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11/07/2001 | FRANCE | N°214061

France | France, Conseil d'État, 4 / 6 ssr, 11 juillet 2001, 214061


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 novembre 1999 et 2 mars 2000, présentés pour Mme Catherine X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 7218 en date du 6 juillet 1999, par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction du blâme ;
2°) d'annuler en tant que de besoin les ordonnances des 21 avril et 8 juin 1999 du président de la section disciplinaire décidant que l'affaire serait appelé

e en séance non publique ;
3°) de lui allouer la somme de 20 000 F a...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 novembre 1999 et 2 mars 2000, présentés pour Mme Catherine X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 7218 en date du 6 juillet 1999, par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction du blâme ;
2°) d'annuler en tant que de besoin les ordonnances des 21 avril et 8 juin 1999 du président de la section disciplinaire décidant que l'affaire serait appelée en séance non publique ;
3°) de lui allouer la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 modifié portant code de déontologie médicale ;
Vu le code de justice administrative et notamment son article L. 761-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X... et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 du décret du 26 octobre 1948 modifié : "Lorsque la section se prononce en matière disciplinaire ou en matière électorale, l'audience est publique. Toutefois, le président peut, d'office (.), interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience ( ...) lorsque le respect de la vie privée ( ...) le justifie" ; qu'en écartant, après s'être référée de façon précise aux circonstances de l'espèce, les critiques formulées à l'encontre de l'ordonnance décidant, en application de ces dispositions, que l'audience ne serait pas publique, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins s'est livrée, sans commettre d'erreur de droit, à une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 du décret du 26 octobre 1948 modifié : "L'auteur de l'appel et, s'il y a lieu, ceux qui ont été partie devant le conseil régional sont convoqués à l'audience (.). Cette convocation indique le délai pendant lequel il pourra être pris connaissance du dossier au siège du Conseil national" ; que par lettres des 16 février et 8 juin 1999 la requérante a été invitée à consulter l'intégralité des pièces du dossier au siège du Conseil national ; que le texte de l'exposé de l'affaire à l'audience présenté par le membre de la formation disciplinaire désigné comme rapporteur n'étant pas soumis au principe de la contradiction applicable à l'instruction entre les parties, la section disciplinaire, en estimant que le rapport établi par le conseiller rapporteur devant le conseil régional n'était pas au nombre des pièces qui devaient être communiquées, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni aucune autre règle de procédure ;
Considérant que les juridictions disciplinaires de l'Ordre des médecins peuvent légalement pour infliger une sanction à un médecin se fonder sur des griefs qui n'ont pas été dénoncés dans la plainte ou retenir pour caractériser un comportement fautif sur le plan déontologique une qualification juridique différente de celle initialement énoncée dans la plainte, à condition, toutefois, de se conformer au principe des droits de la défense en mettant le praticien poursuivi à même de s'expliquer sur l'ensemble des faits qu'elles envisagent de retenir à son encontre ; qu'à la suite de la décision du 5 décembre 1998 du conseil régional de l'Ordre des médecins d'Ile-de-France qui lui avait infligé la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant trois ans au motif qu'elle avait méconnu les dispositions de l'article 28 du code de déontologie médicale, Mme X... a contesté cette décision devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ; que dès lors qu'elle a été mise en mesure de présenter sa défense sur les faits relevés à son encontre, la section disciplinaire a pu sans irrégularité de procédure se fonder sur le motif que ces faits étaient constitutifs d'un manquement aux articles 44 et 76 du code de déontologie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 du code de déontologie : "Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S'il s'agit d'un mineur de quinze ans ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique il doit, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives" ; qu'aux termes de l'article 76 de ce même décret : "L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires ( ...)" ;
Considérant que, pour infliger la sanction du blâme à Mme X..., la section disciplinaire a retenu qu'elle avait "remis le 11 juin 1997 au père de l'enfant un certificat médical dans lequel il est affirmé que les troubles constatés sont imputables à des agressions sexuelles et physiques que sa mère lui a fait subir" et "qu'en attestant non comme un fait vraisemblable, compte tenu des déclarations du père et de l'enfant et de son analyse des troubles constatés, mais comme un fait avéré que l'enfant avait subi des agressions sexuelles et physiques de la part de sa mère, le Dr X... a fait état d'un fait qu'elle n'avait pas médicalement constaté" ; qu'en en déduisant que Mme X..., "dans la formulation de la mesure de protection qu'elle a choisi de prendre, a manqué à son devoir de prudence et de circonspection", la section disciplinaire, qui n'a pas dénaturé les faits de l'espèce, n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié ces faits ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le Conseil national de l'Ordre des médecins qui n'est pas partie au litige opposant la requérante au conseil départemental de la ville de Paris, soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Catherine X..., au conseil départemental de l'Ordre des médecins de la ville de Paris, au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

PROCEDURE - JUGEMENTS - TENUE DES AUDIENCES - Audience publique - Section disciplinaire de l'Ordre des médecins - Possibilité pour le président de prononcer le huis-clos - Régularité de la procédure - Appréciation souveraine des juges du fond.

54-06-02, 54-08-02-02-01-03, 55-04-01-02 Aux termes de l'article 26 du décret du 26 octobre 1948 modifié : "Lorsque la section se prononce en matière disciplinaire ou en matière électorale, l'audience est publique. Toutefois, le président peut, d'office (...), interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience (...) lorsque le respect de la vie privée (...) le justifie". Le contrôle de l'usage que fait le président de la section disciplinaire de l'ordre des médecins du pouvoir de décider que l'audience ne sera pas publique relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - Section disciplinaire de l'ordre des médecins - Usage par le président de son pouvoir de décider de statuer en audience non publique.

55-04-02-01-01 Section disciplinaire de l'ordre des médecins ayant infligé à un médecin la sanction du blâme au motif que celui-ci avait "remis le 11 juin 1997 au père d'un enfant un certificat médical dans lequel il est affirmé que les troubles constatés sont imputables à des agressions sexuelles et physiques que sa mère lui a fait subir" et "qu'en attestant non comme un fait vraisemblable, compte tenu des déclarations du père et de l'enfant et de son analyse des troubles constatés, mais comme un fait avéré que l'enfant avait subi des agressions sexuelles et physiques de la part de sa mère, ce médecin a fait état d'un fait qu'il n'avait pas médicalement constaté". En en déduisant que ce médecin, "dans la formulation de la mesure de protection qu'il a choisi de prendre, a manqué à son devoir de prudence et de circonspection", la section disciplinaire n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCEDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - JUGEMENTS - Audience publique - Ordre des médecins - Possibilité pour le président de prononcer le huis-clos - Régularité de la procédure - Appréciation souveraine des juges du fond.

- RJ1 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION - MEDECINS - Manquement au devoir de prudence et de circonspection de nature à justifier un blâme - Existence - Fait pour un médecin de certifier que les troubles subis par un enfant sont imputables à une agression sexuelle de la part de l'un de ses parents - alors que ce médecin n'a pas constaté médicalement un tel fait (1).


Références :

Code de déontologie médicale 44, 76
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6-1
Décret 48-1671 du 26 octobre 1948 art. 26, art. 25

1.

Cf. décision du même jour, Salinger, à mentionner aux Tables


Publications
Proposition de citation: CE, 11 jui. 2001, n° 214061
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mme Picard
Rapporteur public ?: M. Schwartz
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Vier, Barthélemy, Avocat

Origine de la décision
Formation : 4 / 6 ssr
Date de la décision : 11/07/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 214061
Numéro NOR : CETATEXT000008046155 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2001-07-11;214061 ?
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