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16/12/1994 | FRANCE | N°99219

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 16 décembre 1994, 99219


Vu l'ordonnance en date du 13 juin 1988, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 juin 1988, par laquelle le président du tribunal administratif de Nice a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 73 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, la demande présentée à tribunal par la société anonyme monégasque "Le Prêt" ;
Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 1988, par laquelle le président de section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au Conseil d'Etat le jugement de cette requê

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Vu la requête enregistrée au greffe du tribunal administr...

Vu l'ordonnance en date du 13 juin 1988, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 juin 1988, par laquelle le président du tribunal administratif de Nice a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 73 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, la demande présentée à tribunal par la société anonyme monégasque "Le Prêt" ;
Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 1988, par laquelle le président de section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au Conseil d'Etat le jugement de cette requête ;
Vu la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice le 25 mars 1988, présentée par la société anonyme monégasque "Le Prêt", dont le siège social est ..., représentée par son administrateur délégué dûment mandaté, et tendant à l'annulation de la décision du comité des établissements de crédit en date du 22 décembre 1987 lui refusant l'autorisation de prendre le contrôle direct de la société de crédit et de banque de Monaco Socrédit et le contrôle indirect de la filiale française Banque Socrédit France de cette société ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-monégasque relative au contrôle des changes signée le 14 avril 1945 et l'échange de lettres entre la France et Monaco du 18 mai 1963, relatif à la réglementation bancaire dans la principauté ;
Vu la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Combrexelle, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la société anonyme monégasque "Le Prêt" et de M. Gérard Hellé et de Me Delvolvé, avocat de M. le président du comité des établissements de crédit ;
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Hellé, agissant tant en son nom personnel qu'au nom des sociétés contrôlées par lui-même ou des membres de sa famille, au nombre desquelles se trouve la société anonyme "Le Prêt", a demandé au comité des établissements de crédit l'autorisation d'acquérir la totalité du capital de la société de crédit et de banque Monaco (Socredit) et de sa filiale Socredit France ; que cette autorisation lui a été refusée par décision du 22 décembre 1987 ; que la société anonyme monégasque "Le Prêt", représentée par M. Hellé, demande l'annulation de cette décision ;
Considérant que la société requérante appartient au groupe de sociétés au nom desquelles la demande d'autorisation a été déposée et a vocation à devenir actionnaire des sociétés dont ce groupe envisage d'acquérir la totalité du capital ; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision par laquelle le comité des établissements de crédit a rejeté cette demande ;
Considérant que la décision attaquée a été prise en application du règlement n° 84-07 du 28 septembre 1984 du comité de la réglementation bancaire qui, notamment, soumet à l'autorisation préalable du comité des établissements de crédit les prises ou extensions de participations directes ou indirectes dans le capital d'un établissement de crédit ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité du règlement n° 84-07 du comité de la réglementation bancaire :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 15, 16, 17 et 19 de la loi susvisée du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qu'une entreprise ne peut légalement exercer une activité d'établissement de crédit que si elle est titulaire d'un agrément délivré par le comité des établissements de crédit ; que la délivrance et le maintien de cet agrément sont subordonnés à diverses conditions dont la vérification incombe au comité des établissements de crédit ; que le comité doit notamment prendre en compte le programme d'activités de l'entreprise, les moyens techniques et financiers qu'elle prévoit de mettre en oeuvre, ainsi que la qualité des apporteurs de capitaux et, le cas échéant, de leurs garants ; que le comité doit également apprécier l'aptitude de l'entreprise à réaliser ses objectifs de développement dans des conditions compatibles avec le bon fonctionnement du système bancaire et qui assurent à la clientèle une sécurité satisfaisante ; que le comité doit s'assurer que la détermination effective de l'orientation de l'activité de l'entreprise est assurée par deux personnes au moins, qui possèdent l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate à leur fonction ; que le comité des établissements de crédit doit enfin vérifier que l'entreprise dispose d'un capital libéré ou d'une dotation versée d'un montant au moins égal à une somme fixée par le comité de la réglementation bancaire, et que l'actif excède effectivement à tout moment d'un montant au moins égal au capital minimum le passif dont l'établissement est tenu envers les tiers ; qu'aux termes de l'article 31 de la même loi : "Le comité des établissements de crédit est chargé de prendre les décisions ou d'accorder les autorisations ou dérogations individuelles prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables aux établissements de crédit, à l'exception de celles relevant de la commission bancaire (...)" ;
Considérant, d'autre part, que l'article 33 de la loi dispose que : "Le comité de la réglementation bancaire établit la réglementation concernant notamment : 1° le montant du capital des établissements de crédit et les conditions dans lesquelles des participations peuvent être prises ou étendues dans ces établissements (...)" ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, si le législateur n'a expressément soumis à agrément du comité des établissements de crédit que la création de nouveaux établissements de crédit, il a donné au comité de la réglementation bancaire le pouvoir de réglementer et au comité des établissements de crédit celui de contrôler toutes les opérations affectant de façon substantielle le fonctionnement des établissements de crédit ; qu'eu égard à l'ensemble des pouvoirs dont la loi a investi, d'une part, le comité de la réglementation bancaire, d'autre part, le comité des établissements de crédit, et sans qu'y fasse obstacle le principe de liberté du commerce et de l'industrie, le comité de la réglementation bancaire a pu légalement décider, ainsi qu'il l'a fait par le règlement n° 84-07, de soumettre à autorisation préalable du comité des établissements de crédit les prises de participation dans le capital d'un établissement de crédit "lorsqu'elles ont pour résultat de faire acquérir ou perdre à une personne ou à plusieurs personnes ensemble un pouvoir effectif de contrôle sur la gestion de l'établissement" ou de permettre "à une personne de détenir, directement ou indirectement, dans un établissement de crédit 20 p. 100 des droits de vote aux assemblées" ;

