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08/12/2006 | FRANCE | N°04PA03905

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre - formation b, 08 décembre 2006, 04PA03905


Vu, enregistré le 13 décembre 2004, sous le n°04PA03905, la requête présentée pour le Crédit Lyonnais, dont le siège est 19, boulevard des Italiens à Paris, par la C/M/S/ bureau Francis Lefebvre, avocats à la cour ; Le Crédit Lyonnais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2004 du Tribunal administratif de Paris rejetant ses conclusions tendant soit au dégrèvement de la TVA supplémentaire mise à sa charge pour un montant total de 7 553 829 F au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988 et 8 851 207 F au titre de la période du 1er

janvier 1989 au 31 décembre 1989 et de la taxe sur les salaires mise à s...

Vu, enregistré le 13 décembre 2004, sous le n°04PA03905, la requête présentée pour le Crédit Lyonnais, dont le siège est 19, boulevard des Italiens à Paris, par la C/M/S/ bureau Francis Lefebvre, avocats à la cour ; Le Crédit Lyonnais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2004 du Tribunal administratif de Paris rejetant ses conclusions tendant soit au dégrèvement de la TVA supplémentaire mise à sa charge pour un montant total de 7 553 829 F au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988 et 8 851 207 F au titre de la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1989 et de la taxe sur les salaires mise à sa charge pour un montant de 7 936 364 F au titre de l'année 1988 et 8 177 235 F au titre de l'année 1989 ; soit, la restitution de la TVA et de la taxe versées à tort du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 pour un montant total de 208 814 216 F de TVA et 151 310 142 F de taxe sur les salaires ;

2°) de condamner l'Etat aux dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2006 :

- le rapport de Mme Larere, rapporteur,

- les observations de Me Thibault Hénique, pour la Société le Crédit Lyonnais ;

- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1989, l'administration fiscale a estimé que la S.A. Crédit Lyonnais avait, à tort, fait figurer au numérateur et au dénominateur du rapport applicable à la taxe sur la valeur ajoutée, appelé « prorata », et au dénominateur du rapport concernant la taxe sur les salaires, appelé « contre-prorata », les intérêts tirés des prêts consentis par son siège à ses succursales établies à l'étranger ; que la société requérante conteste les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui en ont résulté pour la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1989 ainsi que les rappels de taxe sur les salaires en découlant pour les années 1988 et 1989 ;

Sur le délai de reprise de l'administration :

Considérant qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II du code général des impôts : « 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu, après application, le cas échéant, des dispositions de l'article 207 bis, multiplié par le rapport existant entre : a. au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b. au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction, et de l'ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations. Les sommes à mentionner aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxe compris à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée. Le rapport fixé en pourcentage est arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l'unité supérieure…. » ; et qu'aux termes de l'article 214 de la même annexe : « Le rapport prévu à l'article 212 est déterminé provisoirement en fonction du chiffre d'affaires réalisé l'année précédente ou du chiffre d'affaires prévisionnel de l'année en cours. Le montant des taxes déductibles est définitivement arrêté avant le 25 avril de l'année suivante. » ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier que la société requérante a arrêté au début de l'année 1988 le montant définitif des taxes déductibles ou, du moins, qu'elle tenait comme telles au titre de l'année 1987, et pratiqué, à la date du 25 avril 1988, une déduction supplémentaire de TVA résultant de la différence entre le prorata provisoire mentionné à l'article 214 et celui résultant de la prise en compte de la totalité des affaires réalisées au cours de l'année 1987 ; que lorsque le vérificateur a remis en cause le calcul du prorata, la notification de redressement a porté sur l'excédent de régularisation fixé le 25 avril 1988 ; que si la société requérante fait observer que le redressement, notifié en décembre 1991, porte, au mépris des dispositions de l'article 176 du livre des procédures fiscales, sur une taxe dont le fait générateur se situe, pour une partie du moins, en période prescrite, et que la notification ne pouvait concerner que la taxe déductible dont le fait générateur se situait durant la période entre le 1er janvier 1988 et le 24 avril 1988, le point de départ du délai de prescription applicable à une déduction injustifiée de TVA ne se situant pas à la date du fait générateur, mais à celle à laquelle le contribuable s'est prétendu, à tort, titulaire de ce droit à déduction ; qu'à supposer donc que la régularisation du 25 avril 1988 fût injustifiée, l'administration pouvait légalement la remettre en cause dans sa totalité par notification de redressement interruptive de délai de prescription du 27 décembre 1991 ;

Au fond :

Considérant que, lorsqu'un redevable de la TVA utilise des biens ou des services pour effectuer, à la fois, des opérations taxées et des opérations exonérées n'ouvrant pas droit à déduction, la taxe ayant frappé ces biens et ces services est déductible de la taxe due dans une proportion égale au prorata de déduction, lequel prorata est calculé conformément aux dispositions citées-ci-dessus de l'article 212 de l'annexe II du code général des impôts ;

