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10/05/2012 | FRANCE | N°11BX01988

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 10 mai 2012, 11BX01988


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2011, présentée pour Mme Marie-Josèphe D épouse demeurant ..., Mme Marie-Thérèse D épouse demeurant ..., Mme Marie-Noëlle D épouse demeurant ..., M. François D demeurant ... et M. Xavier D demeurant ..., par Me Tourreil, avocat ;

Mme D et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901671 du 14 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 11 076,80 euros ;

2°) de faire droit à leur demande présentée devant le

tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 ...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2011, présentée pour Mme Marie-Josèphe D épouse demeurant ..., Mme Marie-Thérèse D épouse demeurant ..., Mme Marie-Noëlle D épouse demeurant ..., M. François D demeurant ... et M. Xavier D demeurant ..., par Me Tourreil, avocat ;

Mme D et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901671 du 14 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 11 076,80 euros ;

2°) de faire droit à leur demande présentée devant le tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2012 :

- le rapport de M. Didier Péano, président ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

Considérant que par courrier du 11 octobre 2005, le service Maritime et Bases aériennes de la direction départementale de l'équipement des Pyrénées-Atlantiques a informé Mme Marie E, propriétaire des parcelles cadastrées AT 177 et AT 178, sur le territoire de la commune de Biarritz, de la nécessité de respecter les contraintes aéronautiques prévues par l'arrêté du 17 mars 1993 portant plan de dégagement de l'aérodrome de Biarritz-Anglet-Bayonne et de procéder en conséquence à l'étêtage de vingt-neuf arbres recensés sur sa propriété située à quelques centaines de mètres du seuil de piste, dans l'axe de l'aérodrome ; qu'à la suite des travaux d'abattage et d'élagage, s'élevant à la somme de 6 076,80 euros et exécutés en présence d'un agent de la direction départementale de l'équipement, les ayants droits de Mme Marie E, décédée le 30 juin 2006, ont saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 11 076,80 euros à titre d'indemnité correspondant d'une part, au coût des travaux réalisés et d'autre part, à la réparation des dommages résultant de la modification de l'état antérieur des lieux ; qu'ils relèvent appel du jugement n° 0901671 du 14 juin 2011 rejetant leur demande ;

Considérant que l'article L. 281-1 du code de l'aviation civile dispose que " Les infractions aux dispositions réglementaires concernant les servitudes aéronautiques de dégagement et de balisage instituées dans l'intérêt de la circulation aérienne sont punies d'une amende de 3 750 euros (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 241-1 du même code, en vigueur à la date des faits : " Afin d'assurer la sécurité de la circulation des aéronefs, il est institué des servitudes spéciales dites " servitudes aéronautiques ". Ces servitudes comprennent : 1° Des servitudes aéronautiques de dégagement comportant l'interdiction de créer ou l'obligation de supprimer les obstacles susceptibles de constituer un danger pour la circulation aérienne ou nuisibles au fonctionnement des dispositifs de sécurité établis dans l'intérêt de la navigation aérienne. (...) " ; que l'article R. 242-1 de ce code prévoit qu'il est établi pour chaque aérodrome un plan de servitudes aéronautiques de dégagement et que les servitudes définies par ce plan grèvent les fonds intéressés au jour de la publication de ce dernier ; qu'en vertu du même article, ce plan "est approuvé et rendu exécutoire par décret en Conseil d'Etat, à moins que les conclusions du rapport d'enquête, les avis des services et des collectivités publiques intéressés ne soient favorables, auquel cas il est statué par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile ..." ;

Considérant que les articles R. 241-1 et R. 242-1 du code de l'aviation civile, comme les articles D. 242-11 et D. 242-12 du même code prévoyant les conditions d'indemnisation des préjudices résultant des servitudes mentionnées à l'article L. 281-1 de ce code, n'ont par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de restreindre les conditions d'exercice du droit de propriété ; que ces articles n'empiètent pas sur la compétence réservée au législateur par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété et des droits réels et pour fixer les garanties qui leur sont associées ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté portant plan de servitudes aéronautiques de dégagement de l'aérodrome de Biarritz-Anglet-Bayonne serait privé de base légale au motif que les articles réglementaires du code de l'aviation civile, sur le fondement desquels il a été édicté, auraient été pris par une autorité incompétente et seraient ainsi entachés d'une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des requérants, ne peut qu'être écarté ;

