La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2008 | FRANCE | N°05MA02576

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4 ème chambre-formation à 5, 27 mai 2008, 05MA02576


Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2005, présentée pour la société MYRYS, dont le siège est avenue de la Catalogne à Limoux (11300), par Me Frenkel ; la société MYRYS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002289 du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 8 652 000 francs ;

2°) de lui accorder le remboursement de ce crédit de taxe ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de

l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

................................

Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2005, présentée pour la société MYRYS, dont le siège est avenue de la Catalogne à Limoux (11300), par Me Frenkel ; la société MYRYS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002289 du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 8 652 000 francs ;

2°) de lui accorder le remboursement de ce crédit de taxe ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la 6ème directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2008,

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- les observations de Me Lepere, substituant Me Frenkel pour la société MYRYS ;

- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société MYRYS qui exerce une activité de fabrication de chaussures a été déclarée en règlement judiciaire le 12 avril 1996 par le Tribunal de commerce de Limoux qui a homologué un plan de cession à la SA Myrys Investissement le 30 septembre 1996, comprenant notamment la cession du stock facturée le 1er octobre 1996 pour un montant de 42 000 000 de francs hors taxe ; que la société Myrys Investissement n'a jamais réglé le prix de vente du stock entraînant la résolution judiciaire du plan de cession, et sa liquidation judiciaire ; que la société MYRYS a fait l'objet d'une nouvelle procédure de règlement judiciaire le 31 octobre 1997 conduisant le 6 février 1998 à l'adoption d'un nouveau plan de cession ; que la société MYRYS qui, malgré l'émission de la facture, n'avait pas réglé la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la cession de stock à la société Myrys Investissement a fait l'objet d'un redressement d'un montant de 8 652 000 francs notifié le 13 janvier 1998 sur le fondement des dispositions de l'article 283-3 du code général des impôts ; que la société MYRYS qui considère sur le fondement des dispositions de l'article 272 du code général des impôts que la créance qu'elle détenait sur la société Myrys Investissement était définitivement irrécouvrable a, par l'intermédiaire de son administrateur judiciaire, déposé le 10 décembre 1999 une demande de remboursement d'un crédit de taxe de 8 652 000 francs qui a été rejetée par décision du 28 mars 2000 au motif que la société ne s'était pas acquittée de la taxe ; qu'elle a contesté ce refus devant le Tribunal administratif de Montpellier, lequel, par jugement du 7 juillet 2005, a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que par le jugement attaqué du 7 juillet 2005, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société MYRYS en se bornant à affirmer que pour l'application des dispositions de l'article 272-1, l'exigence d'une facture rectificative lorsque les opérations sont annulées ou les créances irrécouvrables ne contreviennent pas au principe communautaire de proportionnalité, sans indiquer les motifs qui l'ont conduit à retenir cette solution ; que la société requérante est, par suite, fondée à soutenir qu'il n'a pas suffisamment motivé son jugement qui doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société MYRYS devant le tribunal administratif ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que dans ses écritures initiales, la société MYRYS demandait d'une part, le remboursement d'un crédit de taxe d'un montant de 8 652 000 francs et, d'autre part, se prévalait des dispositions de l'article L.205 du livre des procédures fiscales pour demander la compensation entre le redressement qui lui avait été notifié le 13 janvier 1998 et le crédit de taxe de même montant dont elle soutient être titulaire ; que postérieurement à l'introduction de sa requête d'appel, la société MYRYS s'est finalement acquittée le 6 mars 2006 de la taxe due sur la cession du stock faisant l'objet du redressement ; que ce paiement rend la demande de compensation sans objet ; qu'il n'y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur le bien-fondé du refus de remboursement :

En ce qui concerne l'incompatibilité des dispositions de l'article 272 1. du code général des impôts avec la 6ème directive et le principe de proportionnalité :

Considérant qu'aux termes de l'article 11 C de la 6e directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 susvisée : «1. En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres. Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger à cette règle (...)» ; qu'aux termes des dispositions de l'article 272 du code général des impôts : « 1. La TVA qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale (...) » ; qu'il résulte des dispositions de cet article que l'émission d'une facture rectificative par l'entreprise créancière et la justification de son émission auprès de l'administration est exigée bien que la société cliente ait été déclarée en liquidation judiciaire et le caractère définitivement irrécouvrable de la créance ainsi établi ;

