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28/07/2011 | FRANCE | N°326444

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 28 juillet 2011, 326444


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE (APCM), dont le siège est BP 3960 à Nouméa Cedex (98846) ; l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE (APCM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 relatif à l'indemnité temporaire accordée aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'attendre l'intervention de la lo

i organique permettant l'application de l'article 61-1 de la Constitution p...

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE (APCM), dont le siège est BP 3960 à Nouméa Cedex (98846) ; l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE (APCM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 relatif à l'indemnité temporaire accordée aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'attendre l'intervention de la loi organique permettant l'application de l'article 61-1 de la Constitution pour saisir le Conseil constitutionnel pour faire déclarer inconstitutionnel l'article 137 de la loi de finances rectificative pour 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Vu la décision n° 327174 du 23 avril 2010 et la décision n° 326444 du 2 juin 2010 par lesquelles le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées respectivement par M. Alain Cachard et l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE ;

Vu la décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010 statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. Alain C. et autre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Jacoupy, avocat de l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE, de Me de Nervo, avocat de M. et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Jacoupy, avocat de l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE, à Me de Nervo, avocat de M. et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Sur l'intervention de M. :

Considérant que M. , militaire à la retraite, qui réside en Nouvelle-Calédonie et perçoit l'indemnité temporaire de retraite, a intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi, son intervention en demande est recevable ;

Sur la légalité externe :

Considérant que ni la Constitution, ni les dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, ni aucune autre disposition législative ne faisaient obligation au Gouvernement de soumettre au Conseil d'Etat les décrets portant application de cet article ; que le moyen tiré de l'absence de consultation du Conseil d'Etat doit être rejeté ;

Sur la légalité interne :

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution :

Considérant que, par sa décision du 22 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les paragraphes III et IV de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doivent être écartés ;

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

S'agissant de la méconnaissance des articles 6, 8, 13 et 14 de cette convention :

Considérant que l'Association requérante soulève à l'encontre du décret du 30 janvier 2009 un moyen tiré de ce que le troisième alinéa du paragraphe VI de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008, qui prévoit la suppression définitive de l'indemnité temporaire en cas de fraude, méconnaît les stipulations des articles 6, 8, 13 et 14 de cette convention ; que, toutefois, le décret qu'elle attaque n'a pas été pris pour l'application des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l'article 137 de cette loi ; qu'il suit de là que le moyen est inopérant ;

S'agissant de la méconnaissance de l'article 6 de cette convention :

Considérant que l'Association requérante soutient que le plafonnement et l'écrêtement de l'indemnité temporaire de retraite institués par le IV de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 méconnaîtraient le principe de sécurité juridique en portant atteinte à des situations légalement acquises ; que, toutefois, ces dispositions n'affectent pas le montant de la pension et ne portent que sur un accessoire de la pension, variable selon le lieu de résidence ; qu'elles ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2009 ; qu'elles ne revêtent ainsi aucun caractère rétroactif et n'affectent pas une situation légalement acquise ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de la méconnaissance de l'article 14 de cette convention :

Considérant que le décret du 30 janvier 2009 a été pris pour l'application du paragraphe IV et du deuxième alinéa du paragraphe VI de l'article 137 de la loi de finances rectificative ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance, par le paragraphe II de cet article, des stipulations de l'article 14 de cette convention est sans incidence sur la légalité du décret attaqué et est par suite inopérant ;

S'agissant de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;

Considérant que les indemnités temporaires régies par les dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 accordées aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite doivent être regardées comme des biens au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, toutefois, ces stipulations n'ont ni pour objet, ni pour effet de conférer un droit au maintien des réglementations en vigueur ; que dès lors M. n'est pas fondé à soutenir que l'article 137 méconnaît le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 :

S'agissant de l'article 2 du décret du 30 janvier 2009 :

Considérant que le législateur a fixé, par l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, d'une part, les critères auxquels le bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite est subordonné et, d'autre part, le principe du plafonnement et de l'écrêtement de l'indemnité temporaire pour les personnels relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il en résulte que M. n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'illégalité ni en ce qu'il prévoit de tels plafonnement et écrêtement, ni en tant qu'il traiterait différemment les personnels retraités entre eux ;

Considérant, par ailleurs, que l'article 2 du décret attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il fixe les plafonds de l'indemnité temporaire de retraite à 8 000 euros pour les bénéficiaires résidant dans les territoires mentionnés à l'article 1er et, par exception à cette règle, à 10 000 euros s'agissant de ceux qui résident en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna et en Polynésie française ;

S'agissant de l'article 9 du décret du 30 janvier 2009 :

Considérant que selon le VI de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 l'indemnité temporaire de retraite cesse d'être versée lorsque la personne attributaire cesse de remplir les conditions d'effectivité de la résidence ; qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article 9 de ce décret : Pour les absences dont la durée cumulée est supérieure à trois mois, le paiement de l'indemnité temporaire est suspendu et reprend sans effet rétroactif à compter du premier jour du quatrième mois suivant le mois du retour ; qu'il résulte de la lettre même de ces dispositions qu'elles ont pour seul objet de tirer les conséquences du non respect pendant un délai de plus de trois mois de la condition de résidence prévue par la loi, et qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer une sanction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que cette disposition du décret instituerait une sanction non prévue par la loi doit être écartée ;

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions relatives aux pensions de retraite :

Considérant, comme il a été dit précédemment, que le législateur a fixé, par l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, d'une part, les critères auxquels le bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite est subordonné et, d'autre part, le principe du plafonnement et de l'écrêtement temporaire pour les personnels relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il en résulte, d'une part, que l'association ne peut utilement soutenir que le décret attaqué méconnait le principe de sécurité juridique en ce qu'il remet en question des pensions légalement acquises, le principe d'égalité en ce qu'il traiterait différemment entre eux les bénéficiaires de l'indemnité temporaire et enfin l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il en résulte, d'autre part, qu'elle ne peut davantage soutenir que le décret serait illégal faute d'avoir prévu le plafonnement des cotisations de retraite en contrepartie de celui de l'indemnité temporaire de retraite ;

Quant au moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime :

Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe invoqué est, par suite, inopérant ;

Quant au moyen relatif à l'illégalité de l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2009 :

Considérant que la circonstance que le décret attaqué ait été publié postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi dont il fait application est sans incidence sur sa légalité ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de M. est admise.

Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE est rejetée.

Article 3: Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES PENSIONNES CIVILS ET MILITAIRES EN NOUVELLE-CALEDONIE, à M. Richard , à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 jui. 2011, n° 326444
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU ; JACOUPY ; DE NERVO

Origine de la décision
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 28/07/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 326444
Numéro NOR : CETATEXT000024448296 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-07-28;326444 ?
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