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25/11/2009 | FRANCE | N°310208

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25 novembre 2009, 310208


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 octobre 2007 et 15 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MER, représentée par son maire en exercice demeurant en cette qualité à la Mairie, 9, rue Nationale à Mer (41500) ; la COMMUNE DE MER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé,

à la demande de M. Pierre C et de M. Jean-Claude B, la délibération du...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 octobre 2007 et 15 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MER, représentée par son maire en exercice demeurant en cette qualité à la Mairie, 9, rue Nationale à Mer (41500) ; la COMMUNE DE MER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M. Pierre C et de M. Jean-Claude B, la délibération du 15 décembre 2003 par laquelle le conseil municipal de Mer (Loir-et-Cher) a décidé la cession, à l'association culturelle franco-turque de Mer et à l'association socio culturelle, éducative et sportive des jeunes turcs de Mer, de deux terrains cadastrés AS 497 et 499, d'une maison implantée sur la parcelle cadastrée AS 224 et du hangar tribune situé sur la parcelle cadastrée AS 500, d'autre part, au rejet de la demande présentée par MM. C et B devant le tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de mettre à la charge de MM. C et B la somme de 3 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 9 décembre 1905 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la COMMUNE DE MER et de Me Blanc, avocat de MM. C et B,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la COMMUNE DE MER et à Me Blanc, avocat de MM. C et B ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la commune de Mer (Loir-et-Cher) est propriétaire d'un ensemble immobilier dénommé Stade de Bellevue, appartenant à son domaine privé et composé du terrain cadastré AS 497 et 499, d'une maison implantée sur la parcelle cadastrée AS 224 et du hangar tribune situé sur la parcelle cadastrée AS 500 ; qu'elle a acquis en 1999 cet ancien stade auprès d'une association sportive pour un prix de 24 392 euros, le service des domaines ayant alors évalué ce bien, situé à l'époque en zone non constructible, à 23 782 euros ; que, par délibération du 15 décembre 2003, le conseil municipal de la COMMUNE DE MER a décidé de céder cet ensemble immobilier pour un prix global de 35 065 euros à l'association culturelle franco-turque de Mer et à l'association socio culturelle, éducative et sportive des jeunes turcs de Mer et a autorisé le maire de la commune à signer les actes correspondant à cette cession ; que cette vente est subordonnée à la réalisation de deux conditions portant, d'une part, sur la cession en maison particulière du local situé 25, rue Pierre Loison, appartenant à l'association islamique de France où ces deux associations exercent leurs activités, et, d'autre part, sur l'affectation exclusive du terrain, devenu constructible lors de la révision du plan d'occupation des sols, à l'édification de locaux associatifs ; que le prix de cession de l'ensemble de ces biens est inférieur à l'estimation en date du 28 mai 2003 du service des domaines arrêtée à 137 500 euros ; que la cour administrative d'appel a confirmé ce jugement au motif que la cession à ces deux associations à un prix représentant le quart de leur valeur vénale ne revêtait pas un caractère d'intérêt communal ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales : les communes...règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2121-29 du même code : le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune... le conseil municipal émet des voeux sur tous les objets d'intérêt local. ;

Considérant que si la liberté reconnue aux collectivités territoriales par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales d'accorder certaines aides ou subventions à des personnes privées pour des motifs d'intérêt général local ne peut légalement s'exercer que dans le respect des principes constitutionnels, la cession par une commune d'un terrain à une association locale pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes ;

Considérant, qu'en l'espèce, la différence entre le prix de cession de l'ensemble immobilier et l'évaluation du service des domaines doit être regardée comme ayant le caractère d'une aide apportée par la COMMUNE DE MER à l'association culturelle franco-turque de Mer et à l'association socio culturelle, éducative et sportive des jeunes turcs de Mer, dont l'objet statutaire est de favoriser l'intégration de la population d'origine turque dans la commune par la création d'activités culturelles, sociales, éducatives et sportives ; que d'une part, cette aide est apportée aux associations pour un double motif d'intérêt général invoqué par la commune et tendant tant à une meilleure insertion d'habitants d'origine étrangère au sein de la commune par la création d'activités collectives qu'au renforcement de la sécurité publique notamment pour la circulation en centre ville ; que, d'autre part, elle a pour contreparties suffisantes, de permettre à ces associations de mener à bien, dans le cadre de leurs statuts, leurs projets et de disposer d'un lieu de réunion adapté à la réalisation de ceux-ci par sa dimension et ses accès ; qu'ainsi, en déniant à cette opération un caractère d'intérêt communal, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; que la COMMUNE DE MER est dès lors fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'opération engagée par la délibération du conseil municipal présente un caractère d'intérêt communal ; que, par suite, la COMMUNE DE MER fait valoir à bon droit que le tribunal administratif d'Orléans a refusé à tort de reconnaître un tel caractère pour annuler cette délibération ;