Considérant que les activités liées à l'octroi de crédits sont exonérées de la TVA en application des dispositions du a du 1° de l'article 261 C du code général des impôts ; que toutefois, lorsque le preneur est établi dans un Etat tiers, ces activités, qui au regard des règles de territorialité de l'impôt ne constituent pas des opérations taxables dans la Communauté européenne, bénéficiaient d'un droit à déduction en application de l'article 271-4-b du même code dans sa rédaction en vigueur à la date des faits de l'espèce ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en se fondant sur ces dispositions, la banque SA Crédit Lyonnais a intégré au numérateur et au dénominateur de son prorata de déduction pour les années 1988 et 1989 les intérêts facturés par le siège parisien de la banque en contrepartie des prêts qu'elle avait accordés à des succursales établies en dehors de la Communauté européenne et dépourvues de personnalité morale ;

Considérant que les dispositions sus-citées de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable, prises pour l'application de l'article 19 de la directive susvisée du 17 mai 1977, doivent être interprétées en ce sens que les « opérations » auxquelles elles se réfèrent ne sauraient concerner que des activités situées dans le champ d'application de TVA ;

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la société requérante ne conteste pas que les intérêts versés au siège par des succursales établies à l'étranger ne sont pas assujettis à la TVA dès lors que les établissements stables que constituent lesdites succursales, qui n'exercent pas une activité économique indépendante de leur siège et ne supportent pas sur leur capital de dotation le risque économique inhérent à leur activité, n'ont pas la qualité d'assujetti à la TVA dans leur relation avec le siège ; que le même raisonnement s'applique à la détermination des « contre-prorata » servant, en application de l'article L. 31-1 du code général des impôts, à déterminer l'assiette de la taxe sur les salaires ;

Sur la demande de restitution :

Considérant cependant que le Crédit Lyonnais soutient que, dès lors qu'un établissement stable qui n'est pas une entité juridique distincte de la société dont il relève constitue avec ladite société un assujetti unique, il y a lieu, pour déterminer le prorata et le contre-prorata sus-évoqués de prendre en compte les intérêts versés par leurs clients à ses succursales étrangères ; que le Crédit Lyonnais a donc, par réclamation du 31 décembre 1996, sollicité la restitution de la TVA et de la taxe sur les salaires au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 qu'elle prétend avoir versées à tort, et la compensation, en application des dispositions de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, entre la taxe sur les salaires dont la restitution est demandée et l'impôt sur les sociétés, liquidé dans le cadre de la vérification ;

Considérant, en tout état de cause, que la réclamation du 31 décembre 1996 tendant à la restitution de la TVA et de la taxe sur les salaires, est tardive, et donc irrecevable, tant en application de l'article R. 196-1 que de celle de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, s'agissant, d'une part, de taxes versées en 1990 et 1991, d'autre part, de taxes relatives aux années 1988 et 1989 ayant fait l'objet de redressements notifiés en décembre 1991 et 1992 ; que le Crédit Lyonnais, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales autorisant l'administration à prononcer la restitution d'office d'impositions qui n'étaient pas dues jusqu'au 31 décembre de la 4ème année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin ;

Considérant que si le Crédit Lyonnais soutient que du fait de l'unicité admise de sa personne morale, les intérêts perçus par des succursales à l'étranger auprès de leurs clients constituent pour lui des recettes entrant dans le champ d'application de la TVA, ouvrant droit à déduction et donc appelées à figurer au numérateur du prorata sus défini, d'une part, les succursales établies dans un pays de l'Union Européenne sont elles-mêmes assujetties à la TVA et tiennent compte, pour déterminer leurs propres proratas, desdites recettes qui ne sauraient donc fonder à nouveau un droit à déduction au profit du siège, d'autre part, en ce qui concerne les succursales établies hors Union Européenne et pouvant, soit ne pas être assujetties à la TVA, soit être soumises à d'autres règles, qu'elles constituent des secteurs distincts pour l'exercice du droit à déduction ; que si le Crédit Lyonnais, qui se prévaut des principes de neutralité et proportionnalité contenus dans la 6ème directive, fait valoir qu'une partie au moins de ses frais de siège est consacrée à l'activité desdites succursales, et que la proportion correspondante des recettes des succursales devrait donc figurer sur son propre prorata, il n'établit nullement le montant desdits frais affectés et ne peut se réclamer utilement de l'instruction DA 3D.12 du 2 novembre 1996, postérieure à la mise en recouvrement des impositions contestées, et relative au droit à déduction des entreprises exerçant plusieurs activités non soumises à des dispositions identiques au regard de la TVA ; qu'il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle proposée par le Crédit Lyonnais, de rejeter la demande de restitution de la TVA et de taxe sur les salaires acquittées spontanément en 1990 et 1991, ainsi, partant, que la demande de compensation entre la taxe sur les salaires restituée et l'impôt sur les sociétés auquel le Crédit Lyonnais a été assujetti à la suite de la réclamation ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que le Crédit Lyonnais succombe en la présente instance et ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du Crédit Lyonnais est rejetée.

4

N° 04PA03905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 04PA03905
Date de la décision : 08/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: Mme Séverine LARERE
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-12-08;04pa03905 ?
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