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13/06/2007 | FRANCE | N°04PA03321

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre - formation b, 13 juin 2007, 04PA03321


Vu, I, sous le n° 04PA03321, la requête, enregistrée le 6 septembre 2004, présentée pour la société anonyme APPLITEC, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP Perney Angel, 49/51, avenue du Président Salvador Allende à Meaux (77109 cedex), par Me Laborde, avocat ; la société APPLITEC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 014299 du Tribunal administratif de Melun du 24 juin 2004, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont réclamés au titre de la période du 1er s

eptembre 1995 au 30 avril 1998 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prono...

Vu, I, sous le n° 04PA03321, la requête, enregistrée le 6 septembre 2004, présentée pour la société anonyme APPLITEC, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP Perney Angel, 49/51, avenue du Président Salvador Allende à Meaux (77109 cedex), par Me Laborde, avocat ; la société APPLITEC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 014299 du Tribunal administratif de Melun du 24 juin 2004, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont réclamés au titre de la période du 1er septembre 1995 au 30 avril 1998 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II, sous le n° 04PA03322, la requête, enregistrée le 6 septembre 2004, présentée pour la société anonyme APPLITEC, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP Perney Angel, 49/51 avenue du Président Salvador Allende à Meaux (77109 cedex), par Me Laborde, avocat ; la société APPLITEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03489 en date du 24 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont réclamés au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 avril 1998 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, III, sous le n° 05PA04453, la requête et le mémoire, enregistrés les 17 novembre et 14 décembre 2005, présentés pour la société anonyme APPLITEC, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP Perney Angel, 49/51 avenue du Président Salvador Allende à Meaux (77109 cedex), par Me Laborde, avocat ; la société APPLITEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-3478/1 en date du 6 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant au remboursement de deux crédits de taxe sur la valeur ajoutée déductible respectivement de 6 350 000 F (968 051 euros) et 7 242 185 F (1 104 064 euros) dont elle disposait respectivement à l'expiration du premier trimestre de l'année 1998 et à l'expiration du 3ème trimestre de l'année 2002 ;

2°) de lui accorder le remboursement de ces crédits ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2007 :

- le rapport de Mme de Lignières, rapporteur ;

- les observations de Me Duvaux, pour la société APPLITEC,

- les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Vu, le mémoire en délibéré reçu le 25 mai 2007. La société APPLITEC insiste sur la demande de remboursement du crédit de TVA et soutient que l'absence de prise en considération du crédit de TVA constitué avant la vérification conduit à une double imposition ; que la remise en cause du droit à déduction en cas de livraison par un fournisseur fraudeur n'existait pas avant la loi de finances rectificative pour 2006 et méconnaît la neutralité de la TVA ; qu'APPLITEC dominant le marché des composants informatiques il était normal que les fraudeurs utilisent ses services ; que la démonstration de la participation consciente d'APPLITEC à une fraude organisée n'est pas faite opération par opération, mais par amalgame et généralisation ; que s'agissant de livraisons communautaires, le fisc a également procédé par généralisation ; que du reste, la réalité de certaines exportations, à hauteur de 128 849,32 euros est démontrée par la production de bons d'enlèvement ; que la même TVA est réclamée plusieurs fois ;

