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18/02/2009 | FRANCE | N°317707

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 18 février 2009, 317707


Vu le pourvoi et les mémoires complémentaires, enregistrés les 26 juin et 2 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION, dont le siège est chez M. Croquet 67 boulevard du Centenaire à Sens (89100) ; l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 juin 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a rejeté, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ses

demandes tendant à la suspension de l'exécution, d'une part, de l...

Vu le pourvoi et les mémoires complémentaires, enregistrés les 26 juin et 2 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION, dont le siège est chez M. Croquet 67 boulevard du Centenaire à Sens (89100) ; l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 juin 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a rejeté, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ses demandes tendant à la suspension de l'exécution, d'une part, de l'arrêté du 31 août 2007 du maire de Sens délivrant à la SA Les Anciens Etablissements Georges Schiever et fils un permis de construire un centre commercial, une station service et une station de lavage automobile sur un ensemble de parcelles situé à Champbertrand sur le territoire de la commune de Sens, d'autre part, de l'arrêté du 4 février 2008 du maire de Sens délivrant à la même société un permis de construire modificatif du permis accordé le 31 août 2007 ;

2°) de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée et de faire droit à sa demande de suspension de l'exécution de ces permis de construire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sens la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment son article R. 600-4-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Gaëlle Dumortier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION, de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Anciens établissements Georges Schiever et fils et de la SCP Richard, avocat de la commune de Sens,

- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que si, en règle générale, l'urgence s'apprécie compte tenu des justifications fournies par le demandeur quant au caractère suffisamment grave et immédiat de l'atteinte que porterait un acte administratif à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre, il en va différemment de la demande de suspension d'un permis de construire pour laquelle, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés ; qu'il ne peut en aller autrement que dans le cas où le pétitionnaire ou l'autorité qui a délivré le permis justifient de circonstances particulières, tenant, notamment, à l'intérêt s'attachant à ce que la construction soit édifiée sans délai ; qu'ainsi, alors même qu'aucune circonstance particulière n'était invoquée par la commune de Sens ou par la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, faire peser sur l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION la charge de la preuve de sa diligence, et déduire de la circonstance qu'elle n'avait présenté une demande de suspension des arrêtés du 31 août 2007 et du 4 février 2008 du maire de Sens, délivrant un permis de construire à la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils pour la réalisation d'un ensemble commercial, que plusieurs mois après le dépôt de conclusions à fins d'annulation contre ces arrêtés, et qu'elle ne justifiait pas de données nouvelles intervenues entre-temps, que l'urgence à demander la suspension de l'exécution des arrêtés du 31 août 2007 et du 4 février 2008 n'était pas établie, dans une matière, où, ainsi qu'il a été dit, l'urgence est présumée à défaut d'éléments contraires ;

Considérant que l'association requérante est, par suite, fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. » ; que, saisi d'une demande de suspension d'un permis de construire, le juge des référés doit rechercher si la requête en annulation dirigée contre ce permis de construire est recevable et notamment si cette requête, et éventuellement le recours administratif qui l'a précédée, ont été notifiées au titulaire du permis dans les conditions fixées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association requérante a notifié au maire de la commune de Sens et à la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils ses recours du 31 octobre 2007 et 3 avril 2008 visant à l'annulation des arrêtés du 31 août 2007 et du 4 février 2008 du maire de la commune de Sens délivrant un permis de construire à la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils ; que, par suite, ces recours sont recevables ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils doit être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de ses statuts, l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION a pour objet la sauvegarde du patrimoine naturel, architectural, paysager et urbanistique, des terroirs, du développement durable, et plus généralement de l'organisation urbaine, de l'environnement et du cadre de vie de la région de Sens et de l'Yonne ; que, compte tenu, d'une part, de cet objet social, d'autre part, de la localisation des constructions litigieuses, l'association justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre des permis attaqués, sans qu'elle ait à démontrer que chacun de ses membres a un intérêt personnel lui donnant qualité pour agir ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à la nature de l'action en référé, la fin de non-recevoir opposée au pourvoi de l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION, tirée de ce que cette association défendrait un intérêt purement commercial, étranger à son objet social, doit être écartée ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés accordant les permis de construire :

Considérant que la construction de l'ensemble commercial autorisée par les permis de construire délivrés par le maire de la commune de Sens présenterait un caractère difficilement réversible ; qu'ainsi, l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION justifie de l'urgence à demander la suspension de l'exécution de ces permis de construire ;

Considérant que l'annulation, par un jugement du 12 juin 2008 du tribunal administratif de Dijon, des décisions de la commission départementale d'équipement commercial de l'Yonne des 5 avril et 21 mai 2007 autorisant le projet commercial en cause est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des permis de construire litigieux ;

Considérant qu'en l'état du dossier, aucun autre moyen n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des permis de construire litigieux ;

Considérant que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative étant ainsi réunies, il y a lieu de suspendre l'exécution des arrêtés du 31 août 2007 et du 4 février 2008 du maire de la commune de Sens accordant un permis de construire à la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sens une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent la commune de Sens et la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 17 juin 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon est annulée.

Article 2 : L'exécution des arrêtés du 31 août 2007 et du 4 février 2008 du maire de la commune de Sens accordant un permis de construire à la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils est suspendue.

Article 3 : La commune de Sens versera une somme de 3 000 euros à l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Sens et la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE SENS ET DE SA REGION, à la commune de Sens et à la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 317707
Date de la décision : 18/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2009, n° 317707
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: Mme Gaëlle Dumortier
Rapporteur public ?: M. Struillou Yves
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:317707.20090218
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