Considérant que si les dispositions précitées du code de l'aviation civile ne font pas obstacle à ce que le propriétaire, dont le bien est frappé d'une servitude, prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi, il résulte de l'instruction que du fait notamment de leur situation à quelques centaines de mètres du seuil de piste, dans l'axe de l'aérodrome de Biarritz-Anglet-Bayonne, les arbres dont le service Maritime et Bases aériennes de la direction départementale de l'équipement des Pyrénées-Atlantiques a, par courrier du 11 octobre 2005, demandé l'étêtage, constituaient des obstacles susceptibles de créer un danger pour la circulation aérienne ou nuisibles au fonctionnement des dispositifs de sécurité établis dans l'intérêt de la navigation aérienne et qu'il était nécessaire de les tailler afin d'assurer la sécurité de la circulation des aéronefs ; que, par suite, la mise en application en 2005 de l'arrêté portant plan de servitudes aéronautiques de dégagement de l'aérodrome de Biarritz-Anglet-Bayonne n'a pas fait supporter aux requérants une charge exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi, alors même que les arbres abattus se trouvaient sur une parcelle classée par le plan local d'urbanisme de Biarritz en zone naturelle et forestière ; que dans ces conditions, les requérants n'établissent pas supporter une charge spéciale leur ouvrant droit à réparation même en l'absence de faute de l'administration ;

Considérant qu'aux termes de l'article D. 242-11 du code de l'aviation civile en vigueur à la date des faits litigieux : " Lorsque les servitudes instituées par le plan de dégagement impliquent soit la suppression ou la modification de bâtiments constituant des immeubles par nature, soit une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain, la mise en application des mesures correspondantes est subordonnée dans chaque cas à une décision du ministre chargé de l'aviation civile ou du ministre des armées. Cette décision est notifiée aux intéressés par l'ingénieur en chef du service des bases aériennes compétent, conformément à la procédure appliquée en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. " ; que l'article D. 242-12 du même code ajoute que " Si les propriétaires consentent à exécuter les travaux qui leur sont imposés aux conditions qui leur sont proposées, il est passé entre eux et le représentant du ministre chargé de l'aviation civile ou du ministre des armées une convention rédigée en la forme administrative. Cette convention précise : 1° Les modalités et délais d'exécution des travaux, l'indemnité représentative de leur coût et les conditions de versement ; 2° L'indemnité, s'il y a lieu, pour frais de déménagement, détériorations d'objets mobiliers et autres dommages causés par l'exécution des travaux ; 3° L'indemnité compensatrice, s'il y a lieu, des autres éléments du dommage résultant des modifications apportées à la situation des lieux. La convention peut prévoir l'exécution des travaux par les soins de l'administration. " ; qu'il résulte des dispositions précitées que les seules modifications à l'état antérieur des lieux susceptibles d'ouvrir droit à indemnité en application de ces textes sont celles qui résultent directement de l'institution de la servitude telle que prévue par le plan de dégagement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la mise en oeuvre du plan de dégagement de l'aérodrome de Biarritz-Anglet-Bayonne a nécessité, sur la propriété de Mme Marie E, l'abattage de dix arbres dont il n'est ni établi ni même allégué qu'ils auraient été plantés postérieurement à l'institution de ce plan daté du 17 mars 1993 ; qu'ainsi l'institution des servitudes aéronautiques de ce plan doit être regardée comme ayant eu pour conséquence une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain, ouvrant droit à réparation au profit des requérants alors même qu'aucune convention n'avait été passée entre eux et le représentant du ministre chargé de l'aviation civile ou du ministre des armées ; qu'en revanche l'étêtage des autres arbres qui ont été élagués sur la propriété ne constitue pas une modification à l'état antérieur des lieux susceptible d'ouvrir droit à indemnité en application des textes précités ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la facture de l'entreprise qui a effectué les travaux forestiers sur la propriété des requérants, qu'en paiement de l'abattage de dix arbres réalisé pour la mise en oeuvre du plan de dégagement de l'aérodrome de Biarritz-Anglet-Bayonne, Mme Marie E a versé une somme de 3 165 euros toutes taxes comprises ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser aux requérants une indemnité de ce montant en réparation de l'ensemble des dommages directs, matériels et certains causés par la modification à l'état antérieur des lieux résultant des servitudes aéronautiques instituées par ledit plan ; qu'en revanche, le préjudice d'agrément invoqué, qui ne constitue pas un dommage matériel pris en compte par les dispositions précitées, ne saurait ouvrir droit à réparation au profit des requérants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas fait droit, dans les limites de ce qui précède, à leur demande ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat versera à Mme D épouse , à Mme D épouse , à Mme D épouse , à M. François D et à M. Xavier D, la somme globale de 3 165 euros toutes taxes comprises à titre de réparation ainsi que la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Le jugement n° 0901671 du tribunal administratif de Pau en date du 14 juin 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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No 11BX01988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX01988
Date de la décision : 10/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : TOURREIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-05-10;11bx01988 ?
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