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22/11/2000 | FRANCE | N°223645

France | France, Conseil d'État, Avis section, 22 novembre 2000, 223645


Vu, enregistré le 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 13 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau, avant de statuer sur les demandes de la SOCIETE LetP PUBLICITE SARL tendant à l'annulation de deux arrêtés du maire de Bayonne en date du 7 décembre 1998 mettant en demeure cette société de déposer deux panneaux publicitaires, a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en sou

mettant à son examen les questions de savoir : 1°/ si lorsqu...

Vu, enregistré le 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 13 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau, avant de statuer sur les demandes de la SOCIETE LetP PUBLICITE SARL tendant à l'annulation de deux arrêtés du maire de Bayonne en date du 7 décembre 1998 mettant en demeure cette société de déposer deux panneaux publicitaires, a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions de savoir : 1°/ si lorsque l'administration prend une décision de police affectant directement les activités économiques dans un secteur concurrentiel, elle doit, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tenir compte des règles de la concurrence, 2°/ si, dans l'affirmative, la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte permise par l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 - qui peut aboutir par la limitation du nombre de panneaux d'affichage à conférer, sur une zone urbaine éventuellement étendue, une position dominante à un nombre restreint d'entreprises d'affichage - peut être regardée comme affectant de façon suffisamment directe l'activité économique de l'affichage pour imposer, que lorsqu'il réglemente la publicité dans cette zone, le maire de la commune tienne compte des règles de la concurrence, 3°/ et si, dans l'affirmative, le souci de limiter le développement de l'affichage publicitaire dans les conditions permises par la loi du 29 décembre 1979 doit être assujetti à cette prise en compte des règles de concurrence ou au contraire peut justifier le maintien d'une position dominante dont le ou les titulaires sont ensuite mis en mesure d'abuser ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la SOCIETE LetP PUBLICITE SARL et de la SCP Gatineau, avocat de l'Union de la publicité extérieure,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

1/ Dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.
2/ La réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte peut, en vertu de l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, "déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est seulement admise" et "interdire la publicité ou des catégories de publicité définies en fonction des procédés et dispositifs utilisés". Tout en ayant pour objectif la protection du cadre de vie, elle est susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage. Dès lors un maire, lorsqu'il réglemente cette activité dans une zone de publicité restreinte, doit prendre en compte la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence, dans les conditions mentionnées ci-dessus.
3/ Si la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte ne peut légalement avoir par elle-même pour objet de créer une position dominante sur un marché pertinent, elle peut avoir un tel effet, notamment par la limitation du nombre des emplacements d'affichage. Toutefois la création d'une position dominante par l'effet de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte n'est incompatible avec le respect des dispositions relatives à la concurrence que si cette réglementation conduit nécessairement à l'exploitation de la position dominante de manière abusive. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au maire, lorsqu'ilréglemente la publicité sur le territoire de sa commune, de veiller à ce que les mesures de police prises par lui ne portent aux règles de concurrence que les atteintes justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Pau, à la SOCIETE LetP PUBLICITE SARL, à la commune de Bayonne, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Formation : Avis section
Numéro d'arrêt : 223645
Date de la décision : 22/11/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - PRINCIPES GARANTISSANT L'EXERCICE DE LIBERTES INDIVIDUELLES OU COLLECTIVES - LIBERTE DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE - CANécessité de prendre en compte ce principe dans l'exercice des pouvoirs de police administrative - Existence - lorsque la mesure de police est susceptible d'affecter des activités de production - de distribution ou de services (1).

01-04-03-04-03, 14-01-01, 49-03 Dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de la concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.

- RJ2 AFFICHAGE ET PUBLICITE - AFFICHAGE - REGIME DE LA LOI DU 29 DECEMBRE 1979 - CARéglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte - a) Mesure de police susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage - Existence - Conséquence - Nécessité de prendre en compte la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de la concurrence - b) Légalité - Condition - Réglementation ne devant pas conduire nécessairement à l'exploitation de manière abusive de la position dominante qu'elle peut avoir pour effet de créer.

02-01-04 Dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.

- RJ1 COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PRINCIPES GENERAUX - LIBERTE DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE - CANécessité de prendre en compte ce principe dans l'exercice des pouvoirs de police administrative - Existence - lorsque la mesure de police est susceptible d'affecter des activités de production - de distribution ou de services (1).

02-01-04 a) Tel est notamment le cas de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte qui, tout en ayant pour objectif la protection du cadre de vie, est susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage.

- RJ2 COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DEFENSE DE LA CONCURRENCE - REPRESSION DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES ET DES PRATIQUES RESTRICTIVES - CAActe susceptible d'avoir pour effet de créer une position dominante - Existence - Réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte - Conséquence - Légalité - Condition - Réglementation ne devant pas conduire nécessairement à l'exploitation de la position dominante de manière abusive.

02-01-04 b) Si la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte ne peut légalement avoir par elle-même pour objet de créer une position dominante sur un marché pertinent, elle peut avoir un tel effet, notamment par la limitation du nombre des emplacements d'affichage (2). Toutefois, la création d'une position dominante par l'effet de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte n'est incompatible avec le respect des dispositions relatives à la concurrence que si cette réglementation conduit nécessairement à l'exploitation de la position dominante de manière abusive. Il en résulte qu'il appartient au maire, lorsqu'il réglemente la publicité sur le territoire de sa commune, de veiller à ce que les mesures de police prises par lui ne portent aux règles de la concurrence que les atteintes justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage.

- RJ1 POLICE ADMINISTRATIVE - ETENDUE DES POUVOIRS DE POLICE - CARègles à prendre en compte dans l'exercice des pouvoirs de police - Liberté du commerce et de l'industrie et règles de la concurrence - Existence - lorsque la mesure de police est susceptible d'affecter des activités de production - de distribution ou de services (1).

14-05-02 Si la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte ne peut légalement avoir par elle-même pour objet de créer une position dominante sur un marché pertinent, elle peut avoir un tel effet, notamment par la limitation du nombre des emplacements d'affichage (2). Toutefois, la création d'une position dominante par l'effet de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte n'est incompatible avec le respect des dispositions relatives à la concurrence que si cette réglementation conduit nécessairement à l'exploitation de la position dominante de manière abusive. Il en résulte qu'il appartient au maire, lorsqu'il réglemente la publicité sur le territoire de sa commune, de veiller à ce que les mesures de police prises par lui ne portent aux règles de la concurrence que les atteintes justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage.

PROCEDURE - INCIDENTS - INTERVENTION - CAPossibilité - Absence - Conseil d'Etat statuant en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 (sol - impl - ).

54-05-03, 54-07-01-085 Lorsque le Conseil d'Etat statue sur une question de droit nouvelle qui lui a été renvoyée par application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987, il ne peut être présenté d'interventions devant lui.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - RENVOI AU CONSEIL D'ETAT D'UNE QUESTION DE DROIT NOUVELLE (ARTICLE 12 DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1987) - CAPossibilité de présenter une intervention devant le Conseil d'Etat - Absence (sol - impl - ).


Références :

Loi 79-1150 du 29 décembre 1979 art. 10

1.

Rappr. Section 1997-11-03, Société Million et Marais, p. 406 ;

Section 1999-03-26, Société Hertz et société EDA, p. 95. 2. Comp. 1996-07-10, Etienne, T. p. 768


Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2000, n° 223645
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mme Laigneau
Rapporteur public ?: M. Austry
Avocat(s) : SCP Nicolay, de Lanouvelle, SCP Gatineau, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:223645.20001122
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