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21/01/2010 | FRANCE | N°334685

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 janvier 2010, 334685


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Louis B, demeurant ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 6 juillet 2009 par laquelle la présidente de l'université de Cergy-Pontoise a placé le laboratoire atomes et molécules en astrophysique (LAMAP) sous l'autorité provisoire du directeur de l'unité de formation et de recherche (UFR) Sciences et

Techniques , a distingué, au sein du laboratoire, l'activité de recher...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Louis B, demeurant ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 6 juillet 2009 par laquelle la présidente de l'université de Cergy-Pontoise a placé le laboratoire atomes et molécules en astrophysique (LAMAP) sous l'autorité provisoire du directeur de l'unité de formation et de recherche (UFR) Sciences et Techniques , a distingué, au sein du laboratoire, l'activité de recherche portant sur l'expérience dite FORMOLISM du reste de l'activité de recherche et soumis au visa de M. C, avant transmission au directeur de l'UFR, l'activité portant sur FORMOLISM, a demandé au personnel du LAMAP de déterminer leur rattachement à l'une ou l'autre de ces activités de recherche et a institué un comité de suivi scientifique de FORMOLISM ;

2°) d'enjoindre à la présidente de l'université de Cergy-Pontoise de le rétablir dans ses fonctions et attributions dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie ; qu'en effet la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate tant à un intérêt public qu'à sa situation et aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'en particulier la décision attaquée préjudicie à l'intérêt de la recherche dans la mesure où elle sera cause de retards dans le déroulement de l'expérience FORMOLISM et compromet l'avenir de ce programme de recherche qui a fait l'objet de contrats de financement conclus avec l'Agence nationale de la recherche (ANR) et la région Ile de France dans le cadre de l'appel à propositions SESAME ; que la décision attaquée, dont les effets ne pourraient être effacés par une simple réparation pécuniaire, préjudicie en outre gravement à sa crédibilité scientifique nationale et internationale ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ; qu'elle a été prise en violation des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; qu'elle méconnaît celles de l'article L. 123-9 du code de l'éducation ; qu'elle est entachée d'une erreur de fait ;

Vu la décision attaquée ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée pour M. B ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2010, présenté pour l'université de Cergy-Pontoise, qui conclut au rejet de la requête ; l'université soutient que la requête de M. B est irrecevable dans la mesure où elle est dirigée contre une mesure d'organisation du service que M. B n'est pas recevable à contester faute d'atteinte à ses droits pécuniaires ou statutaires ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet M. B n'a déposé sa demande de suspension que le 16 décembre 2009, soit plus de cinq mois après l'intervention de la décision attaquée ; que cette décision ne porte pas atteinte à l'intérêt public de la recherche, ni à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre, mais vise au contraire à préserver l'intérêt de la recherche ; qu'on ne peut sérieusement douter de la légalité de la disposition contestée ; qu'en premier lieu, la présidente de l'université tenait de l'article L. 712-2 du code de l'éducation compétence pour prendre les mesures transitoires exigées par la situation ; qu'en deuxième lieu, la décision contestée n'est pas entachée de défaut de motivation ; qu'en troisième lieu, cette décision ne méconnaît ni l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ni le principe des droits de la défense, d'une part en raison du caractère transitoire des mesures prises, d'autre part et en tout état de cause parce qu'une procédure contradictoire a bien été suivie ; qu'en quatrième lieu, elle ne méconnaît pas l'article 3 des statuts du laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique (LERMA), aucune des mesures provisoires contestées ne modifiant la liste des chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens et administratifs affectés au laboratoire ; qu'enfin le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, dès lors que les difficultés de fonctionnement du LAMAP sont établies ;

Vu les observations, enregistrées le 15 janvier 2010, présentées par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche qui déclare n'être pas partie au litige ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 janvier 2010, présenté pour M. B, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; M. B fait, en outre, valoir qu'un fonctionnaire a intérêt pour agir quand il attaque une mesure d'organisation du service qui porte atteinte aux prérogatives attachées à ses fonctions ; qu'au regard de la condition d'urgence, aucun défaut de diligence ne peut lui être imputé dans l'engagement de ses actions contentieuses ; qu'un tel motif ne pourrait au surplus conduire à considérer que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que seul le conseil du LERMA pouvait décider de l'attribution de la direction administrative de l'une de ses composantes ; qu'en tout état de cause la présidente de l'université devait au moins recueillir l'avis de ce conseil avant de prendre la décision contestée ; que la décision attaquée ayant été prise en considération de la personne de M. B, elle ne pouvait intervenir sans que soit respecté l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que le processus de médiation ne peut être considéré comme une procédure contradictoire au sens de ces dispositions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B et, d'autre part, la présidente de l'université de Cergy-Pontoise ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 19 janvier 2010 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Monod, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B ;

