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04/11/2004 | FRANCE | N°01DA00403

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3, 04 novembre 2004, 01DA00403


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

17 avril 2001, présentée pour Me Michel X, mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la société anonyme LE BETON ARME FERRARI, dont le siège était ..., par la SCP Doe, Panzani, Lefevre ; Me X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 décembre 2000 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif d'Amiens a condamné la société LE BETON ARME FERRARI à verser à l'Etat (ministre de la défense) la somme de 1 504 988,25 francs, avec intérêts au taux

légal à compter du

23 octobre 1989, en réparation des désordres affectant un ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

17 avril 2001, présentée pour Me Michel X, mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la société anonyme LE BETON ARME FERRARI, dont le siège était ..., par la SCP Doe, Panzani, Lefevre ; Me X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 décembre 2000 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif d'Amiens a condamné la société LE BETON ARME FERRARI à verser à l'Etat (ministre de la défense) la somme de 1 504 988,25 francs, avec intérêts au taux légal à compter du

23 octobre 1989, en réparation des désordres affectant un ensemble immobilier construit au quartier Mangin à Laon-Couvron, et a mis à la charge de ladite société la moitié des frais d'expertise ;

2°) de rejeter la demande présentée par le ministre de la défense contre la société LE BETON ARME FERRARI devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 francs (762,25 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué, qui a prononcé une condamnation à l'encontre de la société LE BETON ARME FERRARI en liquidation, est intervenu en méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 621-40 et suivants du code de commerce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 2001, présenté pour la société Sogea, venant aux droits de la société Saintrapt et Brice, par la SCP Montigny, Doyen ; la société Sogea conclut à l'annulation du jugement susvisé en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre et demande en outre à la cour de condamner les parties perdantes à lui verser une somme de 20 000 francs (3 048,98 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les mémoires présentés par le ministre de la défense n'ont pas été signés par une personne ayant reçu délégation à cette fin ; que l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 23 mars 1995 s'oppose à ce que le ministre de la défense présente une nouvelle demande ayant le même objet ; que cette demande a été introduite postérieurement à l'expiration du délai de la garantie décennale ; que les conditions de mise en oeuvre de la garantie décennale ne sont pas réunies ; que les désordres résultent pour l'essentiel d'un défaut de conception imputable aux services du Génie assurant la maîtrise d'oeuvre de l'opération ; que les évaluations de l'expert et les chiffrages du ministre sont excessifs ; que le ministre ne justifie pas que les constructeurs auraient souscrit à son égard un engagement solidaire ; qu'à titre subsidiaire, il y a lieu de répartir la charge finale des responsabilités selon le rôle et les missions assurés par chacun ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 2001, présenté pour Axa Assurances par la

SCP Montigny, Doyen ; la société Axa Assurances demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente les conclusions dirigées contre elle et de condamner les parties perdantes à lui verser une somme de 20 000 francs (3 048,98 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 2001, présenté pour le bureau de contrôle AINF par la SCP Montigny, Doyen ; le bureau de contrôle AINF demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause et de condamner les parties perdantes à lui verser une somme de 20 000 francs (3 048,98 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2003, présenté par le ministre de la défense ; le ministre conclut au rejet de la requête de Me X et des conclusions de la société Sogea ; il demande en outre à la Cour, par la voie du recours incident, de décider que la capitalisation des intérêts, relatifs aux sommes que les sociétés LE BETON ARME FERRARI et Sogea ont été condamnées à payer à l'Etat, s'accomplisse pour chaque année écoulée à compter du 23 octobre 1989 ; le ministre soutient que les dispositions des articles L. 621-40 et L. 621-41 du code de commerce invoquées par Me X pour soutenir qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée à l'encontre de la société LE BETON ARME FERRARI en liquidation ne sont pas opposables à la juridiction administrative, à laquelle il appartient d'examiner si la personne publique demanderesse a droit à réparation et de fixer les sommes qui lui sont dues, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de ses créances ; que la demande de première instance de l'administration en date du 28 juin 1995 était recevable et a été présentée dans le délai de garantie décennale ; que les désordres constatés, évolutifs et rendant l'immeuble impropre à sa destination, sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que ces désordres, qui avaient commencé à se manifester en 1983 mais auxquels il avait été remédié avant la date de réception des travaux, ne peuvent être considérés comme apparents au moment de la réception ; qu'ils sont dûs principalement à une mise en oeuvre défectueuse du procédé de construction ; que l'administration pouvait demander la condamnation solidaire des sociétés ayant participé aux opérations de construction ;

Vu les lettres du président de la 1ère chambre de la cour, en date du 9 septembre 2004, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu le mémoire, reçu par fax et enregistré le 15 octobre 2004 et son original daté du

18 octobre 2004, présenté pour la société Sogea ; la société Sogea conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et demande, en outre, à la Cour de porter à 5 000 euros la somme que les parties perdantes doivent être condamnées à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que son appel incident est recevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2004 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :

