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02/03/1994 | FRANCE | N°134421

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 02 mars 1994, 134421


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 26 février 1992 et 24 juin 1992, présentés pour l'union régionale des producteurs de granulats du Languedoc-Roussillon, dont le siège est Maison de l'entreprise, ..., l'union des producteurs de granulats d'Aquitaine, dont le siège est ..., l'union régionale des producteurs de granulats du Limousin, dont le siège est ..., l'union régionale des producteurs de granulats de Midi-Pyrénées, dont le siège est ..., et l'union des producteurs de granulats de Poitou-Charentes, don

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 26 février 1992 et 24 juin 1992, présentés pour l'union régionale des producteurs de granulats du Languedoc-Roussillon, dont le siège est Maison de l'entreprise, ..., l'union des producteurs de granulats d'Aquitaine, dont le siège est ..., l'union régionale des producteurs de granulats du Limousin, dont le siège est ..., l'union régionale des producteurs de granulats de Midi-Pyrénées, dont le siège est ..., et l'union des producteurs de granulats de Poitou-Charentes, dont le siège est ... ; les unions régionales requérantes demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la délibération n° 91-39 en date du 17 octobre 1991 par laquelle le conseil d'administration de l'agence financière de bassin Adour-Garonne a institué une redevance liée à l'extraction de granulats ;
2°) condamne l'agence financière de bassin Adour-Garonne à leur verser la somme de 10.000 F. au titre des frais non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 16 décembre 1964 modifiée ;
Vu le décret du 14 septembre 1966 et le décret du 28 octobre 1975 ;
Vu la loi du 10 juillet 1991, notamment son article 75-1 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Mattei-Dawance, avocat de l'union régionale des producteurs de granulats du Languedoc-Roussillon et autres, du syndicat national des producteurs de sables et graviers et de l'union nationale des producteurs et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'agence financière bassin Adour-Garonne,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention du syndicat national des producteurs de sables et graviers et de l'union nationale des producteurs de granulats :
Considérant que le syndicat national des producteurs de sables et graviers et l'union nationale des producteurs de granulats ont intérêt à l'annulation de la déclaration attaquée ; que leur intervention doit dès lors être admise ;
Sur la légalité de la délibération attaquée :
Considérant qu'il résulte de l'article 14 de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre la pollution que les agences de bassin peuvent établir des redevances assises sur les activités rendant nécessaire ou utile leur intervention ; que tel est le cas, prévu par l'article 18 du décret du 14 septembre 1966 pris pour l'application de cette loi, dans sa rédaction résultant du décret du 28 octobre 1975, des activités qui ont pour effet de modifier le régime des eaux dans tout ou partie du bassin ; que toutefois, le gouvernement n'a, par ledit décret, déterminé les modalités d'assiette et de taux que pour les redevances établies au titre de la détérioration de la qualité de l'eau ou au titre des prélèvements sur les ressources en eau ; que si les redevances établies à ce dernier titre peuvent être ainsi perçues sur des activités qui, sans utiliser l'eau, modifient le régime des eaux en raison d'un captage suivi de restitution, réalisant ainsi un prélèvement sur la ressource en eau, elles ne peuvent s'appliquer à des activités qui, en l'absence de tout prélèvement, ont seulement pour effet de modifier le régime des eaux par suite des changements qu'elles apportent au dessin des lits des cours d'eau ou aux couches de terrain situées sur les nappes ;

Considérant qu'en l'absence dans le décret susmentionné de toute détermination des modalités d'assiette et de taux de redevances applicables à des activités exclusives de tout prélèvement sur la ressource en eau et de toute détérioration de la qualité de l'eau, ces activités ne peuvent légalement être assujetties à une redevance, même si elles ont pour effet de modifier la ressource en eau ; que tel étant le cas des activités d'extraction de granulats, les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que par la délibération attaquée le conseil d'administration de l'agence financière de bassin Adour-Garonne a institué une telle redevance ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les requérantes, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnées à payer à l'agence financière de bassin Adour Garonne la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'agence financière de bassin Adour Garonne à payer aux requérantes la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention du syndicat national des producteurs de sables et graviers et de l'union nationale des producteurs de granulats est admise.
Article 2 : La délibération n° 91-39, en date du 17 octobre 1991, du conseil d'administration de l'agence financière de bassin Adour-Garonne est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'union régionale des producteurs de granulats du Languedoc-Roussillon et autres et les conclusions de l'agence financière de bassin Adour-Garonne, tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de l'agence financière de bassin Adour-Garonne tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'union régionale des producteurs de granulats du Languedoc-Roussillon, à l'union des producteurs de granulats d'Aquitaine, à l'union régionaledes producteurs de granulats du Limousin, à l'union régionale des producteurs de granulats de MidiPyrénées, à l'union des producteurs de granulats de Poitou-Charentes, au syndicat national des producteurs de sables et graviers, à l'union nationale des producteurs de granulats , à l'agence financière de bassin Adour-Garonne et au ministre de l'environnement.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 134421
Date de la décision : 02/03/1994
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - AUTRES TAXES OU REDEVANCES - Redevances perçues par les agences financières de bassin (article 18 du décret n° 66-700 du 14 septembre 1966) - Redevances perçues sur une activité modifiant le régime des eaux sans constituer un prélèvement ou une détérioration - Illégalité.

19-03-06, 27-05-02 Les agences financières de bassin peuvent établir des redevances sur les activités qui ont pour effet de modifier le régime des eaux, mais, par le décret du 14 septembre 1966, le Gouvernement n'a déterminé les modalités d'assiette et de taux que pour les redevances établies au titre de la détérioration de la qualité de l'eau ou au titre des prélèvements sur les ressources en eau. Les agences de bassin ne peuvent donc légalement taxer des activités qui, telles l'extraction de granulats, ont pour effet de modifier le régime des eaux par les changements qu'elles apportent au dessin des lits des cours d'eau ou aux couches de terrain situées sur les nappes, sans constituer un prélèvement ni une détérioration.

EAUX - GESTION DE LA RESSOURCE EN EAU - REDEVANCES - Redevances perçues sur une activité modifiant le régime des eaux sans constituer un prélèvement ni une détérioration - Illégalité.


Références :

Décret 66-700 du 14 septembre 1966 art. 18
Décret 75-996 du 28 octobre 1975
Loi 64-1245 du 16 décembre 1964 art. 14
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75-1


Publications
Proposition de citation : CE, 02 mar. 1994, n° 134421
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Chabanol
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP Mattéi-Dawance, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:134421.19940302
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