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13/12/2007 | FRANCE | N°05NC01091

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2007, 05NC01091


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2005, complétée par des mémoires enregistrés les 26 septembre 2005, 27 janvier et 9 juin 2006, présentée par la SA AFFINERIE DE L'EST, dont le siège est 7 rue de l'Industrie à Bischwiller (67240), par Me Balmitgère, avocat ; la SA AFFINERIE DE L'EST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-3440, en date du 14 juin 2005, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de l'obligation de payer la dette fiscale de son ancienne locataire gérante, la société al

sacienne de matières premières (S.A.M.P.) au titre des années 1997 à 2000,...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2005, complétée par des mémoires enregistrés les 26 septembre 2005, 27 janvier et 9 juin 2006, présentée par la SA AFFINERIE DE L'EST, dont le siège est 7 rue de l'Industrie à Bischwiller (67240), par Me Balmitgère, avocat ; la SA AFFINERIE DE L'EST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-3440, en date du 14 juin 2005, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de l'obligation de payer la dette fiscale de son ancienne locataire gérante, la société alsacienne de matières premières (S.A.M.P.) au titre des années 1997 à 2000, pour un montant total de 2 733 463,83 euros ;

2°) de lui accorder la décharge ou à tout le moins la réduction de cette obligation solidaire de payer les impositions en litige ;

3°) de lui accorder un sursis de paiement jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le présent litige ;

4°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


La SA AFFINERIE DE L'EST soutient que :

- elle a été rendue débitrice solidaire d'impositions dues par son ancienne locataire-gérante, la société « S.A.M.P. », sans avoir pu discuter les redressements subis par cette dernière, ce qui révèle une méconnaissance de principes constitutionnels notamment celui d'égalité devant les charges publiques ;

- l'administration a également méconnu les stipulations de la convention européenne des droits de l'homme, en particulier le droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1, et la prohibition des discriminations entre contribuables prévue par l'article 14, ainsi que le droit au respect de ses biens garanti par le protocole additionnel n° 1 ;

- le jugement n'a pas pris en compte la limitation de l'obligation de solidarité régie par l'article 1684 du code général des impôts, qui ne pouvait concerner que la dernière année d'imposition en litige ;

- l'article 1684-3 du code général des impôts est contredit par l'article L. 144-7 du code de commerce ;

- la résiliation de la location gérance au 31 décembre 2001 devait être prise en compte, ce qui ne permettait plus une saisie de biens en 2002 ;

- le tribunal administratif fait erreur sur les activités réelles de la locataire qui n'a jamais pu, pour des motifs juridiques et matériels, effectuer l'affinage de métaux non ferreux ; en réalité, l'entreprise assurait le négoce de matières premiers diverses ; il s'ensuit que les impositions contestées sont basées sur des opérations étrangères à l'exploitation consentie par le bailleur ;

A titre subsidiaire :

Les bases des impositions sont surestimées ; elles intègrent indûment des achats réglés en espèces par M. Philippe Dupont et la décision à ce sujet n'est pas motivée ; par ailleurs, le service refuse la déduction de charges facturées au nom de la société « SAFINAL », alors que la société « S.A.M.P. » en a repris les obligations ; la liste des bénéficiaires de prélèvements en espèces a été fournie à l'administration ; les montants redressés doivent en conséquence être réduits de : 5 000 200 francs à 539 037 francs et de : 4 837 040 francs à 1 687 789 francs, au titre respectivement des exercices 1997 et 1998 ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu, enregistré au greffe le 22 décembre 2005, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la société a été, à bon droit, rendue débitrice solidaire des impositions dues par sa locataire-gérante, la société « S.A.M.P. », conformément à l'article 1684-3 du code général des impôts ; l'article L. 144-7 du code de commerce est sans incidence sur le présent litige ; il n'est pas établi que les droits constitutionnels de la requérante auraient été méconnus ;

- les impositions ont été mises en recouvrement avant la résiliation du contrat de location-gérance invoqué ;


Vu, enregistrés au greffe les 13 février et 18 octobre 2006, les nouveaux mémoires présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;


Vu la note, en date du 24 octobre 2007, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour informe les parties au litige que les moyens, soulevés en appel, relatifs à la procédure de redressement et à l'assiette des impositions, pourraient être considérés comme irrecevables par application de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales ;


Vu, enregistré au greffe le 18 novembre 2007, le nouveau mémoire par lequel la SA AFFINERIE DE L'EST confirme ses conclusions et moyens ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2007 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;



Sur les prescriptions alléguées :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1684 du code général des impôts : « …3. Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette entreprise des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds. 4. Les tiers visés aux 1 à 3 sont tenus solidairement avec les contribuables d'effectuer … les versements prévus par l'article 1664 à concurrence de la fraction de ces versements calculés sur les cotisations correspondantes mises à la charge du redevable dans les rôles concernant la dernière année au titre de laquelle il a été imposé » ; que l'article 1664 auquel il est fait renvoi régit les versements d'acomptes d'impôt sur le revenu des contribuables n'ayant pas opté pour des paiements mensuels ; que ces dernières dispositions et, par suite, celles du 4 de l'article 1684 sont, en tout état de cause, inapplicables à des rappels d'impôt sur les sociétés, comme ceux contestés en l'espèce ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce que la combinaison des dispositions précitées ne permettaient pas de recouvrer auprès de la débitrice solidaire des impositions autres que celles de la dernière année en litige ;


Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 144-7 du code de commerce : « Jusqu'à la publication du contrat de location-gérance et pendant un délai de six mois à compter de cette publication, le loueur de fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du fonds » ; que la société requérante ne peut utilement opposer à l'administration le délai prévu par ces dernières dispositions, régissant les relations de droit privé entre le bailleur et le preneur d'un fonds de commerce, à l'occasion d'un litige fiscal, entrant, par sa nature, dans le champ d'application des dispositions spécifiques du code général des impôts ;



Sur la solidarité de la société requérante à la dette fiscale de sa locataire-gérante :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels d'impôt sur les sociétés en litige ont été initialement mis à la charge de la SARL « S.A.M.P. » au titre des exercices 1997 et 1998 ; que durant la période correspondante, cette société, exploitait en vertu d'un contrat de location-gérance, le fonds de commerce de la SA AFFINERIE DE L'EST ; que ce contrat a pris fin le 31 décembre 2001 ; que le Trésor public a sollicité du bailleur, en sa qualité de débiteur solidaire, le paiement des impositions susmentionnées, auxquelles le preneur était assujetti, sur le fondement de l'article 1684-3 du code général des impôts précité ;


Considérant, en premier lieu, que la requérante réitère en appel le moyen tiré d'une méconnaissance, par ces dispositions législatives, de la Constitution, et en particulier du principe d'égalité des contribuables ; qu'il y a lieu, par adoption du motifs des premiers juges, d'écarter ce moyen ;


Considérant, en deuxième lieu, que la société invoque l'incompatibilité de ces mêmes dispositions de la loi interne avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que d'une part, contrairement à ce qu'elle soutient, les dispositions du code général des impôts et du livre des procédures fiscales permettent à une personne rendue solidairement débitrice de la dette d'un contribuable déterminé, d'en contester tant l'assiette que les modalités de son recouvrement, à condition de respecter les règles de procédure régies par la loi interne ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la requérante aurait été dans l'impossibilité de discuter le principe et le montant de sa dette fiscale solidaire, en violation du droit à un procès équitable prévu par l'article 6-1 de cette convention, doit être écarté en tout état de cause ; que d'autre part, si la société requérante invoque une discrimination et une méconnaissance de son droit à la protection de ses biens, en violation de l'article 14 de cette convention et de l'article 1er de son protocole additionnel, elle n'établit pas en quoi une solidarité au paiement de l'impôt prévue, sans aucune distinction, à la charge des bailleurs de fonds de commerce aurait pu générer un tel traitement discriminatoire à son détriment ;


Considérant, en troisième lieu que, contrairement à ce que soutient l'appelante le Trésor public pouvait mettre en oeuvre une saisie de ses propres biens en 2002, nonobstant la résiliation du contrat de location-gérance susmentionné depuis le 31 décembre 2001, dès lors qu'il poursuivait ainsi le recouvrement d'une créance dont le fait générateur se situait antérieurement à cette dernière date ;


Considérant, en quatrième lieu, que si la société requérante allègue une modification des activités de sa locataire gérante qui, n'ayant pu poursuivre l'activité métallurgique du bailleur, s'est reconvertie dans le commerce des matières premières, elle n'établit pas, ni même n'allègue, que les autres éléments du fonds de commerce auraient disparu avant le 31 décembre 2001, en particulier le droit de l'exploitant d'occuper les lieux, ni qu'elle aurait cessé d'être créancière des loyers convenus ; que les circonstances de fait alléguées, à les supposer établies, ne remettent pas en cause la solidarité à la dette fiscale du bailleur, prévue par les dispositions précitées du 3 de l'article 1684, lesquelles ne permettent nullement de prendre en compte une éventuelle évolution des activités de l'exploitant en cours de contrat ;



Sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R.281-5 du livre des procédures fiscales : « Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires » ; que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le contribuable soulève devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, des moyens de droit nouveaux, c'est à la condition que ces derniers n'impliquent pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'il lui eût appartenu de produire ou d'exposer dans sa demande au trésorier-payeur général ;

Considérant qu'il résulte de l'examen de la réclamation préalable adressée par le conseil de la SA AFFINERIE DE L'EST au Trésorier-payeur général du Bas-Rhin le 10 avril 2002, que la société conteste uniquement les conditions dans lesquelles elle a été rendue débitrice solidaire des impositions dues initialement par la société « S.A.M.P. » à laquelle elle avait consenti une mise en location-gérance de son fonds de commerce ; qu'il suit de là que l'ensemble des moyens, soulevés pour la première fois devant la Cour, tirés de ce que les impositions en litige auraient été établies au terme d'une procédure irrégulière et seraient calculées à partir de bases surévaluées dont l'examen implique l'étude d'éléments de fait ou de pièces justificatives, qui n'ont pas été soumis à l'administration à l'occasion de la réclamation sus-mentionnée, sont en tout état de cause irrecevables en appel, et doivent être écartés pour ce motif ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA AFFINERIE DE L'EST n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;



Sur les conclusions de la requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SA AFFINERIE DE L'EST la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la SA AFFINERIE DE L'EST est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA AFFINERIE DE L'EST et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N° 05NC01091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC01091
Date de la décision : 13/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : CABINET PIERRE et ERIC BALMITGERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-12-13;05nc01091 ?
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