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16/11/2004 | FRANCE | N°01DA00715

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (bis), 16 novembre 2004, 01DA00715


Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2001, présentée pour la société AUTOFORUM DU PARTICULIER, dont le siège est ..., représentée par son gérant, par la SCP Wenner, Delgrange, Honnen, Lepage, Schödel, Orsini, avocats ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-503 du 11 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 5 décembre 2000, du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, lui refusant partiellement l'autorisation d'organiser, chaque dimanche du

premier trimestre 2001, une vente au déballage d'automobiles d'occasion, su...

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2001, présentée pour la société AUTOFORUM DU PARTICULIER, dont le siège est ..., représentée par son gérant, par la SCP Wenner, Delgrange, Honnen, Lepage, Schödel, Orsini, avocats ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-503 du 11 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 5 décembre 2000, du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, lui refusant partiellement l'autorisation d'organiser, chaque dimanche du premier trimestre 2001, une vente au déballage d'automobiles d'occasion, sur le parking du centre routier Arcotel à Lesquin et à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir et d'enjoindre au préfet d'autoriser l'organisation des manifestations de la société AUTOFORUM DU PARTICULIER chaque dimanche ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 215 926,36 francs en réparation du préjudice subi du fait des manifestations qu'elle n'a pas pu organiser entre le 1er janvier 2001 et le

18 février 2001, et depuis le 1er juillet 2001, ainsi que la somme de 20 000 francs au titre des frais non compris dans les dépens ;

La société soutient que la décision du 5 décembre 2000 est insuffisamment motivée, en droit comme en fait, au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'elle ne mentionne pas les textes applicables et se borne à renvoyer à l'avis des chambres consulaires, sans s'approprier ses motifs, qui sont d'ailleurs dépourvus de toute précision de fait ; que cette décision porte atteinte à la liberté de la concurrence ; que le préfet, en fondant ladite décision sur la concurrence faite aux professionnels de l'automobile, a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors, d'une part, que, se bornant à mettre en relation vendeurs et acquéreurs d'automobiles d'occasion, sans vendre elle-même de véhicules, la société AUTOFORUM ne partage pas le même marché que les concessionnaires d'automobiles et les garagistes, qui bénéficient d'ailleurs des manifestations qu'elle organise, et d'autre part, que son activité, donnant lieu à une faible part des ventes de véhicules d'occasion et exercée avec des moyens publicitaires modestes, ne porte pas préjudice aux professionnels de l'automobile ; que cette décision a au contraire pour objet et pour effet de promouvoir les intérêts des grands constructeurs automobiles et non de protéger le commerce local ; que le second motif retenu, tiré du préjudice porté aux intérêts des consommateurs, est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ne peut être reproché à AUTOFORUM, qui ne vend pas de voitures, de n'être pas soumise aux mêmes obligations que ces professionnels, et qu'elle offre le maximum de garanties possibles dans le cadre des obligations qui sont les siennes, l'immense majorité des ventes réalisées étant parfaitement régulière ; que la décision illégale dont il s'agit a poursuivi ses effets ; que son chiffre d'affaires a été réduit de moitié ; que les frais engagés au titre des manifestations non autorisées du premier trimestre 2001 sont restés à la charge de la société ; qu'il en va de même pour le troisième trimestre ; que les ventes sauvages se développent du fait de la désaffection des clients pour les forums payants, ce qui entraîne une baisse du nombre de clients ; que la société doit être indemnisée, au titre de la perte de recette, des salaires versés aux salariés, du coût du déplacement à Lille d'un responsable, du coût des tracts et publicités à imprimer en urgence, et du loyer versé pour des manifestations n'ayant pu se dérouler comme prévu ; que la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance doit être écartée, le contentieux ayant été lié avant que le tribunal ne statue, par une décision préfectorale du 4 avril 2001 rejetant sa demande préalable d'indemnisation, en date du 23 mars 2001 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2001, présenté par le ministre de l'économie , des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le régime juridique applicable aux ventes au déballage ne s'applique pas à l'activité professionnelle de l'organisateur de la vente, mais à l'occupation d'un emplacement non destiné à la vente au public ; que la vente au déballage de véhicules d'occasion n'est soumise à autorisation que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1996 ; que la décision en litige était suffisamment motivée, dès lors que le formulaire de demande d'autorisation mentionnait les textes applicables et que la société destinataire de la décision attaquée était mis à même, à sa simple lecture d'en connaître les motifs, les considérations de droit et de fait étant suffisamment explicites ; que le préfet, qui a usé de sa compétence conformément au décret du 16 décembre 1996, n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pu méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; que l'avis des chambres consulaires est fondé sur une connaissance incontestable du tissu économique de la région ; que les achats de véhicules d'occasion sur des parkings offrent beaucoup moins de garanties que les achats effectués chez des professionnels ; que la décision attaquée n'est pas fautive ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 octobre 2001, présenté pour la société AUTOFORUM DU PARTICULIER, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'elle a intérêt à agir contre la décision attaquée ; que le préfet n'a procédé à aucun examen précis de la situation avant de prendre cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ;

Vu le décret n° 96-1097 du 16 décembre 1996 ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2004 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- les observations de Me X..., avocat, pour la société AUTOFORUM DU PARTICULIER ;

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité du refus partiel opposé par le préfet :

