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10/05/1996 | FRANCE | N°142064;142066

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 10 mai 1996, 142064 et 142066


Vu 1°) sous le n° 142 064, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 octobre 1992, l'ordonnance en date du 8 octobre 1992 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon transmet au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête de la société à responsabilité limitée La Roustane ;
Vu, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 21 septembre 1992, la requête présentée pour la société à res

ponsabilité limitée La Roustane, représentée par sa gérante en exerc...

Vu 1°) sous le n° 142 064, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 octobre 1992, l'ordonnance en date du 8 octobre 1992 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon transmet au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête de la société à responsabilité limitée La Roustane ;
Vu, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 21 septembre 1992, la requête présentée pour la société à responsabilité limitée La Roustane, représentée par sa gérante en exercice, dont le siège est ... ;
Vu, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 novembre 1992, le mémoire complémentaire présenté pour la société à responsabilité limitée La Roustane ; elle demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 23 juin 1992 en tant, d'une part, qu'il n'a pas accueilli ses conclusions de première instance tendant à l'annulation de la délibération du conseil de l'université de Provence à Aix-en-Provence du 23 avril 1991 autorisant la concession de l'exploitation et de la gestion d'une librairie exploitée dans l'enceinte de ladite université et en tant, d'autre part, qu'il a limité à 3 000 F le montant de l'indemnité due par ladite université à la société à responsabilité limitée La Roustane ; elle conclut également à ce que ladite université soit condamnée à lui verser une indemnité d'un montant de 234 681,80 F ainsi que la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 2°) sous le n° 142 066, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 octobre 1992, l'ordonnance en date du 8 octobre 1992 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon transmet au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 82 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête de l'université de Provence (Aix-Marseille) ;
Vu, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 30 septembre 1992, la requête présentée par l'université de Provence représentée par son président en exercice dont le siège est ... ; elle demande l'annulation des articles 2, 3 et 5 du jugement susvisé et le rejet du surplus de la demande présentée par la société à responsabilité limitée La Roustane devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 81-766 du 10 août 1981 ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olson, Maître des Requêtes,
- les observations de SCP Monod, avocat de société à responsabilité limitée La Roustane et de la SCP Coutard, Mayer avocat de l'université de Provence,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société à responsabilité limitée La Roustane et de l'université de Provence sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité de la délibération n° 13 du conseil d'administration de l'université de Provence en date du 23 avril 1991 :
Considérant que, par la délibération litigieuse, le conseil d'administration de l'université de Provence a approuvé le principe de l'installation d'une librairie sur le domaine public universitaire du centre universitaire d'Aix-en-Provence ; que la création de ladite librairie était destinée à titre principal à améliorer la qualité des services proposés aux enseignants et aux étudiants, en mettant à leur disposition des ouvrages nécessaires à leurs activités d'enseignement et de recherche ; qu'en décidant la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public universitaire avec une personne privée permettant à celle-ci d'exercer une activité commerciale destinée à satisfaire les besoins directs des usagers du service public de l'enseignement supérieur dont elle peut constituer un complément, le conseil d'administration de l'université n'a fait qu'user des pouvoirs dont il dispose en vue d'un objet conforme à la mission dévolue audit service public ; que, par suite, la délibération contestée n'a pas méconnu le principe de spécialité des établissements publics ; que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce qu'un établissement public concède une partie de son domaine dans les conditions susmentionnées ; que la circonstance que ladite librairie ait également été autorisée à proposer, en outre, divers périodiques ainsi que des articles de papeterie est sans incidence sur la légalité de la délibération contestée ; que, dès lors que la délibération contestée n'a eu pour objet que d'approuver le principe de la création d'une librairie sur le site de l'université, le moyen tiré de l'illégalité du cahier des charges est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société à responsabilité limitée La Roustane n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du conseil d'administration de l'université de Provence en date du 23 avril 1991 approuvant l'implantation d'une librairie sur le domaine public de l'université ;