- M. B ;

- Me Hémery, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'université de Cergy-Pontoise ;

- la représentante de l'université de Cergy-Pontoise ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que le laboratoire atomes et molécules en astrophysique (LAMAP), fondé et dirigé par M. B, professeur des universités affecté à l'université de Cergy-Pontoise, constitue une équipe de recherche, installée dans des locaux de cette université ; que ce laboratoire fait partie du laboratoire d'études du rayonnement et de la matière en astrophysique (LERMA), unité mixte de recherche associant le Centre national de la recherche scientifique, l'Observatoire de Paris, l'université de Cergy-Pontoise ainsi que l'université Paris VI et l'Ecole normale supérieure ; que, par décision du 6 juillet 2009, la présidente de l'université de Cergy Pontoise a, pour l'essentiel, placé le laboratoire LAMAP sous l'autorité administrative provisoire du directeur de l'unité de formation et de recherche (UFR) Sciences et Techniques de cette université et a soumis la principale expérience de recherche de ce laboratoire, dite FORMOLISM, au visa de M. C, membre du laboratoire ;

Considérant que M. B demande la suspension de cette décision du 6 juillet 2009 qui a notamment pour effet, en soumettant l'activité de FORMOLISM au visa d'un autre chercheur, de lui retirer la responsabilité de la conduite de ce programme ; que les conclusions à fin d'annulation de cette décision, qu'il a parallèlement présentées, n'apparaissent pas manifestement insusceptibles de ressortir à la compétence en premier ressort du Conseil d'Etat en application du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ; qu'il appartient, dans ces conditions, au juge des référés du Conseil d'Etat de statuer sur les conclusions à fin de suspension ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que, pour justifier de l'urgence qui s'attacherait à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 6 juillet 2009 de la présidente de l'université de Cergy-Pontoise, M. B fait valoir que cette décision compromet, de façon grave et immédiate, l'intérêt public qui s'attache au bon déroulement de l'expérience FORMOLISM qu'il a lancée et développée depuis quinze ans et pour laquelle il a obtenu des financements par la voie de contrats conclus avec l'Agence nationale de la recherche et la région Ile-de-France, lesquels sont en cours d'exécution ; qu'il soutient que le mode d'organisation mis en place par la décision attaquée sera cause de retards préjudiciables à la réalisation des expériences et risque de mettre en cause la pérennité des contrats de financement ; qu'il fait, en outre, valoir que la décision attaquée, dont les effets ne pourraient être effacés par une réparation pécuniaire, préjudicie gravement à sa crédibilité scientifique nationale et internationale ;

Considérant toutefois qu'il ressort des éléments soumis au juge des référés que le fonctionnement du laboratoire, avant l'intervention de la décision attaquée, était affecté par une situation conflictuelle ayant notamment conduit à une intervention de la médiatrice du Centre national de la recherche scientifique ; que la décision attaquée, prise par la présidente de l'université en accord avec le directeur du laboratoire LERMA, a entendu remédier à cette situation conflictuelle ; que le nouveau mode d'organisation du laboratoire LAMAP résultant de la décision attaquée n'est de nature, par lui-même, ni à remettre en cause ni à interrompre l'exécution des contrats de financement qui ont été conclus ; que ce mode d'organisation n'apparaît pas davantage, par lui-même, devoir provoquer des retards dans la conduite des expériences qui serait tels qu'ils compromettraient nécessairement la réalisation du programme de recherche ; que la décision attaquée n'a pas eu de conséquences sur la situation statutaire ou la rémunération de M. B ; que, dans ces conditions, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que M. B n'est pas fondé à demander la suspension de la décision attaquée ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Jean-Louis B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean-Louis B et à l'université de Cergy-Pontoise.

Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 jan. 2010, n° 334685
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stahl
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN ; HEMERY

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 21/01/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 334685
Numéro NOR : CETATEXT000021785204 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-01-21;334685 ?
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