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16/12/2005 | FRANCE | N°255981

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 16 décembre 2005, 255981


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 24 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Marie X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 11 février 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'Etablissement français du sang, annulé le jugement du 9 janvier 2001 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand les a condamnés à lui verser la somme de 12.

139.886 francs et 1.417.948,52 francs à la caisse d'assurance maladi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 24 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Marie X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 11 février 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'Etablissement français du sang, annulé le jugement du 9 janvier 2001 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand les a condamnés à lui verser la somme de 12.139.886 francs et 1.417.948,52 francs à la caisse d'assurance maladie des professions libérales provinces et rejeté sa demande, tendant par la voie de l'appel incident, à ce que le quantum de son préjudice soit réévalué ;

2°) statuant au fond, de rejeter les appels du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'Etablissement français du sang et de procéder à la réévaluation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang et du centre hospitalier de Riom la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gounin , Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Thouin-Palat, avocat de M. X, de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et du centre hospitalier de Riom et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 février 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'Etablissement français du sang, annulé le jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand les a condamnés à lui verser la somme de 12.139.886 F en réparation du préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite B ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X a subi dans la nuit du 1er au 2 janvier 1986 au centre hospitalier universitaire de Riom une intervention chirurgicale nécessitée par une hémorragie intestinale ; qu'il a fait l'objet au cours de cette intervention de transfusions sanguines ; que 26 unités de produits sanguins avaient été fournis pour M. X par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; que tous ces produits avaient été préalablement testés et présentaient une sérologie négative pour l'hépatite B ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du B de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, l'ensemble des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine est transféré à l'Etablissement français du sang ; que des conventions conclues en application du même texte entre, d'une part, l'Etablissement français du sang et, d'autre part, chaque personne morale concernée fixent les conditions dans lesquelles les droits et obligations, créances et dettes liés à ces activités sont, le cas échéant, transférés à l'Etablissement français du sang ; que, par une convention en date du 11 octobre 1999, les activités de transfusion sanguine du Centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ont été transférées à l'Etablissement français du sang ; qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 6 de cette convention : Hors les dettes liées aux contentieux transfusionnels, l'Etablissement français du sang ne s'oblige pas de plein droit à reprendre celles des dettes nées avant la date de l'état annexé aux présentes, et qui seraient révélées après la signature de la présente convention ; que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'en application des dispositions législatives et des stipulations conventionnelles sus-rappelées l'Etablissement français du sang, devait être regardé comme ayant repris l'ensemble des droits et obligations liés aux activités transfusionnelles du Centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et comme venant aux droits de ce Centre ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X, la cour n'a pas méconnu les principes gouvernant l'administration de la preuve en se fondant sur deux documents du directeur de l'Etablissement français du sang Auvergne-Loire qui avaient été communiqués à l'expert et aux parties à l'instance pour tenir pour établi le fait que le donneur du culot n° 30.500 transfusé à M. X était sain ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en procédant à une évaluation globale du risque de contamination tenant compte des précautions prises lors de la collecte des dons sanguins et de la multiplicité des modes de contamination possibles par le virus de l'hépatite B et en en déduisant, alors même que la circonstance que les deux donneurs des culots n° 31.008 et n° 21.241 qui seuls n'avaient pu faire l'objet du second test sérologique réalisé en 1998 n'aient pas présenté d'antigène HBs en juin 1986 pour le premier et en décembre 1985 pour le second ne suffisait pas à garantir l'innocuité de leurs dons, que l'incertitude sur la parfaite innocuité sérologique de ces deux culots laissait subsister sur l'origine transfusionnelle de la contamination de M. X une probabilité résiduelle, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation exempte de dénaturation ; qu'elle a pu, en se fondant sur l'extrême faiblesse de ce risque, conclure à l'absence de lien de causalité entre l'administration de ces produits sanguins et la contamination de M. X par le virus de l'hépatite B sans commettre d'erreur de droit ; que la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en ne faisant pas application des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins qui ne sont pas applicables en cas de contamination par le virus de l'hépatite B ;

Considérant, en quatrième lieu, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en ne recherchant pas, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 9 janvier 2001, si une éventuelle contamination par la voie nosocomiale aurait révélé l'existence d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du centre hospitalier de Riom, dès lors qu'une telle faute n'avait été invoquée ni devant les premiers juges, ni devant le juge d'appel ;

Considérant enfin que la circonstance que la cour ait, par une motivation surabondante, fait état de l'éventualité d'une transmission nosocomiale du virus, n'entache pas son arrêt d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 11 février 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang et du centre hospitalier de Riom, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme que l'Etablissement français du sang demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marie X, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, au centre hospitalier de Riom, à l'établissement français du sang, à la Caisse d'assurance maladie des professions libérales provinces, à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, à la fédération nationale mutuelle de France et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.


Synthèse
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 255981
Date de la décision : 16/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2005, n° 255981
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Yves Gounin
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT ; LE PRADO ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:255981.20051216
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