Sur la recevabilité des conclusions de la demande de première instance de la société à responsabilité limitée La Roustane tendant à l'annulation du cahier des charges régissant la concession d'une librairie sur le site de l'université de Provence à Aix-en-Provence :
Considérant que le cahier des charges régissant la concession d'une librairie ne constitue pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que les conclusions de la demande de première instance présentée par la société à responsabilité limitée La Roustane et tendant à l'annulation dudit cahier des charges n'étaient pas recevables ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement susvisé en tant que, par ledit article, le tribunal administratif de Marseille a, à tort, statué sur ces conclusions en annulant ledit cahier des charges ;
Sur la légalité de l'acte d'engagement par lequel l'université a accepté l'offre de la Société Librairie Vents du Sud :
Considérant que, par la voie de conclusions incidentes à la requête d'appel formée par la société à responsabilité limitée La Roustane, l'université de Provence demande l'annulation de l'article 2 du jugement susvisé en tant que, par ledit article, le tribunal administratif de Marseille a également annulé l'acte d'engagement détachable du contrat par lequel ladite université a accepté l'offre de la société Librairie Vents du Sud ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le cahier des charges ; que, par suite, c'est à tort qu'il s'est fondé sur cette annulation pour prononcer, par voie de conséquence, l'annulation de l'acte d'engagement ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société à responsabilité limitée La Roustane à l'encontre dudit acte d'engagement devant le tribunal administratif de Marseille ;

Considérant que la société à responsabilité limitée La Roustane, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'acte d'engagement, invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'article 3 du cahier des charges qui confère à l'université un pouvoir d'approbation des prix établis par le concessionnaire, en tant que cet article porterait atteinte au droit dudit concessionnaire de fixer le prix de vente des livres dans les limites fixées par la loi susvisée du 10 août 1981 ; que si l'université pouvait, dans le cadre des pouvoirs de gestion et de contrôle qu'elle exerce sur le domaine public dont elle est affectataire, se voir reconnaître dans le cahier des charges certaines prérogatives lui permettant le cas échéant de tirer les conséquences d'une gestion de ladite librairie qui serait conduite selon des modalités incompatibles avec les finalités de sa mission, ladite université ne tenait en revanche d'aucun texte ni d'aucun principe la faculté de s'attribuer un pouvoir d'approbation des prix établis par le concessionnaire ; que, dans ces conditions, l'article 3 du cahier des charges était entaché d'illégalité et viciait par voie de conséquence l'acte par lequel l'université décidait de signer la convention d'occupation du domaine public à laquelle le cahier des charges était annexé ; que, par suite, cet acte d'engagement devait être annulé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par la voie de son appel incident, l'université de Provence n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé ledit acte d'engagement ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant, d'une part que si, par les motifs susénoncés, l'acte d'engagement par lequel l'université de Provence a accepté l'offre de la société Librairie Vents du Sud était illégal, la société à responsabilité limitée La Roustane ne saurait se fonder sur cette circonstance pour demander l'indemnisation des frais qu'elle a engagés pour participer à l'appel d'offre, sans lien direct avec ladite illégalité ;
Considérant, d'autre part, que la Société à responsabilité limitée La Roustane ne saurait être indemnisée sur le fondement du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'exploitation irrégulière de la Librairie Société Vents du Sud, dès lors qu'il n'existe aucun lien entre le préjudice ainsi invoqué et l'illégalité constatée à l'origine de l'annulation de l'acte d'engagement de la société Librairie Vents du Sud prononcée par la présente décision, par les motifs susénoncés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'université de Provence est fondée à demander l'annulation du jugement susvisé en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la société à responsabilité limitée La Roustane et le rejet des conclusions indemnitaires présentées par ladite société ;

Sur les frais irrépétibles :
Sur la requête n° 142 064 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'université de Provence, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à la société à responsabilité limitée La Roustane la somme de 10 000 F qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur la requête n° 142 066 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'université de Provence à verser à la société à responsabilité limitée La Roustane la somme qu'elle demande sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : L'article 2 du jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 1992, en tant qu'il a annulé le cahier des charges de la concession d'une librairie sur le site de l'université de Provence à Aix-en-Provence, ainsi que l'article 3 dudit jugement sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la société à responsabilité limitée La Roustane devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation du cahier des charges de la concession d'une librairie sur le site de l'université de Provence, ensemble les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de ladite université à l'indemniser du préjudice qu'elle lui aurait fait subir sont rejetées.
Article 3 : La requête susvisée de la société à responsabilité limitée La Roustane est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'université de Provence et ses conclusions incidentes sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée La Roustane, à l'université de Provence, à la société Librairie Vents du Sud et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 142064;142066
Date de la décision : 10/05/1996
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir plein contentieux

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES PRIX - GENERALITES - Prix des livres (loi n° 81-766 du 10 août 1981) - Librairie installée sur le domaine public universitaire dans le cadre d'une concession domaniale - Stipulations du cahier des charges prévoyant l'approbation des prix par l'université - Illégalité.

