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20/12/2007 | FRANCE | N°05BX01710

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 20 décembre 2007, 05BX01710


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2005, présentée pour la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS (S.T.M.G.), société à responsabilité limitée, dont le siège est EDAG, 515 chemin Saint-Antoine à Cayenne (97300), représentée par son gérant en exercice, par Me Marcault-Derouard, avocat au barreau de Cayenne ; la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200237 du 19 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande de condamnation du département de la Guyane à lui verser la somme de 3

2 381 345 francs en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subi...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2005, présentée pour la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS (S.T.M.G.), société à responsabilité limitée, dont le siège est EDAG, 515 chemin Saint-Antoine à Cayenne (97300), représentée par son gérant en exercice, par Me Marcault-Derouard, avocat au barreau de Cayenne ; la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200237 du 19 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande de condamnation du département de la Guyane à lui verser la somme de 32 381 345 francs en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'interruption fautive du versement de la subvention prévue par les stipulations de la convention en date du 10 juillet 1989 modifiée qui la liait au département ;

2°) de condamner le département à lui verser une indemnité de 4 936 504,22 euros ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins d'identifier et de chiffrer le préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge du département de la Guyane le versement d'une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative et notamment son article R. 222-26 ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2007 :
* le rapport de M. Kolbert, président ;
* les observations de Me Vignes, pour la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS ;
* et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;


Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié à la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS le 26 mai 2005 ; que le délai d'appel porté à trois mois dans les conditions prévues à l'article R. 811-5 du code de justice administrative expirait, non le 27 août 2005 qui était un samedi, mais le 29 août suivant ; que, par suite, la requête d'appel de cette société, parvenue le 23 août 2005 par télécopie au greffe de la cour administrative d'appel et en original le 29 août suivant, n'était pas tardive, contrairement à ce que soutient le département de la Guyane ;


Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'instruction que la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS avait adressé au département de la Guyane, dès le 10 novembre 1998, une réclamation tendant au versement d'une somme estimée provisoirement à plus de 27 millions de francs, en indemnisation des préjudices qui seraient consécutifs à l'interruption fautive du versement de la subvention prévue par la convention signée le 10 juillet 1989 avec ce département, et par laquelle elle était chargée d'assurer la desserte maritime de la région enclavée du fleuve Oyapock ; que contrairement à ce que soutient le département, une telle réclamation ne peut être regardée comme une simple offre de transaction et que, par suite, son rejet était de nature à lier le contentieux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de décision explicite du département rejetant ladite réclamation de la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS, cette dernière était ensuite, en vertu du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, recevable sans condition de délai à se prévaloir de l'existence de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par l'administration, pour saisir le Tribunal administratif de Cayenne de conclusions indemnitaires ; que sa demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2002, n'était donc pas tardive ;

Considérant, en troisième lieu, que si la réclamation du 10 novembre 1998 avait été adressée au département alors que la société avait déjà introduit devant le Tribunal administratif de Cayenne une première requête tendant à la condamnation du département de la Guyane à lui verser les arriérés de subventions impayées ainsi qu'une somme forfaitaire de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts, il est constant qu'elle n'a jamais été produite dans le cadre de cette instance et qu'aucune des parties ne s'en était alors prévalue ; que contrairement à ce que soutient le département, l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 15 janvier 2002 par lequel le tribunal administratif a rejeté ladite requête, en relevant d'ailleurs que le contentieux n'avait pas été lié s'agissant des conclusions indemnitaires, ne faisait donc pas obstacle à ce que ce tribunal soit ultérieurement saisi de conclusions indemnitaires qui relevaient d'une demande distincte et qui étaient, dès lors, recevables ;


Sur la responsabilité du département de la Guyane :