Considérant cependant que la société requérante soutient que l'exigence par l'article 272 du code général des impôts tel qu'interprété ci-dessus, de la production d'une facture rectificative en l'absence de paiement par l'entreprise cliente dont la liquidation judiciaire a été déclarée n'est pas compatible avec le principe communautaire de proportionnalité et avec les dispositions précitées de l'article 11 C de la sixième directive qui ne permettent de déroger à la règle selon laquelle la base de la taxe est constituée par la contrepartie réellement reçue que dans la limite strictement nécessaire pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ;

Considérant que l'émission de la facture initiale de cession du stock le 1er octobre 1996 a entraîné l'exigibilité de la taxe pour la société MYRYS et corrélativement le droit de la société Myrys Investissement de la déduire ; qu'il est constant que la Société Myrys Investissement a mentionné sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée en 1996, dès son premier mois d'activité, une taxe déductible de plus de 10 millions de francs incluant la taxe de 8 652 369 francs afférente à la cession du stock, ce qui lui a permis de bénéficier d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui s'analyse comme une créance contre l'Etat ; que la société Myrys Investissement n'ayant jamais réglé la facture relative à la cession du stock, l'administration ne pouvait récupérer la taxe sur la valeur ajoutée indûment déduite à raison de cette opération que sur la base de la facture rectificative émise par la société venderesse et communiquée au service ; que corrélativement, la société MYRYS ne pouvait obtenir le remboursement du trop-versé de taxe qu'après l'émission de cette facture rectificative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exigence d'une facture rectificative ne constitue pas seulement une condition formelle du droit à restitution ; qu'elle a pour objet de garantir le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et constitue un moyen de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ; que contrairement à ce que soutient la société requérante et compte tenu de son objet, l'exigence d'une facture rectificative n'est pas superflue lorsque, comme en l'espèce, la société cliente est déclarée en liquidation judiciaire ; qu'ainsi, les dispositions précitées de l'article 272-1 du code général des impôts ne contreviennent pas aux principes résultant de l'application des dispositions de l'article 11 C de la sixième directive, ni au principe communautaire de proportionnalité ;

En ce qui concerne la date de production de la facture rectificative :

Considérant que la société MYRYS soutient que les dispositions précitées de l'article 272 1. alinéa 3 ne conditionnent pas le bénéfice de la restitution à la production concomitante d'une facture rectificative, laquelle peut toujours être produite postérieurement à la demande ; qu'en conséquence, la production par elle le 30 décembre 2002 au cours de l'instance ouverte devant le tribunal administratif d'une telle facture rectificative lui ouvre le droit à restitution de la taxe en litige ;

Considérant que la demande de remboursement par la société venderesse du trop-versé ne peut être favorablement accueillie que si elle a mis l'administration à même de récupérer la taxe auprès du client qui l'a déduite à tort en l'informant de la rectification de la facture ; que lorsque la société cliente est en liquidation judiciaire, la facture rectificative doit être communiquée à l'administration avant la clôture de la liquidation, c'est à dire dans un délai permettant au Trésor Public d'agir dans le cadre de la procédure collective pour récupérer sa créance dans les conditions prévues par l'actuel article L.643-2 alinéa 1 du code de commerce, reprenant les dispositions de l'ancien article L.622-23 du même code et celle de l'ancien article L.269-A du livre des procédures fiscales ; qu'en l'espèce, la facture rectificative n'a, en tout état de cause, été portée à la connaissance de l'administration que le 30 décembre 2002, soit postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire de la société MYRYS Investissement intervenue au cours de l'année 1997 ; que les dispositions de l'article 271-2 dont les conditions d'application ne sont pas réunies s'opposent à ce que la société MYRYS puisse prétendre au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 8 652 000 francs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par la société MYRYS doit être rejetée ;

Sur les conclusions de la société MYRYS tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société MYRYS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 7 juillet 2005 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société MYRYS relative à la compensation.

Article 3 : Le surplus de la demande de la société MYRYS présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société MYRYS et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

2

N° 05MA02576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4 ème chambre-formation à 5
Numéro d'arrêt : 05MA02576
Date de la décision : 27/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : FRENKEL et LIZAMBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-05-27;05ma02576 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award