Vu la décision en date du 26 juillet 1996 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux :
- a sursis à statuer sur la requête de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES CADRES RETRAITES et de MM. Y... de FONT REAULX, Raymond Z..., Claude A... et Jacques B..., enregistrée sous le n° 165041, et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 8 novembre 1994 portant extension et élargissement de l'accord national interprofessionnel du 9 février 1994 relatif au régime de retraite des cadres et de l'arrêté du 8 novembre 1994 portant extension et élargissement de l'avenant A-159 du 1er mars 1994 à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait tranché la question de savoir si les deux accords pouvaient valablement réduire le montant de la majoration pour charges de famille et réduire les droits à pension de réversion pour les bénéficiaires du régime dont les retraites ont déjà été liquidées et s'ils pouvaient légalement créer une contribution de solidarité à la charge des retraités, destinée à permettre l'attribution de points de retraite aux cadres au chômage ;
- a sursis à statuer sur la requête de la FEDERATION DES FAMILLES DE FRANCE, enregistrée sous le n° 165059, et sur la requête de M. André X..., enregistrée sous le n° 165060, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 8 novembre 1994 portant extension et élargissement de l'accord national interprofessionnel du 9 février 1994 relatif au régime de retraite des cadres, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait tranché la question de savoir si cet accord pouvait valablement réduire le montant de la majoration pour charges de famille pour les bénéficiaires du régime dont les retraites ont été déjà été liquidées ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Donnat, Auditeur,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES CADRES RETRAITES, de M. Y... de FONT REAULX, de M. Raymond Z... et de M. Jacques B..., de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du ministre du budget et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la FEDERATION DES FAMILLES DE FRANCE et de M. André X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la légalité d'un arrêté ministériel prononçant l'extension d'une convention collective de travail est nécessairement subordonnée à la validité de la convention en cause ; que, lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur ladite validité, la juridiction administrative, compétemment saisie d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté ministériel d'extension, est, eu égard au caractère de contrat de droit privé que présente la convention collective de travail, tenue, contrairement à ce que soutient la FEDERATION DES FAMILLES DE FRANCE, de renvoyer à l'autorité judiciaire l'examen de cette question préjudicielle ;
Considérant que, par une décision du 26 juillet 1996, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a sursis à statuer, d'une part, sur la requête de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES CADRES RETRAITES, de MM. de FONT REAULX, Z..., A... et B..., d'autre part, sur les requêtes de la FEDERATION DES FAMILLES DE FRANCE et de M. X..., dirigées contre l'arrêté du 8 novembre 1994 portant extension et élargissement de l'accord national interprofessionnel du 9 février 1994 relatif au régime de retraite des cadres et contre l'arrêté du 8 novembre 1994 portant extension et élargissement de l'avenant A-159 du 1er mars 1994 à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir, en premier lieu, si les deux accords pouvaient valablement réduire le montant de la majoration pour charges de famille, en deuxième lieu, s'ils pouvaient réduire les droits à pension de réversion pour les bénéficiaires du régime dont les retraites ont déjà été liquidées et, en troisième lieu, s'ils pouvaient légalement créer une contribution de solidarité à la charge des retraités, destinée à permettre l'attribution de points de retraite aux cadres au chômage ;
Sur la réduction du montant de la majoration pour charges de famille :
Considérant que, par un arrêt du 23 novembre 1999, rectifié le 16 décembre 1999, la Cour de cassation a jugé que les institutions de retraite complémentaire ne pouvaient remettre en cause, quel que soit leur mode d'acquisition, le nombre des points acquis par les participants dont la retraite a été liquidée avant l'entrée en vigueur de l'accord de révision ; qu'en conséquence, après avoir cassé sur ce point les arrêts de la cour d'appel de Paris en date du 1er juillet 1997, elle a déclaré illicite la réduction du montant de la majoration pour charges de famille prévue par l'article 6 bis de l'annexe I de la convention collective nationale du 14 mars 1947, tel que complété par l'avenant A-159, en tant que cette réduction s'applique aux participants dont la retraite a été liquidée avant l'entrée en vigueur de l'accord de révision, qui équivaut, pour les participants au régime de retraite ayant élevé trois enfants et plus, à une diminution du nombre de points qu'ils ont acquis ;