Considérant qu'il résulte des stipulations tant de la convention conclue le 10 juillet 1989 entre le département de la Guyane et la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS que du cahier des charges qui y était annexé que, pour l'exécution du service confié à la société, celle-ci devait percevoir du département une subvention annuelle, qui avait été portée à 3 800 000 francs par un avenant du 19 mars 1992, et dont le paiement mensuel était subordonné à la justification de l'accomplissement d'un nombre minimal de deux rotations par mois entre Cayenne et l'Oyapock ; que le terme de cette convention était fixé au plus tard à la date à laquelle une liaison terrestre serait établie et, à défaut, à la date du 31 mars 1994 avec tacite reconduction pour des durées annuelles sauf dénonciation par l'une des parties avec un préavis de six mois ; qu'enfin, la résiliation du contrat pouvait être prononcée, après mise en demeure, en cas d'inexécution des obligations mises à la charge de l'exploitant ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction que le département de la Guyane a unilatéralement cessé, à compter du mois d'avril 1997, le versement de la fraction mensuelle de la subvention prévue par la convention et a informé la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS, le 23 mai 1997, de sa décision de ne pas reconduire son engagement au-delà du 31 mars 1998, en lui proposant simultanément la signature d'un avenant ramenant le montant annuel de la subvention à 3 300 000 francs à compter du 1er avril 1997 et pour la période restant à courir, ce qu'elle a refusé ; que la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS, ainsi privée d'une part importante de ses ressources, n'est parvenue à assurer le service prévu que jusqu'en octobre 1997 et qu'elle a dû, après cette date, cesser toute activité, faute de disposer de la trésorerie nécessaire ; que la résiliation de la convention n'est finalement intervenue que le 15 juillet 1998 ;

Considérant que si les stipulations sus-analysées de la convention et du cahier des charges permettaient au département de prononcer, après mise en demeure, la résiliation du contrat au motif que l'exploitant n'avait pas satisfait à son obligation de justifier, par la production de documents techniques, de ce que la barge de haute mer utilisée habituellement pour assurer les liaisons répondait aux normes de sécurité et de navigabilité alors en vigueur, elles ne lui permettaient pas de se borner à interrompre unilatéralement le versement de la subvention comme il l'a fait à compter du mois d'avril 1997 ; que la société appelante, qui n'a, au demeurant, été destinataire d'une mise en demeure que le 2 juillet 1997, est, dès lors, fondée à soutenir que la cessation brutale de tout versement ne reposait sur aucun motif sérieux et qu'elle était ainsi constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du département à son égard ;


Sur la réparation des préjudices :

Considérant, en premier lieu, que les préjudices résultant du manque à gagner sur l'exploitation de la ligne maritime jusqu'à la mise en service d'une liaison terrestre entre Cayenne et l'Oyapock, ou de la perte de chance, pour la société appelante, d'être attributaire du marché qui devait être passé après le 31 mars 1998, ne sont pas imputables à l'interruption des versements de la subvention mais à la décision du département de la Guyane de ne pas reconduire au-delà de cette date la convention, et dont il n'est pas établi qu'elle était injustifiée ;

Considérant, en second lieu, que, s'agissant des préjudices constitués par les frais de licenciement du personnel, par différents frais financiers et par les frais et pertes afférents à l'entretien puis à la cession du bâtiment, il ressort de l'instruction que la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS avait connu, dès 1994, d'importantes difficultés de trésorerie liées aux conséquences d'une décision de la Chambre de commerce et d'industrie de la Guyane de déplacer le port d'attache de la barge affectée au service de liaison entre Cayenne et l'Oyapock et que sa situation financière, caractérisée par un fort endettement, n'était pas encore stabilisée lorsque le versement des subventions a été unilatéralement interrompu par le département ; que, dans ces conditions, les préjudices susmentionnés ne peuvent être regardés comme imputables à cette interruption qu'à concurrence de la part correspondant à l'aggravation, qu'elle a provoquée, des difficultés préexistantes de la société ; qu'il en sera fait une juste appréciation dans les circonstances de l'espèce et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, en allouant à la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS une indemnité de 100 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du département de la Guyane le versement d'une somme de 1 300 euros au profit de la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0200237 du 19 mai 2005 du Tribunal administratif de Cayenne est annulé.

Article 2 : Le département de la Guyane est condamné à verser à la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS une indemnité de 100 000 euros.
Article 3 : Le département de la Guyane versera à la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE DE TRANSPORT MARITIME GUYANAIS est rejeté.

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N° 05BX01710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 05BX01710
Date de la décision : 20/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : MARCAULT-DEROUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-12-20;05bx01710 ?
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