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16/12/2009 | FRANCE | N°307940

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16 décembre 2009, 307940


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 3 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DU BLANC-MESNIL (93150) ; la COMMUNE DU BLANC-MESNIL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, à la demande de M. A, annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 avril 2005 et condamné la commune à verser à M. A la somme de 300 000 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts e

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 3 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DU BLANC-MESNIL (93150) ; la COMMUNE DU BLANC-MESNIL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, à la demande de M. A, annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 avril 2005 et condamné la commune à verser à M. A la somme de 300 000 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la convention illégale conclue par la commune avec le laboratoire Clément ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions qu'elle a présentées en appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 4 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Denis Prieur, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la COMMUNE DU BLANC-MESNIL et de Me Foussard, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la COMMUNE DU BLANC-MESNIL et à Me Foussard, avocat de M. A,

Considérant que, par arrêt du 1er décembre 2005, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement en date du 27 février 2001 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a enjoint à la COMMUNE DE BLANC-MESNIL (Seine-Saint-Denis) de résilier la convention qui la liait depuis 1973 au laboratoire d'analyses biologiques Clément, aux fins de procéder aux analyses des prélèvements biologiques effectuées par ses centres municipaux de santé, au motif que cette convention ne pouvait, sans méconnaître le code de la santé publique, réserver à un laboratoire le monopole de ces analyses; que M. A, pharmacien biologiste exploitant un laboratoire d'analyses médicales au Blanc-Mesnil, a demandé à la commune l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de l'exécution de cette convention, qui le privait d'une partie du marché des analyses des prélèvements biologiques effectuées par les centres municipaux de santé du Blanc-Mesnil ; que cette demande ayant été rejetée, M. A a saisi de sa réclamation le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que, par un jugement du 7 avril 2005, le tribunal a condamné la COMMUNE DU BLANC-MESNIL à réparer le préjudice financier invoqué à hauteur de 49 430 euros ; que par un arrêt du 15 mai 2007, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et condamné la commune à verser à M. A la somme de 300 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des conséquences dommageables pour M. A de l'exécution de la convention illégale, pour la période allant du 1er janvier 1994 au 30 juin 2001, date à laquelle le laboratoire Clément a perdu son monopole ; que la COMMUNE DU BLANC-MESNIL se pourvoit en cassation contre cet arrêt ; que, par la voie du pourvoi incident, M. A demande l'annulation du même arrêt en ce qu'il a limité à 300 000 euros la réparation de son préjudice ;

Sur le pourvoi principal formé par la COMMUNE DU BLANC-MESNIL :

Considérant que le juge administratif ne peut être valablement saisi d'une note en délibéré adressée par télécopie que si son auteur l'authentifie ultérieurement, avant la date de lecture de la décision juridictionnelle à intervenir, par la production d'un exemplaire dûment signé de cette note ou en apposant, au greffe de la juridiction saisie, sa signature au bas du document envoyé par télécopie; qu'après l'audience publique, qui a eu lieu le 3 mai 2007, la COMMUNE DU BLANC-MESNIL a adressé par télécopie à la cour administrative d'appel de Versailles une note en délibéré datée du 7 mai 2007, télécopie qui a été enregistrée au greffe de la cour le même jour ; qu'il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que la commune ait authentifié cette note en délibéré ; que, par suite, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'irrégularité, s'abstenir de viser cette note ;

Considérant qu'en annulant le jugement du 7 avril 2005 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise au motif qu'il n'avait pas répondu au moyen non inopérant tiré par M. A de ce que les opérations d'expertise n'avaient pas été conduites au contradictoire des parties, la cour a, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DU BLANC-MESNIL, suffisamment motivé son arrêt ;

Considérant que la cour a jugé que le comportement fautif de la commune était à l'origine de la perte par M. A d'une partie du marché des analyses des prélèvements biologiques effectuées par les centres municipaux de santé du Blanc-Mesnil ; que par suite le moyen tiré de ce qu'elle aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas l'existence d'un lien direct entre l'exécution de la convention illégale et le préjudice allégué par M. A doit être écarté ;

Considérant que la cour n'a pas dénaturé le rapport d'expertise, en estimant que le préjudice de perte de chiffre d'affaires par M. A était certain, dès lors que, contrairement à ce que soutient la commune, l'expert y qualifie de théorique , non pas ce préjudice, mais la méthode qu'il a utilisée pour en évaluer le montant ;

Considérant qu'il appartient au juge de porter sur les faits qui lui sont soumis sa propre appréciation, en tenant compte des éléments apportés par l'expert qu'il a commis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt de dénaturation du rapport de l'expert, dès lors qu'elle n'a pas repris à son compte l'estimation du préjudice faite par cet expert, ne peut qu'être écarté ; que c'est par une motivation suffisante qu'elle a évalué la perte de bénéfice du laboratoire A, en extrapolant sur la période considérée le gain de chiffre d'affaires procuré à ce laboratoire par la cessation du monopole du laboratoire Clément, et en appliquant à la perte de chiffre d'affaires ainsi reconstituée, diminuée d'un montant représentatif des ristournes que le laboratoire Clément accordait à la commune et qui auraient dû être accordées par le laboratoire A s'il s'était trouvé dans la même situation, le taux de bénéfice évalué par l'expert ;

Sur le pourvoi incident formé par M. A :

Considérant que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en se fondant, pour évaluer la perte de chiffres d'affaires du laboratoire A, sur le gain de chiffres d'affaires de ce laboratoire constaté au cours de la première année suivant la fin du monopole du laboratoire Clément, quand bien même, selon M. A, cette première année aurait été encore caractérisée par une concurrence imparfaite ; que la cour n'a pas davantage dénaturé les faits de l'espèce en estimant que devait être défalqué de la perte de chiffres d'affaires qu'elle reconstituait un montant représentatif des ristournes que le laboratoire Clément accordait à la commune et qui auraient aussi été accordées par le laboratoire A s'il s'était trouvé dans la même situation ;

Considérant que si M. A conteste le rejet par la cour de ses demandes de réparation au titre de la perte de valeur de son fonds libéral et de l'atteinte à son honorabilité professionnelle, il ne soulève sur ces deux points aucun moyen de cassation ; que la cour n'a pas entaché son arrêt de dénaturation en estimant qu'il n'avait subi aucun préjudice moral ;

Considérant que M. A reconnaît avoir demandé, dans ses écritures d'appel, que la capitalisation des intérêts sur la somme allouée à titre d'indemnisation de son préjudice coure à compter du 14 juin 2005 ; que les moyens tirés de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et dénaturé ses écritures en ne rectifiant pas d'elle-même l'erreur de plume qu'il avait commise en invoquant cette date, et en ne lui accordant pas la capitalisation des intérêts à compter de sa demande initiale au tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi principal et le pourvoi incident formés respectivement par la COMMUNE DU BLANC-MESNIL et par M. A contre l'arrêt attaqué doivent être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE DU BLANC-MESNIL est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de pourvoi incident de M. A sont rejetées, ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DU BLANC-MESNIL et à M. Robert A.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 307940
Date de la décision : 16/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2009, n° 307940
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Denis Prieur
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BOUZIDI, BOUHANNA ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:307940.20091216
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