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10/07/2008 | FRANCE | N°04PA00997

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre - formation a, 10 juillet 2008, 04PA00997


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2004, présentée pour M. et Mme Claude X, demeurant ..., par Me Coulon ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 00-601 du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à leur demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L

. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2004, présentée pour M. et Mme Claude X, demeurant ..., par Me Coulon ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 00-601 du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à leur demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société civile immobilière de construction vente « C.P.G. » dont M. X était associé et cogérant, M. et Mme X ont été assujettis, au prorata de leur participation conformément à l'article 8 du code général des impôts, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1991, en conséquence de la réintégration dans les résultats de la société de cette même année de charges injustifiées ; que M. et Mme X relèvent appel du jugement du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à leur demande en décharge de cette imposition ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par décision du 28 mai 2008 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Seine et Marne a prononcé, au profit de M. et Mme X, des dégrèvements en droits et pénalités de 19 553 F (2 980,84 euros) et de 66 615 F (10 155,39 euros), sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 1991 ; qu'à concurrence du montant de ces dégrèvements, les conclusions en décharge de l'imposition contestée sont devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : « En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration et la société elle-même » ; que l'article 1849 du code civil dispose par ailleurs que : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social. En cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs prévus à l'alinéa précédent » ;

Considérant que la société « CPG » était administrée par deux gérants, dont M. X ; qu'en application des dispositions précitées, l'avis de vérification de comptabilité de la société en date du 28 mai 1993 a été régulièrement adressé à un seul des gérants, qui avait qualité pour représenter la société ; que la société n'ayant plus ni siège social ni locaux et n'accusant plus réception du courrier de l'administration, c'est à bon droit que le vérificateur a fait parvenir l'avis au domicile personnel de l'un des gérants, pris en cette qualité ; que dès lors que l'administration a régulièrement adressé l'avis de vérification à l'un des gérants habilité en cette qualité à représenter la société en vertu des dispositions précitées du code civil, elle n'était pas tenue, sous peine d'irrégularité, de l'adresser également à l'autre gérant, M. X ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'avis du 28 mai 1993, libellé, ainsi qu'il vient d'être dit au nom de l'un des gérants de la société CPG, était intitulé « avis de vérification de comptabilité » et mentionnait que le contrôle porterait sur l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1992 ; que, compte tenu de ces indications, son destinataire n'a pu se méprendre sur la nature de la vérification et l'identité du contribuable vérifié ; que ledit avis satisfaisait aux prescriptions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la société ne disposait plus de siège social ; que le vérificateur, qui en était informé, et dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne l'obligeait à rappeler dans l'avis que le contrôle devait en principe se dérouler sur place, a régulièrement pu demander à son représentant de lui préciser le lieu où il pourrait consulter la comptabilité ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il est au demeurant constant que le représentant de la société a lui-même demandé que la vérification ait lieu dans les locaux de l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce serait en méconnaissance de l'article 13 du livre des procédures fiscales que le contrôle ne s'est pas déroulé sur place doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que les redressements personnellement assignés à M. et Mme X procèdent exclusivement de la mise à leur charge, au prorata de leur participation, des redressements assignés à la société en conséquence de la vérification de sa comptabilité ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, à la demande du représentant de la société, été saisie et a émis un avis sur le différend qui opposait la société à l'administration au sujet de ces redressements ; que dès lors que la société était régulièrement représentée devant la commission par l'un de ses gérants, le service n'était pas tenu d'adresser également une convocation à M. X ; qu'enfin la commission n'avait pas à être saisie de l'incidence financière résultant pour M. et Mme X de la vérification de comptabilité de la société ; que, dans ces conditions, le vérificateur n'était pas tenu de donner suite à la demande de saisine de la commission, présentée par M. X ;

S'agissant du bien-fondé des impositions :

Considérant qu'en vertu des articles 38 et 39 du code général des impôts, le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, déduction faite de toutes charges ; qu'il appartient toujours au contribuable de justifier, tant du montant desdites charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est à dire du principe même de leur déductibilité ;

Considérant, en premier lieu, que la société « C.P.G. », qui avait entrepris en tant que promoteur la construction d'un immeuble à Pontault-Combault (Seine et Marne), en a confié l'édification à un entrepreneur principal, l'association « ADES » ; que cette dernière a fait appel à des sous-traitants ;

Considérant que la société « CPG » a personnellement payé une facture de 104 160 F hors taxes émise le 30 septembre 1991 par l'entreprise Bordillon et libellée au nom de l'association « ADES » ; qu'il incombait en principe à l'association, entrepreneur principal du programme immobilier, de payer cette facture établie à son nom par un sous-traitant ; que, si les requérants font valoir que la société « CPG » a elle-même pris en charge la facture en raison de l'action directe du sous-traitant à son encontre due à la défaillance de l'association « ADES », ils ne justifient pas, en l'absence de preuve que les sous-traitants ont été formellement acceptés ou tolérés par le maître d'ouvrage, que ce dernier était tenu de payer en conséquence de l'action directe des sous-traitants ; qu'ainsi l'administration établit que le paiement de cette facture par la société « CPG » constitue un acte anormal de gestion ; que c'est en conséquence à bon droit qu'elle en a réintégré le montant dans les résultats imposables de cette dernière ;