14-04-01, 24-01-02-01-01-02(2), 30-02-05-01(2) Cahier des charges d'une convention d'occupation du domaine public d'une université, conclue en vue de l'exploitation d'une librairie par une personne privée, prévoyant l'approbation par l'université du prix de vente des livres. Si l'université pouvait, dans le cadre des pouvoirs de gestion et de contrôle qu'elle exerce sur le domaine public dont elle est affectataire, se voir reconnaître dans le cahier des charges certaines prérogatives lui permettant le cas échéant de tirer les conséquences d'une gestion de la librairie incompatible avec les finalités de sa mission, elle ne tenait en revanche d'aucun texte ni d'aucun principe la faculté de s'attribuer un pouvoir d'approbation des prix établis par le concessionnaire. Illégalité de l'article 3 du cahier des charges entraînant l'annulation de l'acte d'engagement, détachable du contrat, par lequel l'université a accepté l'offre d'une société candidate à l'attribution de la concession domaniale.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - CONTRATS ET CONCESSIONS (1) Concession domaniale en vue de l'exploitation d'une librairie sur le domaine public universitaire - Décision de la conclure - Légalité - (2) Cahier des charges d'une concession domaniale en vue de l'exploitation d'une librairie sur le domaine public universitaire - Illégalité de stipulations prévoyant une approbation des prix pratiqués par le concessionnaire.

24-01-02-01-01-02(1), 30-02-05-01(1), 33-02-01 Délibération du conseil d'administration d'une université relative à l'installation sur le domaine public universitaire d'une librairie destinée à permettre aux enseignants et aux étudiants de disposer des ouvrages nécessaires à leurs activités d'enseignement et de recherche. En décidant la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public universitaire avec une personne privée permettant à celle-ci d'exercer une activité commerciale destinée à satisfaire les besoins directs des usagers du service public de l'enseignement supérieur dont elle peut constituer un complément, le conseil d'administration a usé des pouvoirs dont il dispose en vue d'un objet conforme à la mission de ce service public. Par suite, la délibération ne méconnaît pas le principe de spécialité des établissements publics. Par ailleurs, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce qu'un établissement public concède une partie de son domaine dans de telles conditions.

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET GRANDES ECOLES - UNIVERSITES (1) Délibération du conseil d'administration décidant de conclure une concession domaniale en vue de l'exploitation d'une librairie sur le domaine public universitaire - Légalité - (2) Cahier des charges d'une concession domaniale en vue de l'exploitation d'une librairie sur le domaine public universitaire - Illégalité de stipulations prévoyant une approbation des prix pratiqués par le concessionnaire.

60-04-01-03-01 Acte d'engagement par lequel une université a accepté l'offre d'une société candidate à l'attribution de la concession d'une librairie sur le domaine public de l'établissement annulé en raison de l'illégalité d'un article du cahier des charges prévoyant la possibilité pour l'université d'approuver le prix de vente des livres. La société requérante, exploitant une librairie proche du domaine universitaire, ne saurait être indemnisée du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'exploitation irrégulière de la libraire concédée, dès lors qu'il n'existe aucun lien entre ce préjudice et l'illégalité qui a motivé l'annulation de l'acte d'engagement.

ETABLISSEMENTS PUBLICS - REGIME JURIDIQUE - SPECIALITE - Violation du principe de spécialité - Absence - Décision de conclure une concession domaniale permettant l'exercice d'une activité commerciale présentant un lien suffisant avec le service public confié à l'établissement.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - ABSENCE - Illégalité de stipulations du cahier des charges d'une concession domaniale - prévoyant l'approbation par le concédant des prix pratiqués par le commerçant concessionnaire - Absence de lien avec cette illégalité du préjudice résultant pour un concurrent de l'exploitation du commerce.


Références :

Loi 81-766 du 10 août 1981 annexe
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 1996, n° 142064;142066
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Olson
Rapporteur public ?: M. Schwartz
Avocat(s) : SCP Monod, SCP Coutard, Mayer, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:142064.19960510
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