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16/04/2010 | FRANCE | N°335698

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 avril 2010, 335698


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 janvier 2010, présentée par M. Jean Yvon A et Mme Modiana B épouse A, demeurant ...; M. et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 septembre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 18 septembre 2007 de l'ambassadeur de France en Haïti, refus

ant un visa de long séjour à leurs deux enfants en qualité de me...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 janvier 2010, présentée par M. Jean Yvon A et Mme Modiana B épouse A, demeurant ...; M. et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 septembre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 18 septembre 2007 de l'ambassadeur de France en Haïti, refusant un visa de long séjour à leurs deux enfants en qualité de membres de famille de réfugié statutaire ;

ils soutiennent que leurs enfants, à la suite des événements survenus en Haïti, vivent dans des conditions précaires ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. et Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut a rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, dès lors que le lien de filiation n'est pas établi ; que les actes produits revêtant un caractère apocryphe, la filiation entre M. et Mme A et les enfants Myteline et Mentor n'est pas établie ; qu'ainsi la décision contestée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 22 février 2010 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boullez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;

- M. et Mme A ;

- Le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction ;

Vu le mémoire de production, enregistré le 1er mars 2010, présenté pour M. et Mme A ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions et les moyens de son précédent mémoire ; il soutient en outre que M. et Mme A n'ont pas pris l'attache de la cellule de crise mise en place après le séisme ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2010, présenté pour M. et Mme A, qui reprennent les conclusions et les moyens de son précédent mémoire ; ils soutiennent en outre qu'ils ont contacté la cellule de crise ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions et les moyens de son précédent mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une nouvelle audience publique, d'une part, M. et Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 12 avril 2010 à 15 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;

- M. et Mme A ;

- Le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A, ressortissants haïtiens, se sont vus reconnaître la qualité de réfugiés le 28 janvier 2003 ; qu'ils ont acquis la nationalité française par un décret 1er avril 2008 ; que par une décision du 18 septembre 2007, les autorités consulaires françaises à Port-au-Prince ont refusé de délivrer les visas qu'ils avaient sollicités, au bénéfice de leurs enfants Mitelyne et Mentor, en qualité d'enfants de réfugiés statutaires ; que M. et Mme A contestent la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 10 septembre 2009 rejetant leur recours contre la décision des autorités consulaires du 18 septembre 2007 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service des archives nationales d'Haïti a estimé que les extraits d'actes de naissance présentés en 2007 à l'appui des demandes de visas de long séjour sollicités pour les enfants Mitelyne et Mentor étaient faux et que les actes n'étaient pas inscrits dans ses registres ; que, toutefois, M. et Mme A ont également produit des actes de naissance établis le 2 mars 2009 selon la procédure de déclaration tardive par l'officier d'état-civil de la commune de Port-au-Prince, dont la signature a été légalisée ; que si l'administration fait valoir que M. A apparaît sur ces documents comme comparant devant l'officier d'état-civil, alors qu'il était, à cette date, en France en qualité de réfugié, l'intéressé soutient que la mention erronée de son nom comme comparant sur les formulaires des actes de naissance doit se lire comme signifiant qu'il était le demandeur de l'acte ; qu'en tout état de cause, la situation présente en Haïti ne permet pas de procéder à des recherches sur l'authenticité de ces documents, circonstance qui ne peut suffire à les écarter ; qu'en outre M. et Mme A ont toujours mentionné l'existence de leurs deux enfants, en particulier lors de leurs demandes d'admission au statut de réfugié ; qu'ils établissent avoir effectué des versements d'argent et soutiennent avoir maintenu des liens avec leurs enfants ; que les échanges au cours des deux audiences publiques ont confirmé la réalité de ces liens ; que, dans ces conditions, il résulte de l'ensemble des éléments de la procédure un doute sérieux, en l'état de l'instruction, quant au bien-fondé du motif tiré de l'incertitude du lien de filiation entre les requérants et leurs deux enfants ;

Considérant qu'en raison tant de la durée de la séparation de ces deux enfants d'avec leurs parents que de la précarité de leur situation du fait des conséquences du séisme qui a frappé Haïti, la condition d'urgence posée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen des demandes de visa dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. et Mme A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à l'autorité administrative de réexaminer le recours de M. et Mme A, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean Yvon A, Mme Modiana B épouse A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 avr. 2010, n° 335698
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 16/04/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 335698
Numéro NOR : CETATEXT000022203505 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-04-16;335698 ?
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