Considérant, en outre, que la société « CPG » a également payé une facture émise le 30 novembre 1991 à son ordre par la société « MPC » pour un montant hors taxes de 8 995,92 F, correspondant à la fourniture de matériaux ; qu'eu égard à la date d'émission de la facture, il incombait également à l'entrepreneur principal, censé avoir passé commande des matériaux, d'en assurer le paiement ; qu'il n'est pas établi que l'association « ADES », entrepreneur principal, aurait été en liquidation à cette date ; que l'administration établit dès lors que le paiement de cette facture par la société « CPG » constitue également un acte anormal de gestion ; qu'elle en a par suite réintégré à bon droit le montant dans les résultats imposables de la société ;

Considérant, enfin, que le vérificateur a réintégré dans les résultats imposables de la société « CPG », sur le fondement de l'acte anormal de gestion, le montant d'une facture de 30 000 F hors taxes émise par la société « SMBT » et payée par la société « CPG » ; qu'il a en effet estimé que la prise en charge de cette facture ne lui incombait pas personnellement, mais incombait aussi à l'entrepreneur principal ;

Considérant toutefois que ladite facture, libellée au nom de la société « CPG », concernait des opérations de sondage du terrain d'assiette de l'immeuble et a été émise le 30 juin 1990 ; qu'il résulte de l'instruction que ce terrain n'a été acquis par la société « CPG » que le 28 décembre suivant ; que, contrairement à ce que l'administration soutient, les prestations concernées ne pouvaient en conséquence se rattacher à l'activité de l'entrepreneur principal, lequel ne pouvait être en principe tenu d'en assumer le paiement ; que, dès lors, l'administration, qui ne conteste pas la régularité des mentions figurant sur la facture et qui ne fait état, ni de ce que les prestations en cause n'auraient pas été effectuées, ni de ce qu'elles ne correspondraient pas à l'objet du programme immobilier, n'établit pas, en se bornant à se référer aux déclarations qu'aurait faites l'un des gérants dans le cadre d'une procédure judiciaire, l'anormalité de la prise en charge dont elle se prévaut ; que c'est en conséquence à tort qu'elle a procédé au redressement correspondant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'au 31 décembre 1991, le compte intitulé « fournisseur ADES » ouvert dans les écritures de la société « CPG » présentait un solde négatif de 2 007 016 F ; que ce montant incluait trois avances de la cogérante, dont deux d'un montant unitaire de 100 000 F faites le 9 juillet et une de 205 860 F faite le 8 août ; que les requérants font valoir que ces versements étaient nécessités par la situation de trésorerie de l'association « ADES » et n'avaient d'autre objet que de payer les travaux de construction de l'immeuble, dès lors que le solde du compte « fournisseur ADES » n'excédait que de peu le montant du devis initial des travaux ; que, toutefois, l'administration fait valoir sans être contredite, d'une part que les factures au vu desquelles les avances à l'association ont été faites étaient très imprécises et ne permettaient pas d'identifier les prestations réalisées, d'autre part que l'association a ultérieurement émis trois chèques de même montant à l'ordre de la cogérante et que ces chèques n'ont pas été inscrits dans la comptabilité de la société ; que, dans ces conditions, les requérants n'établissent pas que les avances litigieuses constituaient pour la société des charges déductibles ;

Considérant, en troisième lieu, que la société « CPG » a comptabilisé, en tant que « factures à recevoir » et déduit de ses résultats de l'année 1991 un montant de 1 099 251 F correspondant à des factures émises en mars et mai 1992 par la société « Eurobatir », laquelle avait été chargée d'achever la construction de l'immeuble à la suite de la liquidation de l'association ; que les requérants soutiennent que la charge correspondante était certaine dans son principe et son montant en 1991 dès lors que l'immeuble avait été achevé le 24 décembre 1991 et que des contrats de location avaient alors été signés ; que, toutefois, ils se bornent à produire, d'une part une photocopie non enregistrée de la déclaration d'achèvement des travaux au cours de l'année 1991, d'autre part des contrats de location souscrits en décembre 1991 pour quatre appartements, contrats qui n'ont pris effet qu'au cours de l'année 1992 ; que, par suite, les requérants ne justifient pas que les factures litigieuses émises en mars et mai 1992 étaient la contrepartie de prestations réalisées l'année précédente ;

Considérant, enfin, que l'administration ayant dégrevé en cours d'instance les impositions résultant des redressements afférents aux commissions non déclarées et aux frais d'acte d'enregistrement d'actes notariés, la contestation des intéressés sur ce point est inopérante ;

S'agissant des pénalités :

Considérant qu'en faisant valoir que la société a inscrit en charges déductibles de ses résultats des dépenses importantes dont elle ne pouvait ignorer qu'elles incombaient à un tiers ou qu'elles étaient dépourvues de contreparties, l'administration établit la mauvaise foi de la société ; que c'est par suite à bon droit qu'elle a majoré les redressements contestés, assignés aux contribuables et calculés, ainsi qu'il a été dit, au prorata des droits de M. X dans la société, des pénalités de mauvaise foi ; qu'est sans incidence le fait que ce dernier n'aurait pas exercé de réel pouvoir dans la société ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en tant qu'elle tendait à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 en conséquence de la réintégration dans les résultats de la société « CPG » de la même année d'une facture de 30 000 F ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme X à concurrence des sommes de 19 553 F (2 980,84 euros) et de 66 615 F (10 155,39 euros) en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991.

Article 2 : Il est accordé décharge à M. et Mme X, de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 et celle résultant de la prise en compte au titre des charges déductibles de la SCI « CPG » de la facture de 30 000 F (4 573,47 euros).

Article 3: Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 00-601 du 18 décembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

6

N° 06PA02638

Mme Anne SEFRIOUI

2

N° 04PA00997

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 04PA00997
Date de la décision : 10/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. JARDIN
Avocat(s) : COULON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-07-10;04pa00997 ?
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