Considérant que la société APPLITEC avait pour activité le négoce de composants informatiques ; qu'elle a fait l'objet de trois vérifications de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 1994 au 30 avril 1998, à l'issue desquelles l'administration lui a assigné des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration, d'une part, a rejeté la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant des factures émises par divers fournisseurs français, d'autre part, a remis en cause l'exonération de taxe dont la société APPLITEC avait bénéficié, en application des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts, pour des livraisons intracommunautaires effectuées à des sociétés britanniques, irlandaise, belges et luxembourgeoises ; que ces rappels ont été mis en recouvrement le 11 janvier 2001 et le 10 mai 2002 ; que la société APPLITEC les a contestés devant le Tribunal administratif de Melun par deux demandes distinctes, l'une, concernant la taxe sur la valeur ajoutée déductible, l'autre, l'exonération des livraisons intracommunautaires, que ce tribunal a rejetées par jugements du 24 juin 2004, après avoir toutefois prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 10 761 822 euros, en ce qui concerne un rappel effectué au titre de la période du 1er septembre 1995 au 30 avril 1998 ; que, par ailleurs, la société APPLITEC, qui, le 31 mars 1998, un mois avant la fin de la période vérifiée, disposait d'un crédit de TVA déductible de 13 662 557 F, a déposé le 24 avril 1998 une demande de remboursement de ce crédit mais à concurrence de la somme de 6 350 000 F seulement ; que, le 2 septembre 2002, elle a déposé une seconde demande, tendant au remboursement du crédit de 7 242 185 F (1 104 064 euros), dont elle disposait au 30 septembre 2002 et qui correspondait principalement au report de la fraction du crédit de mars 1998, dont elle n'avait pas alors demandé le remboursement ; que l'administration n'ayant pas répondu à ces demandes, la société APPLITEC a saisi le tribunal administratif du rejet implicite de celles-ci par deux demandes séparées, que ce tribunal a rejetées par un jugement commun en date du 6 octobre 2005 ; que la société APPLITEC relève appel des jugements susmentionnés par trois requêtes distinctes enregistrées au greffe de la Cour sous les numéros 04PA03321, 04PA03322 et 05PA04453 ; qu'elle demande la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés ainsi que le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée déductible ; que ces affaires présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que la société APPLITEC soutient que l'administration ne lui a pas transmis avant la mise en recouvrement des impositions des renseignements obtenus dans l'exercice de son droit de communication ou lors de contrôles ;

Considérant qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable, dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir notamment dans l'exercice du droit de communication ou à l'occasion d'une vérification de comptabilité et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu'elle ne peut, en revanche, mettre à la disposition du contribuable des renseignements obtenus auprès de tiers s'ils sont couverts par le secret professionnel ;

Considérant qu'il est constant que les trois notifications de redressements du 21 décembre 1998, du 7 mai 1999 et du 24 mars 2000, dont procèdent les impositions en litige, informaient la société APPLITEC de ce que l'administration avait obtenu des renseignements auprès de tiers et qu'elles étaient suffisamment précises pour permettre à la requérante de demander la communication des renseignements en cause, ce qu'elle a fait par courriers du 8 mars, 25 avril, 4 septembre et 16 octobre 2000 ; que l'administration a remis à la société les pièces demandées, pour consultation, le 5 juillet 2000 et transmis des éléments complémentaires par courrier du 28 novembre 2000, en expliquant de manière circonstanciée dans ce courrier les raisons pour lesquelles les renseignements qui n'étaient pas transmis ne pouvaient l'être ; qu'il résulte des pièces du dossier que les éléments non communiqués à la requérante ont été obtenus, pour la plupart d'entre eux, à l'occasion de la vérification de comptabilité des fournisseurs et des clients français de la société APPLITEC ou à la suite de demandes de renseignements adressées, dans le cadre de l'assistance administrative, à des autorités fiscales étrangères et qui ne visaient pas la société APPLITEC mais des sociétés tierces ; que ces renseignements étaient donc couverts par le secret professionnel défini à l'article L 103 du livre des procédures fiscales et ne pouvaient être mis à disposition de la société APPLITEC ; que celle-ci ne peut soutenir qu'elle n'a pas été à même de discuter ces éléments dès lors que les notifications de redressements et les courriers de l'administration antérieurs à la mise en recouvrement en faisaient une analyse détaillée ; qu'en outre, nonobstant la règle du secret professionnel, l'administration a transmis à la requérante un grand nombre des éléments obtenus lors des contrôles ou dans le cadre de l'assistance administrative ;

Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction que les autres renseignements non transmis à la requérante, soit étaient également protégés par le secret professionnel, comme les informations sur les échanges de biens communiquées en application du règlement CEE n° 218/92 du Conseil du 27 janvier 1992, soit n'ont pas été utilisés pour établir les redressements ou n'étaient pas en possession de l'administration ; qu'aucune pièce du dossier ne permet de corroborer l'affirmation de la requérante selon laquelle l'administration aurait disposé d'autres éléments transmissibles que ceux qu'elle a transmis ;

Considérant, en deuxième lieu, que la requérante fait valoir qu'afin de pouvoir consulter le dossier d'une instruction pénale comportant les procès-verbaux d'audition de X, gérant de la société MPG, fournisseur de la société APPLITEC, et de Y, ancien salarié de la société APPLITEC, l'administration fiscale s'est adressée directement au juge d'instruction chargé de l'affaire alors que les dispositions de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, sur lesquelles elle a fondé sa demande, lui imposaient de saisir préalablement le ministère public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 82 C du livre des procédures fiscales : «A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances » ; et qu'aux termes de l'article L. 101 du même livre « L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 101 que l'administration fiscale est en droit d'obtenir de l'autorité judiciaire, à sa propre initiative, la communication des indications que celle-ci est susceptible de détenir ; que les juges d'instruction, qui sont choisis parmi les magistrats du siège et disposent de pouvoirs propres, sont au nombre des autorités judiciaires visées par l'article L 101 ; que l'administration était donc en droit d'adresser directement une demande au juge d'instruction ; que la circonstance que, dans sa demande, elle ait visé l'article L 82 C au lieu de l'article L 101 n'a aucune incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

Considérant, qu'aux termes de l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de redressement contradictoire, il fait référence soit à la notification prévue à l'article L. 57 et, le cas échéant, aux différentes pièces de procédure adressées par le service informant le contribuable d'une modification des rehaussements … » ; qu'il résulte de l'instruction que les avis de mise en recouvrement du 11 janvier 2001 et du 10 mai 2002 font référence, en ce qui concerne les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société APPLITEC, aux notifications de redressements des 21 décembre 1998, 7 mai 1999 et 24 mars 2000 et que celles-ci mentionnent avec une précision suffisante le montant des droits et pénalités afférents au redressement en litige ; qu'en outre, l'avis de mise en recouvrement du 11 janvier 2001 fait également référence à la lettre du 7 décembre 2000 qui informait la société que seuls les rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible feraient l'objet d'une mise en recouvrement immédiate et qui comportait l'indication du calcul des droits ; que l'avis du 11 janvier 2001 est lisible, contrairement à ce que soutient la requérante ; que la circonstance que l'avis de mise en recouvrement du 10 mai 2002 soit exclusivement rédigé en euros est sans incidence sur sa régularité ; qu'ainsi, la société APPLITEC n'est pas fondée à soutenir que les avis de mise en recouvrement ne satisfont pas aux exigences de l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des rappels :

S'agissant de la TVA déductible :

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « I.1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable » ; que, pour l'application de ces dispositions, transposées de l'article 17 de la sixième 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la TVA ;

