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14/05/2008 | FRANCE | N°291440

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 14 mai 2008, 291440


Vu 1°), sous le n° 291440, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 13 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PERTUIS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE PERTUIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de huit jugements en date du 4 février 2002 par lesquels le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée, conjointement et

solidairement avec le Syndicat de la Durance ;Pertuis, à indemniser l...

Vu 1°), sous le n° 291440, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 13 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PERTUIS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE PERTUIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de huit jugements en date du 4 février 2002 par lesquels le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée, conjointement et solidairement avec le Syndicat de la Durance ;Pertuis, à indemniser la société Allianz Via Assurances, M. A, la compagnie AXA Assurances, la société anonyme Splendid Garage, la Caisse industrielle d'assurance mutuelle, la société Dufour, la compagnie d'assurances La Mutuelle du Mans Assurances Iard, l'entreprise Garage Martinez, M. Jean-Pierre B, la compagnie Azur Assurances et la Mutuelle Assurances des commerçants et industriels de France (MACIF) à raison des préjudices qu'ils ont subis du fait de la rupture de la digue dite du « Père ;Grand » et de l'inondation de la zone d'aménagement concerté de la Terre du Fort qui s'en est suivie le 7 février 1994 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler les jugements du 4 février 2002 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter les conclusions indemnitaires dirigées contre la COMMUNE DE PERTUIS ;

3°) de mettre solidairement à la charge des défendeurs la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;


Vu 2°), sous le n° 291916, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 13 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PERTUIS, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE PERTUIS demande au Conseil d'Etat :

1°) de prononcer la jonction de cette affaire avec l'affaire enregistrée sous le n° 291440 ;

2°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille confirmant deux jugements en date du 4 février 2002 par lesquels le tribunal administratif de Marseille, d'une part, l'a condamnée, conjointement et solidairement avec le Syndicat de la Durance ;Pertuis, à indemniser la compagnie d'assurances Le Continent, la SA Sepal et la SARL Pertuis Auto Bilan à raison des préjudices qu'ils ont subis du fait de la rupture de la digue dite du « Père ;Grand » et de l'inondation de la ZAC de la Terre du Fort qui s'en est suivie le 7 février 1994, d'autre part, a écarté la mise en cause de l'Etat et du Syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance, et enfin, a ordonné un supplément d'instruction pour assurer le respect du principe du contradictoire en vue de l'évaluation des préjudices nés des dommages occasionnés par cette crue ;

3°) réglant l'affaire au fond, d'annuler les jugements en date du 4 février 2002 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter les conclusions indemnitaires dirigées contre la commune ;

4°) de mettre solidairement à la charge des défendeurs la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;


…………………………………………………………………………




Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 14 Floréal an XI, ainsi que la loi du 16 septembre 1807 ;

Vu la loi du 21 juin 1865 modifiée relative aux associations syndicales ;

Vu l'ordonnance royale du 15 août 1818 et le décret présidentiel du 5 septembre 1851 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE PERTUIS, de la SCP Parmentier, Didier, avocat du syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance, de la SCP Tiffreau, avocat de la Mutuelle Assurances des commerçants et industriels de France, de Me Odent, avocat de la compagnie AXA Assurances et de la société SA Splendid Garage, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie d'Avignon et de Vaucluse, de la caisse industrielle d'assurance mutuelle et de la SA Generali Iard et de Me Le Prado, avocat de la compagnie Azur Assurances,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;





Considérant que les requêtes de la COMMUNE DE PERTUIS présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'eu égard aux moyens développés dans ses pourvois, les conclusions de la COMMUNE DE PERTUIS doivent être regardées comme dirigées contre les arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 décembre 2005 en tant seulement qu'ils confirment les jugements du 4 février 2002 du tribunal administratif de Marseille en ce que ces derniers l'ont déclarée responsable, conjointement et solidairement avec le Syndicat de la Durance-Pertuis, association syndicale autorisée, des dommages occasionnés par la crue consécutive à la rupture de la digue dite du « Père-Grand », survenue le 7 janvier 1994, et ont mis hors de cause l'Etat ; que ces pourvois ne font en revanche pas grief à la cour administrative d'appel de Marseille d'avoir mis hors de cause le syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance et la chambre de commerce et d'industrie d'Avignon et de Vaucluse ;

Sur les arrêts attaqués :

Considérant, en premier lieu, qu'en énonçant dans son article 42, inclus à la fin d'un titre 5 qui regroupe des « dispositions générales », que « le préfet prendra des arrêtés pour prescrire les mesures de police qu'il jugera utiles et nécessaires à la conservation des ouvrages qui font l'objet des associations », le décret présidentiel du 5 septembre 1851 qui a créé le Syndicat de la Durance ;Pertuis en vue, notamment, de l'entretien de la digue dite du « Père ;Grand », s'est borné à rappeler la compétence que détenait alors le préfet pour édicter les mesures de police générale susceptibles de contribuer à la conservation des ouvrages appartenant à cette association syndicale, sans lui conférer un pouvoir de police spéciale relatif à ces ouvrages ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de faire usage d'un tel pouvoir de police spéciale, l'Etat aurait commis une faute de nature à exonérer la commune de sa propre responsabilité dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, hors le cas où il s'est substitué à une association syndicale autorisée défaillante, la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables du fonctionnement défectueux des ouvrages publics dont cette association est propriétaire ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde dans l'exercice de ses pouvoirs de tutelle sur cette association, qui a le caractère d'un établissement public ;

