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01/07/2004 | FRANCE | N°02NC00812

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 01 juillet 2004, 02NC00812


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 juillet 2002 sous le n° 02NC00812 complétée par un mémoire enregistré le 28 mai 2003, présenté par la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE ayant son siège ... (25044) Besançon, représentée par M. Didier X, Président du Directoire ;

La CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE demande à la Cour :

1° - de réformer le jugement en date du 2 mai 2002 du Tribunal administratif de Besançon, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande, tendant à obtenir la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés

qui lui sont réclamés au titre des exercices 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, à rais...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 juillet 2002 sous le n° 02NC00812 complétée par un mémoire enregistré le 28 mai 2003, présenté par la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE ayant son siège ... (25044) Besançon, représentée par M. Didier X, Président du Directoire ;

La CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE demande à la Cour :

1° - de réformer le jugement en date du 2 mai 2002 du Tribunal administratif de Besançon, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande, tendant à obtenir la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui sont réclamés au titre des exercices 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, à raison de ses quotes parts dans des groupements d'intérêt économique ;

2° - de lui accorder la réduction demandée de ces impositions, et les intérêts moratoires sur les sommes restituées ;

3° - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 500 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Code : C

Classement CNIJ : 19-04-02-01-03-02

19-04-02-01-04-03

La CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a admis le redressement consécutif à la substitution, aux loyers progressifs, perçus de la SNCF, par les G.I.E., dont la banque était membre, d'un étalement linéaire, lequel résulte d'une interprétation erronée de l'article 38-2 bis du code général des impôts ;

- l'administration a, de fait, utilisé la procédure de l'abus de droit, sans respecter les garanties correspondantes ;

- cette progressivité des loyers est conforme aux clauses des contrats de crédit-bail, qui reflètent la réalité économique ;

- le redressement méconnaît le principe des créances acquises ;

- le tribunal administratif a estimé, à bon droit, que la durée d'amortissement des rames du TGV Atlantique, devait être fixée à quinze ans, compte tenu de la spécificité de ce matériel ; la même durée est d'ailleurs admise pour la SNCF, pour ses propres amortissements, cette durée d'amortissement n'est pas tributaire de celle convenue pour le crédit bail, comme il ressort de l'instruction 4D262 du 1er mai 1990 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés au greffe le 27 décembre 2002, le mémoire en défense, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Il conclut :

- au rejet de la requête de la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE ;

- par voie d'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement du 24 juillet 2002 du Tribunal administratif de Besançon ;

- au rétablissement de la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE aux rôles de l'impôt sur les sociétés, à concurrence des droits dont la décharge a été accordée en première instance, au titre des exercices 1989 à 1993 ;

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que :

- le tribunal administratif a fait une exacte application de l'article 38-2 bis du code général des impôts, en confirmant le redressement relatif aux loyers perçus par les G.I.E. dont la contribuable était membre ;

- le tribunal administratif a estimé, à tort, que les rames du TGV ainsi financées, pouvaient être amorties sur quinze ans, alors que cette durée est de vingt ans selon les usages auxquels il n'existait aucune raison de déroger ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2004 :

- le rapport de M. BATHIE, Premier Conseiller,

- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête de la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE :

Considérant que la société requérante a subi des redressements d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices 1989 à 1993 en sa qualité de membre des groupements d'intérêt économique (G.I.E.) : SOREFI TGV BAIL I, SOREFI TGV BAIL II, SOREFI TGV BAIL III, et ATLANTIQUE 89 ; que ces groupements ont été constitués entre des établissements bancaires, aux fins d'assurer le financement, au profit de la SNCF, par voie de crédit-bail, de rames du TGV Atlantique dont ils ont acquis la propriété ; qu'à l'issue des vérifications de comptabilité dont ces G.I.E. ont fait l'objet, l'administration a corrigé les bases d'imposition de leurs membres, à proportion de leurs participations, en particulier au motif, que les loyers dûs au crédit-bailleur devaient être pris en compte selon un système linéaire, au lieu des systèmes progressifs convenus entre les co-contractants ; que la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE fait régulièrement appel du jugement du 2 mai 2002, du Tribunal administratif de Besançon, en tant qu'il a rejeté la partie de sa demande relative à ce chef de redressement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 bis du code général des impôts : ... les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais, à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ; que la prestation fournie par les G.I.E. sus-mentionnés, à la SNCF, consistant à mettre à sa disposition un matériel, moyennant le paiement d'un loyer, assorti de la faculté d'acquérir ce bien au terme d'un contrat de crédit-bail et selon les modalités prévues par celui-ci, constitue une prestation continue, au sens des dispositions précitées ;