Considérant que l'administration a constaté qu'au cours de la période en litige, les fournisseurs de la société APPLITEC, les sociétés françaises MPG, Dimi, Space Digital, Confort Distribution, Axel, Onway, Chrono Bureautique, Patche, Déclic Système, Markia, Ks Composants, CD Distribution, Operalek, Cibel, ASC, Computer Département Service et Corse Développement Service, ne reversaient pas la TVA figurant sur les factures qu'ils émettaient ou n'en reversaient qu'une très faible partie ; que chacun de ces fournisseurs avait pour principal, voire pour seul client, la société APPLITEC ; que ces fournisseurs, qui s'approvisionnaient dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, revendaient leurs produits à la société APPLITEC à un prix hors taxes inférieur au prix hors taxes auquel ils les avaient achetés ; que dès qu'un fournisseur achetait une quantité de produits dans un Etat membre, une quantité similaire était aussitôt revendue à la société APPLITEC ; que celle-ci rachetait parfois ses propres produits à ces fournisseurs ; que les moyens humains et en matériel de ceux-ci étaient très réduits et ne permettaient pas de réaliser une activité de négoce importante, susceptible de générer un chiffre d'affaires d'une importance comparable à celle des crédits enregistrés sur les comptes bancaires de ces entreprises ; que la société APPLITEC réalisait la majeure partie de son chiffre d'affaires avec les fournisseurs en cause ; qu'en outre, en ce qui concerne les opérations auxquelles ont participé les sociétés Computer Département Service (CDS) et Corse Développement Service (CDS) au cours de la période de mars 1997 à avril 1998, le service a relevé que ces deux sociétés n'avaient aucun moyen matériel et humain et, en ce qui concerne la société Corse Développement Service, même pas de locaux ; que ces sociétés se bornaient à émettre des factures pour la vente de composants informatiques, lesquelles factures étaient réglées par les acheteurs, dont la société APPLITEC, à l'établissement stable en France d'une troisième société, située au Luxembourg, dont la dénomination sociale abrégée était également CDS (Components Device System) ; que les produits dont la vente était facturée par les sociétés Computer Département Service et Corse Développement Service étaient revendus par la société APPLITEC à trois sociétés dénommées Oakland Pacific, Megantic Technology et Rabicani, situées au Royaume-Uni et en Irlande et animées par les mêmes dirigeants que ceux de l'établissement stable en France de la société Components Device System ; que les sociétés Megantic Technology et Rabicani avaient revendu des produits ainsi achetés à la société APPLITEC à la société Corse Développement Service ; que les achats de ces trois sociétés étrangères auprès de la société APPLITEC étaient réglés par l'établissement en France de la société Components Device System, sur ordre donné par télécopie par la société APPLITEC, en même temps que celle-ci réglait à cet établissement les ventes de matériel qui lui étaient facturées par les sociétés Computer Département Service et Corse Développement Service ;

Considérant qu'eu égard aux éléments ainsi réunis, corroborés par les déclarations de MM Claessens et Clermont, l'administration, qui, en ce qui concerne les redressements afférents aux opérations dans lesquelles étaient impliquées les deux sociétés Computer Département Service et Corse Développement Service, ne s'est pas seulement fondée sur les résultats de deux sondages concernant les mois de février 1998 et d'avril 1998 mais sur un ensemble d'éléments, tels les fax intitulés « Nous/Vous », se rapportant à toute la période concernée, de mars 1997 à avril 1998, établit que la société APPLITEC, qui a effectué des achats répétés et importants à des personnes dépourvues d'activité réelle, retiré de ces opérations un profit consistant en l'acquisition d'un avantage concurrentiel et été réglée de certaines ventes, notamment celles effectuées aux trois sociétés Oakland Pacific, Megantic Technology et Rabicani, par des circuits de paiement inhabituels, participait en connaissance de cause à des opérations impliquées dans une fraude à la TVA ; qu'elle ne peut dès lors prétendre déduire de la TVA due au titre de ses opérations imposables la TVA grevant les ventes de produits facturées par les fournisseurs susmentionnés ;

Considérant qu'en admettant que l'administration n'invoquait pas la fraude à la TVA dans les notifications de redressements, elle se réfère expressément à ce nouveau fondement légal dans le mémoire déposé devant la Cour le 11 septembre 2006, dans l'instance n° 04PA03321 ; que l'administration est en droit de procéder à cette substitution de base légale, dès lors que celle-ci ne prive la requérante d'aucune garantie de procédure ; qu'en effet, la nouvelle base ne soulève aucune question de fait nouvelle qui ne pouvait être discutée devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales sont inapplicables en l'espèce, la société APPLITEC n'ayant pas elle-même accompli d'actes « permettant d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires », au sens de cet article, mais seulement cherché à acquérir un avantage concurrentiel ;

