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04/04/2007 | FRANCE | N°05DA00328

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 avril 2007, 05DA00328


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2005 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour M. Lionel X, demeurant ..., par la SCP Vier et Barthélémy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 9801431 du 21 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 1998 du recteur de l'académie d'

Amiens rejetant sa demande de versement d'une indemnité d'un million d...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2005 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour M. Lionel X, demeurant ..., par la SCP Vier et Barthélémy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 9801431 du 21 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 1998 du recteur de l'académie d'Amiens rejetant sa demande de versement d'une indemnité d'un million de francs

(152 449 euros), augmentée des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation de la faute commise par l'administration en ne renouvelant pas sa délégation de maître auxiliaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué, qui ne répond pas au moyen tiré de ce qu'il ne connaît l'exigibilité de sa créance que depuis le 14 janvier 1998, est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ; que le recteur de l'académie d'Amiens, dont il n'est pas établi qu'il serait ordonnateur secondaire de l'indemnité réclamée à l'Etat, était incompétent pour opposer la prescription quadriennale ; que la prescription n'était pas acquise lorsqu'il a présenté sa demande d'indemnité le 9 mars 1998, dès lors que c'est seulement la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat par le Conseil d'Etat, dans l'arrêt du 14 janvier 1998, qui l'a mis en mesure de connaître l'exigibilité de sa créance ; qu'en outre, la prescription a été interrompue par la requête par laquelle il a contesté la décision refusant sa réintégration, puis par l'appel contre le jugement du 31 juillet 1989, ces recours étant relatifs au fait générateur de la créance ; que le préjudice dont il demande réparation, s'il est de même nature que celui indemnisé par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 14 janvier 1998, est cependant distinct du préjudice déjà indemnisé en ce qu'il porte sur une période différente ; qu'il a subi, en outre, un préjudice résultant du retard mis par le recteur à le rétablir dans ses droits, dès lors que, dès la publication de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, l'administration aurait dû réexaminer sa situation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 28 février 2005 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de M. X à la Cour administrative d'appel de Douai ;

Vu l'ordonnance du 31 janvier 2006, portant clôture de l'instruction au 28 mars 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2006, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le recteur de l'académie d'Amiens, bénéficiaire d'une délégation de signature du préfet de la région Picardie, était compétent pour opposer la prescription quadriennale à la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens ; que M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait ignoré l'existence de sa créance jusqu'au 14 janvier 1998, date à laquelle le Conseil d'Etat a reconnu que la responsabilité de l'Etat était engagée ; que le requérant ne justifie pas d'un préjudice différent de celui qui a été réparé par la décision du Conseil d'Etat du 14 janvier 1998 ;

Vu l'ordonnance du 28 mars 2006, reportant la clôture de l'instruction au 28 avril 2006 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 avril 2006, présenté pour M. X qui persiste dans les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que l'arrêté de délégation produit par le ministre ne suffit pas à établir que le recteur de l'académie d'Amiens avait compétence pour opposer la prescription, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas justifié de la publication de cet arrêté et, d'autre part, que la délégation donnée au recteur ne porte pas expressément sur le pouvoir d'opposer la prescription quadriennale ; qu'il ne peut être soutenu que le préjudice consécutif au refus de renouvellement de la délégation de maître auxiliaire ne saurait s'étendre sur plus d'une année, alors que le préjudice causé par le refus illégal de renouvellement s'est poursuivi et aggravé par la répétition des décisions, expresses ou implicites, refusant de tirer les conséquences de l'annulation de la décision illégale de refus ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2007, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui précise que l'arrêté par lequel

M. Y, recteur de l'académie d'Amiens, a reçu délégation de signature en matière d'ordonnancement secondaire a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Somme du 31 mars 1998 ;

Vu la lettre du 5 mars 2007 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du magistrat statuant seul dès lors que l'indemnité demandée par M. X devant le tribunal administratif excédait le montant fixé par l'article R. 222-14 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;

Vu le décret n° 62-379 du 3 avril 1962 fixant les dispositions applicables aux maîtres auxiliaires des écoles normales primaires, des lycées classiques, modernes et techniques et des collèges d'enseignement technique et aux maîtres d'éducation physique relevant du

haut-commissaire à la jeunesse et aux sports ;

Vu le décret n° 98-81 du 11 février 1998 modifiant la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 et relatif aux décisions prises par l'Etat en matière de prescription quadriennale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et

M. Alain de Pontonx, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que le Tribunal administratif d'Amiens n'a pas répondu au moyen soulevé devant lui par M. Lionel X, tiré de ce qu'il devait être regardé comme ne connaissant l'existence de sa créance pour la période du 7 mars 1986 au