Sur les autres moyens :
Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la décision attaquée que le comité des établissements de crédit n'a pas entendu poser une règle de droit nouvelle tendant à interdire à certains actionnaires de prendre le contrôle d'une banque, mais s'est borné à motiver sa décision par l'insuffisance des garanties techniques et financières offertes par le demandeur ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le comité des établissements de crédit aurait édicté une règle générale alors qu'il ne détient pas de pouvoir réglementaire, ne peut être accueilli ;
Considérant en deuxième lieu que le comité des établissements de crédit a reçu de la loi le pouvoir de retirer l'agrément, lorsque l'entreprise ne remplit plus les conditions légales pour exercer une activité d'établissement de crédit ; qu'il suit de là que le comité des établissements de crédit doit, lorsqu'il examine une demande d'autorisation de prendre le contrôle d'un établissement de crédit, s'assurer qu'une telle opération ne remet pas en cause les conditions qui ont permis la délivrance de l'agrément audit établissement ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le comité des établissements de crédit aurait commis une erreur de droit en se référant, pour refuser l'autorisation sollicitée, aux critères d'appréciation posés par la loi pour la délivrance de l'agrément ;
Considérant en troisième lieu qu'il résulte des dispositions susrappelées de la loi du 24 janvier 1984 que l'aptitude de l'entreprise à assurer son développement sans mettre en cause le bon fonctionnement du système bancaire ni la sécurité de la clientèle fait partie des conditions dont le comité des établissements de crédit doit vérifier le respect ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que les actes de la décision contestée n'auraient pu sans erreur de droit, refuser d'accorder l'autorisation de prendre le contrôle d'un établissement de crédit en se fondant notamment sur les perspectives de développement futur dudit établissement, doit être rejeté ;

Considérant en quatrième lieu qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant d'autoriser les sociétés du groupe X... à prendre le contrôle de la Socredit et de sa filiale, au motif que la gestion de ces deux banques par le groupe Hellé et l'élargissement envisagé de leur fonds de commerce nécessitaient le soutien d'un partenaire extérieur, le comité des établissements de crédit aurait fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts ou commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant enfin qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait dépourvue de motifs manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme monégasque "Le Prêt" n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 22 décembre 1987 par laquelle le comité des établissements de crédit a rejeté sa demande d'autorisation de prendre le contrôle direct de la banque Socredit et le contrôle indirect de sa filiale Socredit France ;
Article 1er : La requête de la société anonyme monégasque "Le Prêt" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme monégasque "Le Prêt", au comité des établissements de crédit et au ministre de l'économie.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 99219
Date de la décision : 16/12/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTRES AUTORITES - AUTORITES DE L'ETAT - Autorités administratives indépendantes - Comité de la réglementation bancaire - Compétences - Mise en place d'un régime d'autorisation préalable pour certaines prises de participation dans le capital d'un établissement de crédit.

01-02-02-01-07-01, 13-04 Il résulte des dispositions combinées des articles 16, 17, 19, 31 et 33 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit que, si le législateur n'a expressément soumis à agrément du comité des établissements de crédit que la création de nouveaux établissements de crédit, il a donné au comité de la réglementation bancaire le pouvoir de réglementer et au comité des établissements de crédit celui de contrôler toutes les opérations affectant de façon substantielle le fonctionnement des établissements de crédit. Eu égard à l'ensemble des pouvoirs dont la loi a investi, d'une part, le comité de la réglementation bancaire, d'autre part, le comité des établissements de crédit, et sans qu'y fasse obstacle le principe de liberté du commerce et de l'industrie, le comité de la réglementation bancaire a pu légalement décider de soumettre à autorisation préalable du comité des établissements de crédit les prises de participation dans le capital d'un établissement de crédit "lorsqu'elles ont pour résultat de faire acquérir ou perdre à une personne ou à plusieurs personnes ensemble un pouvoir effectif de contrôle sur la gestion de l'établissement" ou de permettre "à une personne de détenir, directement ou indirectement, dans un établissement de crédit 20 % des droits de vote aux assemblées".

CAPITAUX - CREDIT ET INSTRUMENTS FINANCIERS - REGLEMENTATION DU SECTEUR BANCAIRE - Comité de la réglementation bancaire - Compétences - Mise en place d'un régime d'autorisation préalable pour certaines prises de participation dans le capital d'un établissement de crédit - Légalité.


Références :

Loi 84-46 du 24 janvier 1984 art. 15, art. 16, art. 17, art. 19, art. 31, art. 33


Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 1994, n° 99219
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Combrexelle
Rapporteur public ?: M. Savoie
Avocat(s) : SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, Me Delvolvé, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:99219.19941216
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