Considérant que si la requérante soutient qu'elle achetait les produits à ses fournisseurs à un prix qui n'était pas inférieur au prix pratiqué par les autres fournisseurs de ce secteur d'activité et que sa marge bénéficiaire n'était pas plus importante que celle des autres entreprises ayant la même activité de grossiste en produits informatiques, ce que confirmeraient les coefficients de marge ressortant de sa comptabilité, ces moyens, en tout état de cause, ne peuvent qu'être rejetés dès lors que la question du droit à déduction de l'assujetti participant en connaissance à un circuit de fraude à la TVA doit être appréciée indépendamment de la question de savoir si cet assujetti tire ou non un bénéfice de la revente des biens et que le seul critère de l'importance et du caractère habituel des achats effectués à des personnes dépourvues d'activité réelle suffit, en l'espèce, à établir que la société APPLITEC participait sciemment à des opérations impliquées dans une fraude à la TVA ;

Considérant, enfin, que la circonstance que le contrôle de la situation personnelle des dirigeants de la société APPLITEC n'aurait pas révélé d'enrichissement anormal de ceux-ci est sans incidence sur le bien-fondé des redressements litigieux, opérés à l'encontre de cette société ;

S'agissant des livraisons intracommunautaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts : «I. Sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie » ;

Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ; que si l'administration entend remettre en cause l'authenticité ou la sincérité des documents ainsi produits, il lui appartient d'apporter des indices sérieux de leur caractère fictif ;

Considérant que la société APPLITEC livrait, en exonération de taxe sur la valeur ajoutée, des composants informatiques aux sociétés britanniques Westhill, Britanny, Oakland Pacific, WS Electronics, Megantic Technology, à la société irlandaise Rabicani Ltd, aux sociétés belges ATM, Aver Computer, Cantauri, Iti, US Action, US Line, DLI, Trading Consultant, Mandax et aux sociétés luxembourgeoises Akorelec, Barelec et Transnet Business ; que ces sociétés, qui étaient assujetties à la TVA dans leurs pays respectifs, venaient le plus souvent prendre elles-mêmes livraison des produits auprès de la société APPLITEC ;

Considérant, que l'administration a relevé que la société Westhill n'avait, en Grande-Bretagne qu'une adresse de domiciliation ; que la société Oakland-Pacific utilisant trois adresses différentes, n'employait pas de personnel et effectuait ses paiements à partir d'un compte français ; que la société Mégantic-Technology, créée par une personne disposant d'identités différentes avait, en Grande-Bretagne en adresse correspondant à celle d'agents spécialisés dans la création de sociétés ; que l'administration établit ainsi que ces trois sociétés étaient dépourvues d'activité réelle et ne pouvaient donc recevoir des marchandises en provenance de France ;

Considérant, s'agissant des autres clients communautaires, dont l'existence et l'activité ne sont pas contestées, comme Us Line, DLI, Trading Consultant, et WS éléctronic, ou les autres sociétés belges ou luxembourgeoises susmentionnées, qu'il résulte de l'instruction que les seuls éléments produits pour justifier de la réalité du transfert hors de France des produits vendus à ces sociétés sont, soit des attestations établies par celle-ci plusieurs mois, voire, plusieurs années après les opérations alléguées, soit des bons d'enlèvement, qui signés en France, par le client venant prendre livraison, ne permettent pas d'établir la réalité du transfert physique des marchandises hors de France ;

Considérant en outre qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les sociétés Oakland-Pacific, Megantic-Technology et la société Irlandaise Rabicani étaient impliquées dans une fraude à la TVA de mars 1997 à avril 1998 ;

Considérant, dans ces conditions, que l'administration qui avait également relevé des manquements aux obligations de forme découlant de l'article 289-II.2° du code général des impôts, était fondée à remettre en cause l'exonération de TVA dont la société APPLITEC a bénéficié pour ces ventes ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1740 ter alors en vigueur du code général des impôts : « Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles a travesti ou dissimulé l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations » ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (…) » ;

