La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2011 | FRANCE | N°327753

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 24 juin 2011, 327753


Vu l'ordonnance du 3 avril 2009, enregistrée le 7 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par M. et Mme Jules A et le CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 30 novembre 2006, présenté par M. et Mme Jules A et le CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE et tendant

:

1°) à l'annulation de l'ordonnance du 5 octobre 2006 par laq...

Vu l'ordonnance du 3 avril 2009, enregistrée le 7 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par M. et Mme Jules A et le CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 30 novembre 2006, présenté par M. et Mme Jules A et le CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE et tendant :

1°) à l'annulation de l'ordonnance du 5 octobre 2006 par laquelle le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune du Barcarès, subsidiairement du Syndicat intercommunal à vocation multiple de Leucate-Le Barcarès, et très subsidiairement de la société Sautlebar, à leur verser les sommes de 1 068,68 euros au titre du préjudice matériel et 1 500 euros au titre du préjudice moral, et de 1 642,19 euros à leur assureur, à la suite des dommages subis par leurs biens assurés par la MAIF du fait du débordement du réseau d'assainissement public situé impasse Pardal, sur le territoire de la commune de Barcarès ;

2°) réglant l'affaire au fond, à ce qu'il soit fait droit à leur demande formée devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge conjointe de la commune du Barcarès, du SIVOM de Leucate-Le Barcarès et de la société Sautlebar le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme A et du CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE, de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du Syndicat intercommunal à vocation multiple de Leucate-Le Barcarès et de la SCP Celice, Blancpain, Soltner, avocat de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme A et du CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du Syndicat intercommunal à vocation multiple de Leucate-Le Barcarès et à la SCP Celice, Blancpain, Soltner, avocat de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13 , ainsi que pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que les litiges visés au 7° de l'article R. 222-13 du même code sont les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; qu'aux termes de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'ordonnance attaquée : Les dispositions du 7° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 8 000 euros ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions et de celles de l'article R. 222-15 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les actions indemnitaires lorsque le montant des indemnités demandées dans le mémoire introductif d'instance, à l'exclusion des demandes d'intérêts et de celles qui sont présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 de ce code, est inférieur ou égal à 8 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la requête de M. et Mme A et du CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE, dirigée contre l'ordonnance du 5 octobre 2006 par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à être indemnisés des préjudices subis, à hauteur de 2 710,87 euros, en raison d'un dommage occasionné par un ouvrage public, a le caractère d'un pourvoi en cassation relevant de la compétence du Conseil d'Etat ;

Sur le pourvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 25 août 2002, la propriété de M. et Mme A a été envahie par les eaux, à la suite du débordement du réseau d'égouts ; qu'il résulte du rapport d'expertise établi contradictoirement le 3 décembre 2002, confirmé par un courrier de l'expert en date du 26 octobre 2004, que l'inondation résultait de la mise en charge du réseau général d'égouts qui a conduit à son débordement ; que l'absence d'un clapet anti-retour sur leur canalisation particulière a été sans incidence sur cet événement qui a également touché les maisons voisines de celle des requérants ; que, par suite, en relevant que le dommage trouvait son origine dans l'absence de clapet anti-retour au point de raccordement du branchement particulier de M. et Mme A avec le réseau général d'égout et en déduisant que les requérants ne pouvaient dès lors rechercher la responsabilité de la personne publique propriétaire de l'ouvrage et que leur litige, mettant en cause les relations de droit privé liant un service public industriel et commercial à ses usagers, était porté devant une juridiction manifestement imcompétente, le président du tribunal administratif a entaché son ordonnance d'inexactitude matérielle des faits et d'une erreur de droit ; que, dès lors, M. et Mme A sont fondés à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, le préjudice subi par M. et Mme A trouve son origine dans l'ouvrage public que constitue le réseau principal d'assainissement de la commune de Barcarès, dans une partie du réseau antérieure au branchement particulier de leur maison ; que, par suite, et alors même que leur habitation est raccordée à ce réseau, les intéressés ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public qui est à l'origine des dommages, et non pas la qualité d'usager de celui-ci comme le soutiennent à tort la commune du Barcarès, le SIVOM de l'unité touristique de Leucate-Le Barcarès et la société Sautlebar ;