Considérant que les conclusions présentées par la société AUTOFORUM DU PARTICULIER et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, en date du 5 décembre 2000, en tant qu'elle n'a autorisé qu'à raison de deux fois par mois les ventes au déballage que la société requérante envisageait d'organiser chaque dimanche du premier trimestre 2001 sur le parking du centre routier Arcotel à Lesquin, doivent être regardées comme également dirigées contre la décision du préfet en date du

22 décembre 2000, confirmant, sur recours gracieux, ladite décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi susvisée du 6 juillet 1996, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 310-2 du code du commerce : I. - Sont considérées comme ventes au déballage les ventes de marchandises effectuées dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public de ces marchandises, ainsi qu'à partir de véhicules spécialement aménagés à cet effet. Les ventes au déballage ne peuvent excéder deux mois par année civile dans un même local ou sur un même emplacement et doivent faire l'objet d'une autorisation préalable. Cette autorisation est délivrée par le préfet si l'ensemble des surfaces de vente utilisées par le demandeur en un même lieu, y compris l'extension de surface consacrée à l'opération de vente au déballage, est supérieur à 300 mètres carrés et par le maire de la commune dont dépend le lieu de la vente dans le cas contraire ; que l'autorité administrative compétente en fonction de la surface de vente utilisée tient de ces dispositions le pouvoir d'apprécier l'opportunité des ventes projetées, et d'accorder ou de refuser les autorisations demandées ; que ce pouvoir lui est conféré, en même temps que dans un but de police, en vue de protéger les intérêts du commerce local et des consommateurs, sans pour autant méconnaître les règles de la concurrence ;

Considérant, en premier lieu, qu'en se bornant à soutenir que son activité consistait seulement à organiser, sur le site de Lesquin, des ventes de voitures d'occasion, dont la grande majorité était effectuée par des particuliers, que cette activité se déroulait dans des conditions régulières au regard de la loi pénale, et que le nombre de véhicules ainsi vendus en 1999 représentait seulement 1,6 % des immatriculations des voitures d'occasion réalisées dans la région Nord/Pas-de-Calais, la société AUTOFORUM DU PARTICULIER ne conteste pas sérieusement que l'organisation hebdomadaire de cette manifestation portait atteinte aux intérêts de l'activité locale des professionnels de l'automobile, concessionnaires ou garagistes, et que les véhicules offerts à la vente au déballage n'offraient pas aux consommateurs les mêmes garanties de fiabilité que les véhicules d'occasion commercialisés par ces professionnels ; que dans ces conditions, en se fondant sur la nécessité de protéger le commerce local et les consommateurs pour limiter à deux par mois les ventes au déballage dont s'agit, le préfet, qui s'est approprié l'avis défavorable émis par les représentants de la chambre de commerce et d'industrie de Lille métropole et la chambre des métiers du Nord, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées auraient eu pour objet de favoriser les grands concessionnaires de l'automobile, ou pour effet de les placer dans une situation leur permettant d'abuser d'une position dominante en matière de vente de véhicules d'occasion, méconnaissant ainsi les règles de la concurrence ;

Considérant cependant que la loi susvisée du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs, exige en son article 1er que soient motivées notamment les décisions individuelles défavorables qui restreignent l'exercice des libertés publiques au nombre desquelles figure la liberté du commerce et de l'industrie, et précise, en son article 3, que la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; que la motivation des décisions attaquées, lesquelles entraient dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi, ne mentionnait pas les textes applicables, et ne faisait référence à cet égard à aucun document communiqué à la société ; que dans ces conditions, alors même que cette dernière avait présenté sa demande d'autorisation sur un formulaire mentionnant qu'elle avait pris connaissance des dispositions de la loi du 5 juillet 1996 et du décret du 16 décembre 1996 relatives à la vente au déballage, lesdites décisions étaient insuffisamment motivées au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, et par suite, entachées d'irrégularité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AUTOFORUM DU PARTICULIER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir des décisions en litige ;

Sur les droits à indemnité :

Considérant que si les décisions du préfet en date du 5 et du 22 décembre 2000 étaient insuffisamment motivées, ce vice de forme n'a causé par lui-même à la société AUTOFORUM DU PARTICULIER aucun préjudice dont elle serait fondée à demander l'indemnisation, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que ces décisions seraient entachées d'illégalité interne ; que par suite, en l'absence de toute faute de l'administration de nature à ouvrir droit à réparation, la société AUTOFORUM DU PARTICULIER n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'indemnité ;

Sur l'injonction demandée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;

Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement que la Cour enjoigne au préfet, sur le fondement des dispositions précitées, de délivrer pour l'avenir à la société requérante l'autorisation d'organiser chaque semaine une vente au déballage sur le site dont s'agit ; que, dès lors, les conclusions présentées à cette fin par ladite société ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, qui doit être regardé en l'espèce comme la partie perdante, à verser à la société AUTOFORUM DU PARTICULIER une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille, en date du 11mai 2001, est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir présentées par la société AUTOFORUM DU PARTICULIER.

Article 2 : Les décisions du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, en date des 5 décembre et 22 décembre 2000, sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à la société AUTOFORUM DU PARTICULIER la somme de

1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société AUTOFORUM DU PARTICULIER et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2004, à laquelle siégeaient :

- M. Couzinet, président de chambre,

- M. Berthoud, président-assesseur,

- Mme Brenne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 novembre 2004.

Le rapporteur,

Signé : J. BERTHOUD

Le président de chambre,

Signé : Ph. COUZINET

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

M.T. LEVEQUE

N°01DA00715 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 01DA00715
Date de la décision : 16/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Joël Berthoud
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SCP WENNER et CIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-11-16;01da00715 ?
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