12 septembre 1992 que depuis le 14 janvier 1998, date à laquelle le Conseil d'Etat a reconnu que la responsabilité de l'Etat était engagée du fait de l'illégalité de la décision du recteur de l'académie d'Amiens refusant de renouveler sa délégation rectorale de maître auxiliaire et de le réintégrer et a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 300 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de cette décision pour la période du 18 juin 1982 au 6 mars 1986 ; qu'ainsi, M. X est fondé à soutenir que le jugement du 21 octobre 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est entaché d'une insuffisance de motivation et à en demander pour ce motif l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur la prescription :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (…) » ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par (…) tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ; et que selon l'article 3 de la même loi, la prescription ne court pas contre le créancier « qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 1998 susvisé : « Les ordonnateurs principaux ou secondaires sont compétents pour opposer la prescription quadriennale aux créances sur l'Etat intéressant les dépenses dont ils sont ordonnateurs » ; qu'en vertu de l'arrêté du 21 décembre 1982 modifié portant règlement de comptabilité pour la désignation des ordonnateurs secondaires et de leurs délégués du ministère de l'éducation nationale, le préfet de région est compétent pour opposer la prescription quadriennale aux créances sur l'Etat intéressant les dépenses dont il est ordonnateur et peut donner délégation de signature au recteur d'académie ;

Considérant, en premier lieu, que le recteur de l'académie d'Amiens a opposé l'exception de prescription quadriennale à la créance dont se prévaut M. X par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 22 juin 1998 ; que, par un arrêté du 17 février 1998 du préfet de la région Picardie, préfet de la Somme, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Somme du 31 mars 1998, le recteur de l'académie d'Amiens avait reçu délégation de signature en ce qui concerne l'ordonnancement secondaire du budget du ministère de l'éducation nationale, notamment pour tous les actes relatifs à la réparation de dommages ; qu'il avait, par suite, compétence en vertu des dispositions précitées pour opposer la prescription quadriennale à la créance invoquée par M. X ;

Considérant, en deuxième lieu, que par jugement du 29 janvier 1985 confirmé par arrêt du

22 octobre 1993 du Conseil d'Etat, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du

18 juin 1982 par laquelle le recteur de l'académie d'Amiens a refusé à M. X, maître auxiliaire au lycée d'enseignement professionnel Colard de Saint-Quentin, le renouvellement de sa délégation pour l'année scolaire 1982-1983 ; que si le fait générateur de la créance initiale de M. X à l'encontre de l'Etat était constitué par l'illégalité de la décision du 18 juin 1982, les droits éventuels sur lesquels sont fondées les créances qu'invoque le requérant pour la période du 7 mars 1986 au 12 septembre 1992, date de sa réintégration, ont été acquis, compte tenu du caractère annuel des délégations rectorales et de leur renouvellement, au cours de l'année scolaire 1985-1986 et de chacune des années scolaires suivantes ; qu'ainsi, pour cette période, la prescription n'a pu être interrompue par le recours introduit par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens à la suite du rejet implicite de sa demande de paiement présentée le 6 mars 1986, dès lors qu'il portait sur des années différentes et avait pour origine des faits générateurs distincts ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X ne peut être regardé comme ayant ignoré l'existence de sa créance éventuelle pour la période du 7 mars 1986 au 12 septembre 1992 jusqu'à l'intervention de la décision du 14 janvier 1998 du Conseil d'Etat condamnant l'Etat à réparer le préjudice subi par M. X pour la période du 18 juin 1982 au 6 mars 1986, dès lors que, quelle qu'ait été la position des premiers juges sur la nature de l'illégalité commise par l'Etat, il lui était loisible de présenter une demande d'indemnisation et, en cas de refus de l'administration, de former un recours contentieux pour faire valoir ses droits devant le juge administratif ; que, dans ces conditions, sont prescrites les créances dont M. X se prévaut pour la période du 7 mars 1986 au 12 septembre 1992 et dont il n'a demandé le versement que le 4 mars 1998 ; que, par suite, le recteur de l'académie d'Amiens est fondé à opposer l'exception de prescription auxdites créances ;

Sur le préjudice lié au retard mis par le recteur d'académie à rétablir M. X dans ses droits à la suite de la loi d'amnistie de 1988 :

Considérant que M. X ne peut se prévaloir utilement du préjudice résultant du retard mis par le recteur d'académie à le rétablir dans ses droits à la suite de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, dès lors que la décision de refus de renouvellement de sa délégation rectorale, présentant le caractère d'une sanction disciplinaire, a été annulée par le jugement du 29 janvier 1985 du Tribunal administratif d'Amiens, antérieurement à l'intervention de cette loi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. X doit être rejetée ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 9801431 du 21 octobre 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Lionel X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie sera transmise au recteur de l'académie d'Amiens.

N°05DA00328 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Stortz
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/04/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA00328
Numéro NOR : CETATEXT000018003737 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-04-04;05da00328 ?
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