Considérant, en second lieu, qu'en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante ; qu'il résulte de l'instruction que l'inondation dont ont été victimes M. et Mme A le 25 août 2002, qui a également envahi les propriétés voisines, n'était pas un événement isolé ; que ce débordement a eu pour cause l'absence d'un dispositif sur le réseau principal d'égout empêchant qu'un tel phénomène se produise lors de la mise en charge de la canalisation ; que ces désordres ont cessé à partir de 2004, après qu'ait été posé un clapet anti-retour au raccordement de la canalisation située avenue du stade et de la canalisation desservant l'impasse Pardal où se situe la maison des requérants ; qu'en revanche, eu égard aux circonstances de l'événement, il n'est pas établi que l'absence de clapet anti-retour sur le branchement particulier de l'habitation de M. et Mme A constitue une négligence des requérants de nature à exonérer le SIVOM de l'unité touristique de Leucate-Le Barcarès et la société Sautlebar, exploitante des installations, d'une partie de leur responsabilité ;

Considérant que, d'une part, la commune du Barcarès, qui n'est pas propriétaire des installations à l'origine du dommage ni n'exerce aucune compétence dans le domaine de l'assainissement, doit être mise hors de cause ; que, d'autre part, à l'époque des faits litigieux, le service public de l'assainissement de la commune relevait de la compétence exclusive du SIVOM de l'unité touristique de Leucate-Le Barcarès ; qu'ainsi qu'il a été dit, les dommages causés à la propriété de M. et Mme A sont imputables à une insuffisance du réseau collectif d'assainissement ; que toutefois, aux termes de la convention d'affermage signée en 1994 par ce dernier avec la société Sautlebar, celle-ci était chargée de l'exploitation, de l'entretien et de la réparation du réseau ; qu'à ce titre, il lui revenait, en cas de travaux à réaliser motivés par une insuffisance de l'installation, d'en informer le déléguant et de lui proposer les travaux à effectuer ; que la société Sautlebar n'établit pas avoir effectué ces diligences ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du partage de la responsabilité qui pèse sur le maître d'ouvrage et sur la société délégataire en le fixant à parts égales ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ressort de l'instruction que le montant de 1068,68 euros que réclament M. et Mme A et le montant de 1 642,19 euros que réclame le CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE, subrogé pour cette part dans les droits des requérants, ne sont pas contestés ;

Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus indiqué, la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée, venue aux droits du SIVOM de l'unité touristique de Leucate-Le Barcarès, et la société Sautlebar sont condamnées chacune à verser à M. et Mme A la somme de 534,34 euros avec intérêts au taux légal au jour de la présente décision et au CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE la somme de 821,10 euros ainsi que les intérêts de cette dernière somme à compter du 25 mars 2004, date de la réception par l'administration de sa demande préalable ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée et de la société Sautlebar, le versement de la somme de 3 000 euros que demandent M. et Mme A et le CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme A, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante à leur égard, le versement de la somme que réclament au même titre la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée et la société Sautlebar ; qu'enfin, il n' y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune du Barcarès au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 5 octobre 2006 du président du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La communauté d'agglomération Perpignan est condamnée à verser à M. et Mme A la somme de 534,34 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et au CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE la somme de 821,10 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2004.

Article 3 : La société Sautlebar est condamnée à verser à M. et Mme A la somme de 534,34 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et au CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE la somme de 821,10 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2004.

Article 4 : La communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée et la société Sautlebar verseront chacune la somme de 750 euros à M. et Mme A et la somme de 750 euros au CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune du Barcarès tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jules A, au CENTRE DE PAIEMENT DE LA MAIF DE TOULOUSE, à la commune du Barcarès, à la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée et à la société Sautlebar.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 327753
Date de la décision : 24/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2011, n° 327753
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Mattias Guyomar
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:327753.20110624
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award