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26/10/2011 | FRANCE | N°347254

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 26 octobre 2011, 347254


Vu, 1° sous le n° 347254, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 26 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION GUADELOUPE, représentée par le président du conseil régional ; la région demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler de la décision n° 1000766 du 7 février 2011 par laquelle le tribunal administratif de Basse-Terre a autorisé la société Outremer Télécom, sur le fondement de l'article L. 4143-1 du code général des collectivités territoriales, à se constituer partie civile, en

lieu et place de la région, à la suite de la plainte qu'elle a déposée le 12 aoû...

Vu, 1° sous le n° 347254, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 26 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION GUADELOUPE, représentée par le président du conseil régional ; la région demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler de la décision n° 1000766 du 7 février 2011 par laquelle le tribunal administratif de Basse-Terre a autorisé la société Outremer Télécom, sur le fondement de l'article L. 4143-1 du code général des collectivités territoriales, à se constituer partie civile, en lieu et place de la région, à la suite de la plainte qu'elle a déposée le 12 août 2010 entre les mains du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France, des chefs de détournements de fonds et de biens publics, complicité et recel, délits prévus et réprimés par les articles 432-15 et 321-1 et suivants du code pénal ;

2°) de refuser l'autorisation sollicitée par la société Outremer Télécom ;

3°) de mettre à la charge de la société Outremer Télécom le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 348391, la requête, enregistrée le 12 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE GLOBAL CARRIBEAN NETWORK (GCN) , dont le siège est Tour Sécid, 6ème étage, Place de la rénovation à Pointe-à-Pitre (97110) ; la société GCN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même décision du 7 février 2011 du tribunal administratif de Basse-Terre ;

2°) de refuser l'autorisation sollicitée par la société Outremer Télécom ;

3°) de mettre à la charge de la société Outremer Télécom le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article 85 modifié par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la REGION GUADELOUPE, de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SOCIETE GLOBAL CARRIBEAN NETWORK et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Outremer Télécom,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la REGION GUADELOUPE de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SOCIETE GLOBAL CARRIBEAN NETWORK et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Outremer Télécom ;

Considérant que les requêtes de la REGION GUADELOUPE et de la SOCIETE GLOBAL CARRIBEAN NETWORK sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 4143-1 du code général des collectivités territoriales : " Tout contribuable inscrit au rôle de la région a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la région et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer (...) " ; qu'il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat, saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la région et qu'elle a une chance de succès ;

Considérant que la société Outremer Télécom a déposé, le 12 août 2010, une plainte entre les mains du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France, des chefs de détournements de fonds et de biens publics, complicité et recel dans l'exécution de la convention de concession conclue en 2004 entre la REGION GUADELOUPE et la SOCIETE GLOBAL CARRIBEAN NETWORK, à qui la région avait concédé, notamment, la réalisation et l'exploitation d'un câble sous-marin en fibres optiques reliant la Guadeloupe à Porto-Rico, ainsi que les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; que, par une délibération du 18 novembre 2010, le conseil régional, saisi par la société Outremer Télécom d'une demande en ce sens, a refusé de se constituer partie civile à la suite de la plainte déposée par cette société ; que, par la décision attaquée du 7 février 2011, le tribunal administratif de Basse-Terre a autorisé la société Outremer Télécom à se constituer partie civile en lieu et place de la région, sur le fondement des dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 4143-1 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant que si, aux termes de l'article 85 du code de procédure pénale : " Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42 ", il résulte du second alinéa ajouté à cet article par la loi du 5 mars 2007 que : " Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une constitution de partie civile n'est recevable, dans le cas où une instruction n'a pas déjà été ouverte, que si le procureur a fait savoir qu'il n'engagerait pas lui-même des poursuites ou si un délai de trois mois s'est écoulé depuis le dépôt d'une plainte par l'auteur de la constitution de partie civile ;

Considérant qu'il ne résulte de l'instruction, ni que la REGION GUADELOUPE aurait déposé plainte ni, en tout état de cause, que le procureur de la République aurait fait savoir, à la date à laquelle la région a refusé d'engager l'action sollicitée par la société Outremer Télécom, qu'il n'engagerait pas lui-même des poursuites ; que si cette société demande que sa demande soit requalifiée, afin qu'elle porte également sur le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile, ces conclusions, qui n'ont pas été soumises à la région et sont présentées pour la première fois devant le Conseil d'Etat, ne sauraient être accueillies ; qu'il suit de là que l'action envisagée, qui ne porte que sur la simple constitution de partie civile, ne saurait être regardée comme présentant une chance de succès ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la REGION GUADELOUPE et la SOCIETE GLOBAL CARRIBEAN NETWORK sont fondées à demander l'annulation de la décision du 7 février 2011 par laquelle le tribunal administratif de Basse-Terre a autorisé la société Outremer Télécom à se constituer partie civile au nom de la région ; qu'il n'y pas a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la région et la société requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à leur charge ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du tribunal administratif de Basse-Terre du 7 février 2011 est annulée.

Article 2 : La demande d'autorisation de plaider présentée par la société Outremer Télécom est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Outremer Télécom présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la REGION GUADELOUPE, à la SOCIETE GLOBAL CARRIBEAN NETWORK et à la société Outremer Télécom.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 347254
Date de la décision : 26/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-02-05-01-04 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. COMMUNE. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. EXERCICE PAR UN CONTRIBUABLE DES ACTIONS APPARTENANT À LA COMMUNE. CONDITIONS DE FOND. - CHANCE DE SUCCÈS DE L'ACTION ENVISAGÉE - SIMPLE CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE (ART. 85 DU CPP)- CAS DANS LEQUEL LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ D'UNE TELLE CONSTITUTION NE SONT PAS RÉUNIES.

135-02-05-01-04 Il résulte des dispositions de l'article 85 du code de procédure pénale (CPP) qu'une constitution de partie civile n'est recevable, dans le cas où une instruction n'a pas déjà été ouverte, que si le procureur a fait savoir qu'il n'engagerait pas lui-même des poursuites ou si un délai de trois mois s'est écoulé depuis le dépôt d'une plainte par l'auteur de la constitution de partie civile. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, l'action envisagée par un contribuable qui ne porte que sur la simple constitution de partie civile, ne saurait être regardée comme présentant une chance de succès.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2011, n° 347254
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: Mme Claire Landais
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP ODENT, POULET ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:347254.20111026
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