considérant que, par cette motivation, la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de l'absence de responsabilité de la commune dans l'apparition du remblai à l'origine de l'humidité le long de la maison ; que c'est sans dénaturation des pièces du dossier qu'elle a jugé que le remblai du terrain, qui est le fait de la propriétaire, n'exonère pas la commune de sa responsabilité ;

Considérant que la cour a répondu au moyen tiré de l'absence de responsabilité de la commune de Malause dans le raccordement de l'immeuble de Mme Maisonneuve au réseau, en relevant que c'était la commune qui, en modifiant le niveau de raccordement par le rehaussement du chemin, avait aggravé les infiltrations ; qu'elle n'a pas dénaturé les pièces du dossier, et notamment le rapport de l'expert, en jugeant que ce sont les travaux exécutés par la commune sur le chemin rural n° 2 qui ont eu pour effet de rehausser le niveau du raccordement, aggravant ainsi les infiltrations d'eau qui en résultent ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les témoignages produits par la commune font état d'une humidité persistante dans la maison avant les travaux sur le chemin rural n° 2, le rapport de l'expert conclut cependant à une forte probabilité que le changement du régime des eaux soit dû aux travaux réalisés sur le chemin ; que, par suite, en jugeant que l'implantation et la conception ancienne de la maison ainsi que la suppression de l'appentis nord, s'ils ont pu avoir une incidence sur les désordres constatés, n'ont révélé aucune négligence non plus qu'aucune imprudence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi incident de la commune de Malause ne peut qu'être rejeté ;

Sur le pourvoi de Mme A :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a réformé le jugement du tribunal administratif de Toulouse en réduisant le montant de l'indemnisation accordée de 22 800 euros à 4 000 euros aux motifs que la requérante ne justifiait ni de l'existence ni du montant des réparations intérieures ni de la perte de loyers de l'immeuble, dont elle n'établissait pas qu'il aurait été proposé à la location ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport de l'expert que celui-ci a estimé que les dommages occasionnés à l'immeuble dont Mme A est propriétaire étaient la conséquence des travaux effectués par la commune sur le chemin rural n° 2 et a évalué à 12 000 euros le montant des réparations au titre des réparations intérieures de la maison ; que si la cour n'était pas tenue de retenir ce montant, arrêté par le tribunal administratif, elle ne pouvait juger sans dénaturer les pièces du dossier que la requérante ne justifiait ni de l'existence ni du montant des réparations ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la mise en location de la maison pendant certaines périodes entre le mois d'avril 1992 et le mois de juillet 1997 résulte de plusieurs lettres versées au dossier par les deux parties et que le rapport de l'expert fixe à 4 500 euros par an le montant du loyer annuel à retenir ; que, par suite, la cour a également dénaturé les pièces du dossier en estimant que Mme A ne justifiait ni de l'existence ni du montant de la perte de loyers de l'immeuble et qu'il n'était pas établi qu'il aurait été proposé à la location ;

Considérant que, par suite, l'arrêt de la cour doit être annulé en tant qu'il rejette ces demandes présentées par Mme A au titre de l'indemnisation de ces deux chefs de préjudice ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et ainsi que le rapport d'expertise le fait apparaître que la réalité des travaux de réfection intérieure à effectuer dans la maison de Mme A et les pertes de loyers est établie ; qu'en condamnant la commune à indemniser la requérante à hauteur de 12 000 euros pour les travaux de réfection intérieure à effectuer et de 6 800 euros pour la perte de loyers subie pendant la période de dix-huit mois, correspondant à la durée écoulée entre le départ des derniers locataires et le dépôt du rapport d'expertise qui l'informait des travaux à réaliser pour mettre un terme au dommage, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ces préjudices ; que la commune n'est dès lors pas fondée à contester le jugement en ce qu'il retient ces sommes ; que si Mme A fait valoir par son appel incident que le préjudice indemnisable au titre de la perte de loyers doit être fixé à la somme de 42 750 euros correspondant à la période allant de juillet 1997 à décembre 2006, date à laquelle elle a pu réaliser les travaux de remise en état de sa maison, elle ne fait état d'aucun élément qui justifierait de ne pas évaluer son préjudice à la date à laquelle l'étendue des dommages étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni la commune de Malause, dans son appel principal, ni Mme A, dans son appel incident, ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a fixé à 18 800 euros le montant global des sommes dues au titre de ces deux préjudices ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Malause la somme de 3 000 euros à verser à Mme A au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1 à 4 de l'arrêt du 8 avril 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulés en tant qu'ils réduisent le montant de l'indemnisation accordé à Mme A au titre de l'immeuble dont elle est propriétaire à Malause (Tarn-et-Garonne).

Article 2 : Le pourvoi incident de la commune de Malause et son appel devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.

Article 3 : L'appel incident de Mme A est rejeté.

Article 4 : La commune de Malause versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Martine A et à la commune de Malause.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 316949
Date de la décision : 12/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 oct. 2011, n° 316949
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gilles Bachelier
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE ; SCP FABIANI, LUC-THALER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:316949.20111012
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