Considérant que l'administration a appliqué l'amende de l'article 1740 ter du code général des impôts au montant des livraisons intracommunautaires effectuées de mars 1997 à avril 1998 par la société APPLITEC aux trois sociétés Oakland Pacific, Megantic Technology et Rabicani, les pénalités pour manoeuvres frauduleuses aux redressements correspondant à la TVA déduite à tort, dans le cas où cette TVA avait été facturée par les sociétés Computer Département Service et Corse Développement Service ou par des fournisseurs intervenant à l'issue d'un circuit « en boucle » et les pénalités pour mauvaise foi à tous les autres redressements ;

Considérant que la requérante ne pouvait ignorer que les sociétés Oakland Pacific, Megantic Technology et Rabicani n'étaient que des prête-noms puisque le paiement des acquisitions intracommunautaires de celles-ci auprès de la société APPLITEC était réalisé, sur ordre de la société APPLITEC, à partir d'un compte bancaire ouvert au nom de la société Components Device System, laquelle était par suite le véritable auteur de ces acquisitions ; que l'application de l'amende prévue à l'article 1740 ter est donc justifiée ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, la société APPLITEC participait en connaissance de cause à des circuits frauduleux, montés à son instigation ou avec sa collaboration et ne pouvait ignorer que la TVA déduite par elle du fait de ces opérations n'était pas en principe déductible ; que l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses est donc, elle aussi, justifiée ; qu'enfin, la requérante exerçait l'activité de négociant en composants informatiques et ne pouvait ignorer qu'elle devait conserver ou réunir des justificatifs de la réalité du transfert hors de France des produits qu'elle livrait dans d'autres Etats membres en exonération de taxe ; qu'en l'absence complète d'éléments de justification probants, l'administration établit l'intention d'éluder l'impôt ; que, par ailleurs, en raison de l'importance et du caractère répété des achats effectués auprès de ceux-ci, la requérante connaissait nécessairement l'absence d'activité réelle de ses fournisseurs ; qu'elle savait par suite que la taxe grevant ces achats n'était pas en principe déductible ; que l'administration établit par suite la mauvaise foi du contribuable ;

En ce qui concerne les demandes de remboursement des crédits de TVA déductible :

Considérant que la requérante indique elle-même que le crédit de 13 662 557 F existant au 31 mars 1998, c'est-à-dire pratiquement à la fin de la période vérifiée, d'où résultent les deux crédits de 6 350 000 F et 7 242 185 F dont elle a demandé le remboursement respectivement le 24 avril 1998 et le 6 novembre 2002, est apparu en conséquence de l'imputation sur la taxe due au titre de ses opérations imposables de la taxe grevant les ventes facturées par ses fournisseurs ; qu'ainsi qu'il a été dit, cette taxe n'était pas déductible, en raison du caractère frauduleux des opérations auxquelles a participé la société requérante ; que celle-ci ne peut donc prétendre disposer d'un crédit de taxe remboursable au 31 mars 1998 ; que la circonstance que, pour la détermination des droits dus au titre des rappels de TVA susmentionnés, l'administration n'ait pas déduit du montant des rappels effectués au titre de la TVA déductible le montant du crédit de taxe existant au 31 mars 1998 est sans incidence sur le bien-fondé des demandes litigieuses, tendant uniquement au remboursement par fractions de ce crédit ; qu'il suit de là que les conclusions à fin de remboursement des crédits litigieux ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle que la société APPLITEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions en décharge et en remboursement ;

En ce qui concerne les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société APPLITEC doivent dès lors être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société APPLITEC sont rejetées.

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Nos 04PA03321-04PA03322-05PA04453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 04PA03321
Date de la décision : 13/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: Mme Frédérique DE LIGNIERES
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : LABORDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-06-13;04pa03321 ?
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