Considérant que la circonstance que la prestation fournie est continue, n'implique pas, par elle-même, qu'elle soit effectuée avec une intensité constante pendant toute la durée de son exécution et que sa rémunération doive par suite être rattachée de manière linéaire et prorata temporis aux exercices durant lesquels cette exécution se poursuit ; que lorsque les loyers stipulés dans un contrat de location sont inégaux de période en période, il y a lieu en principe de réputer que cette inégalité des loyers stipulés correspond à une inégalité dans la valeur de la prestation fournie ; que, dès lors, pour l'application de la règle selon laquelle la rémunération de la prestation continue est rattachée aux exercices au fur et à mesure de l'exécution de la prestation, il convient de comptabiliser les produits correspondant aux créances de loyers en fonction des échéances contractuelles, sauf s'il résulte de l'instruction fondée notamment sur les justifications apportées par le bailleur, ou l'administration, que la répartition contractuelle des loyers ne rend pas compte correctement des avantages économiques procurés au preneur par le bien loué au cours des périodes successives de la location et que le rattachement des produits au fur et à mesure de l'exécution de la prestation implique que leur comptabilisation s'écarte de l'échéancier contractuel, en retenant par exemple une répartition linéaire des loyers encaissés sur toute la période de location ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les contrats en cause ont prévu des loyers dont le montant augmente progressivement sur la durée du bail afin de prendre en compte l'évolution corrélative des recettes escomptées par le preneur, en fonction d'une rentabilité croissante du nouveau matériel mis en service ; que toutefois, la contribuable n'apporte aucun élément de nature à établir que sa propre prestation n'aurait pas été identique sur toute la période de location, et aurait évolué selon les conditions convenues avec le preneur ; que, par suite, l'administration était fondée à redresser les bénéfices déclarés par les G.I.E., en substituant aux loyers déclarés, ceux résultant d'un système linéaire ; que, dès lors que ce redressement résulte d'une correcte application de la loi fiscale, la requérante ne peut utilement soutenir, ni que l'administration aurait méconnu le principe de comptabilisation des créances acquises, ni qu'elle aurait, de fait, invoqué un abus de droit sans respecter les garanties correspondantes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande, concernant ce chef de redressement ;

Sur l'appel incident du ministre :

Considérant qu'il est constant que les groupements d'intérêt économique précités ont tous initialement estimé à quinze ans la durée d'amortissement des rames du TGV Atlantique ; que l'administration, a porté cette durée, qui ne lui paraissait pas conforme aux usages, à vingt ans, en l'alignant sur celle pratiquée jusqu'alors pour ce type de biens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1-2° du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, sont déductibles du bénéfice imposable : (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) et qu'aux termes de l'article 30 de l'annexe II au même code : Les biens donnés en location sont amortis sur leur durée normale d'utilisation, quelle que soit la durée de location ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rames du TGV Atlantique qui comportent par rapport à la précédente génération de TGV des différences de conception et des innovations technologiques, notamment en matière de motorisation et de gestion de leur fonctionnement entièrement informatisée, nécessitées par leur vitesse d'exploitation de 300 Km/h au lieu de 270 KM/h, constituent ainsi un matériel nouveau ; que la vitesse d'exploitation supérieure à celle de la précédente génération, l'utilisation intensive de ces matériels ainsi que l'évolution rapide en matière de gestion informatisée prévues lors de leur mise en service impliquent une durée de vie prévisible inférieure à celle des TGV de la précédente génération ; qu'il suit de là que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon a retenu que la durée d'amortissement de ce matériel était de quinze ans, durée d'ailleurs admise par l'administration pour les immobilisations similaires directement amorties par la SNCF ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a accordé à la contribuable, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés induits par ce chef de redressement ;

Sur les conclusions de la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à payer à la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

ARTICLE 1er : La requête de la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE et l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sont rejetés.

ARTICLE 2 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE D'EPARGNE DE FRANCHE COMTE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC00812
Date de la décision : 01/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LUZI
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-07-01;02nc00812 ?
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