Considérant que l'arrêté du 8 novembre 1994 du ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville porte extension et élargissement de l'avenant A-159 du 1er mars 1994 à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ; que les stipulations de l'article 6 bis de l'annexe I de la convention collective nationale du 14 mars 1947, tel que complété par l'avenant A-159, sont identiques à celles de l'article 2 de l'accord national interprofessionnel du 9 février 1994 relatif au régime de retraite des cadres ; qu'un second arrêté du 8 novembre 1994 du ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville porte extension et élargissement de cet accord national interprofessionnel ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de cassation analysé ci-dessus que les deux arrêtés du 8 novembre 1994 du ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, sont entachés d'illégalité en tant qu'ils concernent, respectivement, l'article 2 de l'accord du 9 février 1994 et l'article 6 bis de l'annexe I de la convention tel que complété par l'avenant A-159, dans la mesure et dans la mesure seulement où ils ont pour objet de remettre en cause le nombre de points acquis par les participants dont la retraite a été liquidée avant l'entrée en vigueur de l'accord de révision ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES CADRES RETRAITES et autres sont fondés à demander l'annulation de ces arrêtés en tant qu'ils concernent respectivement l'article 2 de l'accord du 9 février 1994 et l'article 6 bis de l'annexe I de la convention tel que complété par l'avenant A-159, en tant que ces articles s'appliquent aux participants dont la retraite a été liquidée avant l'entrée en vigueur de l'accord de révision ;
Sur la réduction des droits à pension de réversion :
Considérant que, par un arrêt n° 95/12054 du 1er juillet 1997, qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation rejeté sur ce point par l'arrêt précité de la Cour de cassation, la cour d'appel de Paris a déclaré que les parties à l'accord du 9 février 1994 et à l'avenant A-159 à la convention collective du 14 mars 1947, conclu le 1er mars 1994, pouvaient légalement prévoir la restriction des droits à pension de réversion pour les bénéficiaires du régime dont les pensions ont déjà été liquidées, dès lors que les ayants droits qui avaient atteint l'âge antérieurement fixé pour bénéficier de la pension de réversion en cas de prédécès du cadre, avant la date d'application de l'avenant A-159, ont conservé le bénéfice de cette pension, et que les dispositions résultant de l'avenant litigieux ne produisent effet qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de celui-ci ;
Considérant que si les requérants soutiennent, en outre, que les parties à l'accord du 8 février 1994 et à l'avenant A-159 à la convention collective du 14 mars 1947 conclu le 1er mars 1994 ne pouvaient prévoir la restriction des droits à pension de réversion sans méconnaître un principe d'acquisition progressive des droits à la retraite consacré, selon eux, par la cour de justice des communautés européennes, cette contestation, qui touche à la licéité des stipulations des conventions ayant fait l'objet de la question préjudicielle, ne peut plus être utilement portée devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux dès lors que l'autorité judiciaire s'est prononcée sur cette question préjudicielle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés attaqués étendant et élargissant les accords précités en tant qu'ils réduisent les droits à pension de réversion pour les bénéficiaires du régime ;
Sur la création d'une contribution de solidarité :
Considérant que, par un arrêt n° 96/9356 du 1er juillet 1997, qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation rejeté sur ce point par l'arrêt précité de la Cour de cassation, la cour d'appel de Paris a jugé que la prise en compte de situations particulières telles que le chômage ne constituait ni une distinction prohibée par la loi ni une distinction sans fondement objectif, dès lors qu'elle range dans une même catégorie tous les participants présentant la même situation de chômage ; qu'elle a en conséquence déclaré que les mêmes parties pouvaient légalement créer une contribution de solidarité à la charge des retraités, dépourvue de contrepartie et destinée à permettre l'attribution de points de retraite aux cadres au chômage ; qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés attaqués étendant et élargissant les accords précités en tant qu'ils créent une contribution de solidarité ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES CADRES RETRAITES et à MM. de FONT REAULX, Z..., A... et B... la somme globale de 20 000 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les arrêtés du 8 novembre 1994 du ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville portant extension et élargissement de l'accord national interprofessionnel du 9 février 1994 relatif au régime de retraite des cadres et de l'avenant A-159 du 1er mars 1994 à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 sont annulés en tant qu'ils concernent, respectivement, l'article 2 de l'accord du 9 février 1994 et l'article 6 bis de l'annexe I de la convention tel que complété par l'avenant A-159, en tant que ces articles s'appliquent aux participants dont la retraite a été liquidée avant l'entrée en vigueur de l'accord de révision.
Article 2 : L'Etat versera à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES CADRES RETRAITES et à MM. de FONT REAULX, Z..., A... et B... une somme globale de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES CADRES RETRAITES, à MM. Y... de FONT REAULX, Raymond Z..., Claude A... et Jacques B..., à la FEDERATION DES FAMILLES DE FRANCE, à M. André X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.