Considérant qu'il y a lieu, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par MM. C et B ;

Considérant, d'une part, que la délibération attaquée n'est pas au nombre des actes qui doivent être motivés en application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la délibération est inopérant ;

Considérant, d'autre part, que MM. C et B invoquent devant le Conseil d'Etat dans le cadre du règlement au fond du litige un nouveau moyen fondé sur l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat selon lequel : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. ; que, toutefois, par ses termes mêmes et notamment par la condition qualifiée de suspensive prévue pour la vente du terrain réservé exclusivement à la construction de locaux associatifs, la délibération du 15 décembre 2003 ne peut être regardée comme ayant eu pour objet ou pour effet de subventionner un culte ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette délibération ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE MER qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. C et M. B et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C et de M. B une somme de 2 000 euros à verser chacun à la COMMUNE DE MER au même titre à raison des frais exposés par celle-ci tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel et le tribunal administratif ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 juin 2007 et le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 1er juin 2006 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par MM. C et B devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par MM. C et B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : M. C et M. B verseront chacun à la COMMUNE DE MER une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MER, à M. Pierre C et à M. Jean-Claude B.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES - BIENS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - RÉGIME JURIDIQUE DES BIENS - CESSION D'UN ÉLÉMENT DU PATRIMOINE D'UNE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE À UNE PERSONNE POURSUIVANT DES FINS D'INTÉRÊT PRIVÉ POUR UN PRIX INFÉRIEUR À SA VALEUR - LÉGALITÉ - CONDITIONS - MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL ET CONTREPARTIES SUFFISANTES [RJ1].

135-01-03-02 Une collectivité publique ne peut céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé que lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. Conditions remplies en l'espèce, s'agissant de la cession à prix minoré à deux associations culturelles franco-turques d'un ensemble immobilier relevant du domaine privé d'une commune, dès lors que l'opération a pour objet d'assurer une meilleure insertion d'habitants d'origine étrangère au sein de la commune et d'améliorer les conditions de circulation en centre-ville et qu'elle a pour contrepartie suffisante l'affectation du terrain à l'édification de locaux destinés à permettre à ces associations de mener à bien leurs projets dans le respect de leur objet statutaire qui est de favoriser l'intégration de la population d'origine turque dans la commune.

DOMAINE - DOMAINE PRIVÉ - RÉGIME - ALIÉNATION - CESSION D'UN ÉLÉMENT DU PATRIMOINE D'UNE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE À UNE PERSONNE POURSUIVANT DES FINS D'INTÉRÊT PRIVÉ POUR UN PRIX INFÉRIEUR À SA VALEUR - LÉGALITÉ - CONDITIONS - MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL ET CONTREPARTIES SUFFISANTES [RJ1].

24-02-02-01 Une collectivité publique ne peut céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé que lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. Conditions remplies en l'espèce, s'agissant de la cession à prix minoré à deux associations culturelles franco-turques d'un ensemble immobilier relevant du domaine privé d'une commune, dès lors que l'opération a pour objet d'assurer une meilleure insertion d'habitants d'origine étrangère au sein de la commune et d'améliorer les conditions de circulation en centre-ville et qu'elle a pour contrepartie suffisante l'affectation du terrain à l'édification de locaux destinés à permettre à ces associations de mener à bien leurs projets dans le respect de leur objet statutaire qui est de favoriser l'intégration de la population d'origine turque dans la commune.


Références :

[RJ1]

Cf. Cons. const., 26 juin 1986, n° 86-207 DC, Rec. p. 61, § 58 ;

s'agissant d'aides à caractère économique, Section, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n° 169473, p. 391.


Publications
Proposition de citation: CE, 25 nov. 2009, n° 310208
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE ; BLANC

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 25/11/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 310208
Numéro NOR : CETATEXT000021345392 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-11-25;310208 ?
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