Considérant que, si l'Etat était tenu, dans l'exercice de ses pouvoirs, de s'assurer que le Syndicat de la Durance-Pertuis assurait l'entretien régulier de la digue dite du « Père-Grand » en vue duquel il avait été constitué, il résulte des constatations souverainement opérées par la cour administrative d'appel que ses services n'avaient pas été informés de l'existence de la brèche qui a causé la rupture de cette digue ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que les manquements de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de tutelle n'étaient pas constitutifs d'une faute lourde, seule de nature à atténuer la responsabilité de la commune ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en énonçant que « il n'est pas sérieusement contesté que l'ouvrage était accessible à pied par le lit de la rivière », la cour administrative d'appel a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, qui est exempte de dénaturation ; qu'eu égard au caractère surabondant du motif tiré de ce que la commune ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance que la digue n'était pas accessible aux agents de la commune du fait de la présence de clôtures privées, des agissements de particuliers et de l'impossibilité matérielle d'accéder à l'ouvrage avec des engins d'entretien, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait, ce faisant, commis une erreur de droit ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'eu égard à l'importance de la brèche pratiquée dans la digue, à son ancienneté, et à l'obligation de prudence particulière qui incombait à la COMMUNE DE PERTUIS du fait de la présence en aval de la zone d'aménagement concerté de la Terre du Fort où se situaient les entreprises qui ont subi les dommages résultant de la crue, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que le maire de cette commune avait commis une faute dans l'exercice des pouvoirs de police que lui confèrent les dispositions de l'article L. 131 ;2 du code des communes alors applicable, devenu l'article L. 2212 ;2 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il n'avait pas prévenu le sinistre par des précautions convenables ;

Considérant, en cinquième lieu, d'une part, qu'il ressort des énonciations non contestées de la cour administrative d'appel de Marseille que la défectuosité de la digue dite du « Père-Grand » présentait un caractère « grossier » ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE PERTUIS a disposé d'un délai conséquent pour constater l'existence de la brèche pratiquée dans la digue par deux riverains et y porter remède ; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la commune ne pouvait utilement se prévaloir, pour atténuer sa responsabilité, de l'imprudence des auteurs de la brèche dont il lui incombait de prévenir les conséquences dommageables ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les entreprises victimes auraient été averties dans la nuit de l'imminence de l'inondation de la zone d'aménagement concerté de la Terre du Fort et ainsi mises en mesure d'en prévenir ou d'en atténuer les effets ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Marseille n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en écartant le moyen tiré de ce que des fautes des victimes seraient de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

Considérant, en septième et dernier lieu, que la COMMUNE DE PERTUIS s'est abstenue de critiquer, en appel, le principe de sa condamnation solidaire avec le Syndicat de la Durance-Pertuis retenu par les jugements du tribunal administratif de Marseille, qu'elle contestait sur d'autres points ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel de Marseille aurait commis une erreur de droit en confirmant une telle condamnation solidaire est nouveau en cassation et, par suite, irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, les pourvois de la COMMUNE DE PERTUIS dirigés contre les arrêts de la cour administrative d'appel, qui sont, eu égard à l'argumentation développée devant elle, suffisamment motivés, doivent être rejetés ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des défendeurs dans la présente instance, qui ne sont pas la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE PERTUIS une somme à ce même titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de la COMMUNE DE PERTUIS sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative par le syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance, la chambre de commerce et d'industrie d'Avignon et de Vaucluse, la société Allianz Via Assurances, la compagnie d'assurances AGF, la compagnie AXA Assurances, la société SA Splendid Garage, la Caisse industrielle d'assurance mutuelle, la compagnie d'assurances Les Mutuelles du Mans Assurances, la société Generali Iard et la mutuelle Assurances des commerçants et industriels de France sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PERTUIS, au syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance, à la chambre de commerce et d'industrie d'Avignon et de Vaucluse, à la société Allianz Via Assurances, à la compagnie d'assurances AGF, à M. A, à M. Jean-Pierre B, à la compagnie AXA Assurances, à la société SA Splendid Garage, à la Caisse industrielle d'assurance mutuelle, à la société Dufour, à la compagnie d'assurances Les Mutuelles du Mans Assurances, à la société Generali Iard, à l'entreprise Garage Martinez, à la mutuelle assurances des commerçants et industriels de France, au Syndicat de la Durance-Pertuis, à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Copie en sera adressée pour information à la société Garage Martinez, à la SA Dufour et à la SCI Saint Martin.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 14 mai. 2008, n° 291440
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; ODENT ; SCP DIDIER, PINET ; SCP TIFFREAU ; LE PRADO

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 14/05/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 291440
Numéro NOR : CETATEXT000018802783 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-05-14;291440 ?
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