- le rapport de M. DUPOUY, président-assesseur,

- et les conclusions de M. LEPERS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par un marché en date du 24 août 1981, le ministère de la défense a confié à un groupement d'entreprises dont le mandataire était la société Saintrapt et Brice, elle-même groupée solidairement avec la société LE BETON ARME FERRARI, la construction, sous le contrôle technique du bureau de contrôle AINF, d'un ensemble immobilier destiné au logement d'hommes de rang et de sous-officiers au quartier Mangin à Laon-Couvron ; que le Tribunal administratif d'Amiens a, par l'article 1er du jugement attaqué en date du 26 décembre 2000, condamné la société LE BETON ARME FERRARI à verser à l'Etat (ministre de la défense) une somme de

1 504 988,25 francs (229 433,97 euros) en réparation des désordres affectant le bâtiment A de cet ensemble immobilier et, par son article 2, condamné la société Sogea Nord, venant aux droits de la société Saintrapt et Brice, à payer à l'Etat une somme de 2 415 633,75 F (368 260,98 €) en réparation des désordres affectant les bâtiments B et C ; que, par les articles 3 et 4 de ce jugement, le tribunal administratif a décidé que les indemnités seraient versées avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts et que les frais d'expertise seraient mis par moitié à la charge de chacune de ces deux sociétés ;

Sur la recevabilité des conclusions de la société Sogea :

Considérant que Me X, mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la société LE BETON ARME FERRARI, demande l'annulation du jugement du 26 décembre 2000 en tant qu'il a prononcé une condamnation pécuniaire à l'encontre de cette société et a mis la moitié des frais d'expertise à sa charge ; que les conclusions de l'appel incident de la société Sogea, qui tendent à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé une condamnation à l'encontre de la société Sogea Nord, soulèvent un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, elles ne sont pas recevables ;

Sur la requête de Me X :

Considérant que Me X, sans contester la responsabilité de la société LE BETON ARME FERRARI dans l'origine et l'importance des désordres invoqués par le ministre de la défense, se borne à soutenir que le tribunal administratif ne pouvait prononcer une condamnation à l'encontre de cette société postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire engagée à son égard, mais était seulement en droit, sous réserve d'une déclaration de créance régulière, de déterminer l'existence et le montant éventuel de la créance de l'Etat ;

Considérant que les dispositions des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985, reprises aux articles L. 621-40 et suivants du code de commerce, d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux collectivités publiques comme aux autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent pas de dérogation aux règles relatives à la détermination des compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; que, s'il résulte de ces dispositions que l'autorité judiciaire est seule compétente pour déterminer les modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il revient au juge administratif de se prononcer sur les conclusions d'une collectivité publique tendant à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite de désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement puis, le cas échéant, de liquidation judiciaire, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la collectivité n'aurait pas déclaré sa créance ; qu'il appartient au juge administratif statuant sur de telles conclusions d'examiner si la personne publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a prononcé une condamnation pécuniaire à l'encontre de la société LE BETON ARME FERRARI et a mis à sa charge la moitié des frais d'expertise ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que le ministre de la défense a demandé la capitalisation des intérêts le

28 juin 1995 ; qu'à cette date, les intérêts, courant depuis le 23 octobre 1989, étaient dus pour au moins une année entière ; que, dans cette mesure, il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre tendant à ce que la capitalisation des intérêts relatifs à la somme de 1 504 988,25 francs (229 433,97 euros) que la société LE BETON ARME FERRRI a été condamnée à payer à l'Etat en première instance, s'accomplisse tant à la date du 28 juin 1995, qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; qu'en revanche, ces mêmes conclusions dirigées contre la société Sogea, dont les conclusions d'appel incident sont irrecevables, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Me X, à la société Sogea, à la société Axa Assurances et au Bureau de contrôle AINF les sommes que demandent ces parties au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu également de rejeter les autres conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 présentées par la société Sogea, la société Axa Assurances et le Bureau de contrôle AINF ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Me X, mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la société LE BETON ARME FERRARI, le recours incident de la société Sogea et l'ensemble des conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 2 : Les intérêts échus à la date du 28 juin 1995 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, relatifs à la somme de 1 504 988,25 francs (229 433,97 euros) que la société LE BETON ARME FERRRI a été condamnée à payer à l'Etat par le jugement n° 95-1644 du Tribunal administratif d'Amiens en date du 26 décembre 2000, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions du ministre de la défense tendant à la capitalisation des intérêts est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me Michel X, à la société Sogea, au bureau de contrôle AINF, à la société Axa Assurances et au ministre de la défense.

Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2004, à laquelle siégeaient :

- M. Merloz, président de chambre,

- M. Dupouy, président-assesseur,

- M. Le Garzic, conseiller,

Lu en audience publique, le 4 novembre 2004.

Le rapporteur,

Signé : A. DUPOUY

Le président de chambre,

Signé : G. MERLOZ

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

B. ROBERT

2

N°01DA00403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01DA00403
Date de la décision : 04/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP DOE-PANZANI-LEFEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-11-04;01da00403 ?
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