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21/09/2011 | FRANCE | N°349149

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 21 septembre 2011, 349149


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 24 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102708 du 20 avril 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé, à compter de l'examen des offres, la procédure engagée par le départe

ment en vue de la passation d'un marché à bons de commandes portant sur les...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 24 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102708 du 20 avril 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé, à compter de l'examen des offres, la procédure engagée par le département en vue de la passation d'un marché à bons de commandes portant sur les travaux à caractère urgent ou imprévu sur les ouvrages du réseau départemental d'assainissement, ainsi que les décisions de la commission d'appel d'offres du 10 mars 2011 rejetant l'offre du groupement dont la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales était le mandataire et attribuant le marché à la société Fayolle, et lui a enjoint, s'il entendait poursuivre la procédure engagée, de la reprendre au stade de l'examen des offres ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales ;

3°) de mettre à la charge de la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2011, présentée pour le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 septembre 2011, présentée pour la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, de la SCP Monod, Colin, avocat de l'entreprise fayolle et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Parenge compagnie parisienne d'entreprises générales,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, à la SCP Monod, Colin, avocat de l'entreprise fayolle et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Parenge compagnie parisienne d'entreprises générales,

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut être saisi, avant la conclusion d'un contrat de commande publique ou de délégation de service public, d'un manquement, par le pouvoir adjudicateur, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 24 septembre 2010, le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande portant sur des travaux à caractère urgent ou imprévu sur les ouvrages du réseau départemental d'assainissement ; que le groupement Parenge / Sade / Segex, dont la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales était le mandataire et qui était le titulaire du précédent marché, a déposé une offre pour le lot n° 1 " travaux de génie civil et d'équipement " ; que, par une décision du 10 mars 2011, la commission d'appel d'offres a rejeté l'offre du groupement au motif qu'ayant modifié l'un des prix du bordereau des prix unitaires à la suite de la demande de précision qui lui avait été adressée par le département, il n'avait pas respecté le principe d'intangibilité de l'offre ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation du marché litigieux à compter de l'examen des offres ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 59 du code des marchés publics : " Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. " ; que si ces dispositions s'opposent en principe à toute modification du montant de l'offre à l'initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue ;

Considérant que, pour annuler la procédure de passation litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir relevé qu'en réponse à la demande de précision qui lui avait été adressée par le département au sujet du prix n° 903 du bordereau de prix unitaires, la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales avait indiqué que ce prix était de 220 euros et non de 22 euros, a estimé que la société avait ainsi procédé à la rectification d'une erreur matérielle qui avait pu entraîner une modification du montant de l'offre sans méconnaître les dispositions précitées du I de l'article 59 du code des marchés publics, eu égard au caractère très marginal de la prestation concernée et à l'incidence négligeable de cette rectification en cause sur le montant global de l'offre de l'intéressée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si cette erreur purement matérielle était d'une nature telle que nul n'aurait pu ensuite s'en prévaloir de bonne foi, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales, mandataire du groupement Parenge / Sade / Segex, a remis un bordereau de prix unitaires comportant 905 prix pour un montant total de 2 365 897 euros hors taxes, avec un prix unitaire n° 903 correspondant au transport et à la mise en centre de stockage et de traitement de déchets dangereux de classe I, s'élevant à 22 euros, montant anormalement faible ; que la décomposition de ce prix faisait apparaître la mention du seul prix unitaire de transport de ces déchets et omettait la ligne tarifaire correspondant à leur stockage et traitement, dont l'absence ne pouvait résulter que d'une erreur purement matérielle ; que décelant cette erreur, le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE a adressé à la société une demande de précision sur le fondement des dispositions du I de l'article 59 du code des marchés publics ; que la société a alors indiqué en réponse que ce prix était de 220 euros et non de 22 euros, après l'ajout de la ligne tarifaire omise ; qu'elle a ainsi, comme elle l'indiquait dans sa réponse au département, procédé à la rectification d'une erreur purement matérielle, laquelle était d'une nature telle que nul, notamment pas le département, n'aurait pu ensuite s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où l'offre du groupement dont la société était le mandataire aurait été retenue ; que cette rectification pouvait ainsi intervenir sans méconnaître, en l'espèce, le principe interdisant de modifier l'offre ; que, par suite, c'est à tort que la commission d'appel d'offres du DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE a éliminé l'offre du groupement Parenge / Sade / Segex au motif que celui-ci avait méconnu ce principe en modifiant le prix n° 903 et par conséquent le montant de son offre ; que cette élimination a constitué un manquement du département à ses obligations de mise en concurrence qui, eu égard au stade de la procédure auquel il est intervenu, est susceptible d'avoir lésé la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales, en sa qualité de mandataire du groupement Parenge / Sade / Segex, laquelle n'a pu voir son offre examinée par le département ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que cette société est fondée à demander l'annulation de la procédure litigieuse à compter de l'examen des offres ; qu'il y a lieu d'enjoindre au département, s'il entend poursuivre cette procédure, de la reprendre au stade de l'examen des offres ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 4 500 euros à verser à la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens pour la procédure suivie devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; qu'enfin les conclusions de la société Fayolle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que celle-ci, qui n'a pas présenté de pourvoi dans les délais et n'a été mise en cause que pour produire des observations, n'est pas partie à la présente instance ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 20 avril 2011 est annulée.

Article 2 : La procédure engagée par le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE en vue de la passation d'un marché à bons de commandes portant sur les travaux à caractère urgent ou imprévu sur les ouvrages du réseau départemental d'assainissement est annulée à compter de l'examen des offres.

Article 3 : Il est enjoint au DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, s'il entend poursuivre la procédure engagée, de la reprendre au stade de l'examen des offres.

Article 4 : Le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE versera à la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE et la société Fayolle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, à la société Parenge Compagnie parisienne d'entreprises générales et à la société Fayolle.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. - MONTANT DE L'OFFRE - MODIFICATION - POSSIBILITÉ - ABSENCE, EN PRINCIPE - EXCEPTION - RECTIFICATION D'UNE ERREUR PUREMENT MATÉRIELLE [RJ1].

39-02 Si les dispositions du I de l'article 59 du code des marchés publics s'opposent en principe à toute modification du montant de l'offre à l'initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de la définition de l'erreur purement matérielle, CE, 3 juillet 1963, Société Pautry, n° 54708, p. 417.


Publications
Proposition de citation: CE, 21 sep. 2011, n° 349149
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 21/09/2011
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 349149
Numéro NOR : CETATEXT000024585667 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-09-21;349149 ?
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