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30/11/2006 | FRANCE | N°06LY00901

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 5, 30 novembre 2006, 06LY00901


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2006, présentée pour M. Benoît X, domicilié ..., par la SCP d'avocats Lefèvre Pelletier et associés ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0505001 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble en date du 31 mars 2006 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 1 172 407 euros assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) de prononcer cette condamnation et de lui allouer également une somme de

15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2006, présentée pour M. Benoît X, domicilié ..., par la SCP d'avocats Lefèvre Pelletier et associés ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0505001 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble en date du 31 mars 2006 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 1 172 407 euros assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) de prononcer cette condamnation et de lui allouer également une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2006 :

- le rapport de M. Gailleton, président ;

- et les conclusions de M. Gimenez, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a réalisé au cours de l'année 1996 une plus-value d'échange de titres, d'un montant de 29 578 795 francs (4 509 258,23 euros), à l'occasion de l'apport de l'ensemble de sa participation dans la société Infogrames Entertainment à la société Infogrames Participations ; que cette plus-value a fait l'objet, sur sa demande, d'un report d'imposition sur le fondement des dispositions du II de l'article 92-B alors en vigueur du code général des impôts, qui prévoient le report, jusqu'à la date de la cession des titres, de l'imposition des plus-values constatées notamment à l'occasion d'opérations d'échange ; que le transfert de son domicile en Belgique, le 15 mai 1999, a entraîné, en application des dispositions alors en vigueur du 1 bis de l'article 167 du même code, l'expiration du report d'imposition et l'imposition immédiate de la plus-value, soit des cotisations de 4 732 607 francs (721 481,29 euros) au titre de l'impôt sur le revenu et de 2 957 880 francs (450 925,90 euros) au titre des contributions sociales, qui ont été mises en recouvrement le 30 novembre 1999 et dont le contribuable s'est acquitté le 13 janvier 2000 ; que par réclamation du 24 novembre 2004, M. X a demandé la restitution de ces impositions au motif, notamment, qu'elles étaient contraires au droit communautaire, en particulier, au principe de liberté d'établissement posé par l'article 52, devenu 43 CE, du traité des Communautés Européennes ; qu'après rejet de cette réclamation, M. X a porté le litige devant le Tribunal administratif de Grenoble ; que dans l'attente d'une décision au fond, il a demandé au même tribunal, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la condamnation de l'Etat au paiement d'une provision de 1 172 407 euros, majorée des intérêts moratoires, représentative du montant de ces cotisations ; qu'il fait appel de l'ordonnance susvisée du 31 mars 2006 par laquelle le juge des référés du Tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la provision :

Considérant que, par arrêt du 11 mars 2004, la Cour de justice des communautés européennes, statuant sur la question préjudicielle qui lui avait été soumise par le Conseil d'Etat dans sa décision du 14 décembre 2001 statuant au contentieux sur la requête de M. de Lasteyrie du Saillant, a dit pour droit que « le principe de la liberté d'établissement posé par l'article 52 du traité CE (devenu après modification, article 43 CE) doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre institue, à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale, un mécanisme d'imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l'article 167 bis du CGI français, en cas de transfert du domicile fiscal d'un contribuable hors de cet Etat » ;

Considérant que si l'arrêt précité de la Cour de justice des communautés européennes, qui interprète le principe de la liberté d'établissement comme s'opposant à ce qu'un Etat membre de l'Union européenne institue un mécanisme d'imposition des plus-values non encore réalisées en cas de transfert du domicile fiscal d'un contribuable dans un autre Etat membre, ne se réfère qu'au mécanisme prévu par l'article 167 bis alors en vigueur du code général des impôts, au sujet duquel il avait été saisi par la décision du Conseil d'Etat du 14 décembre 2001, il résulte de ses termes-mêmes qu'il a également pour effet de déclarer incompatibles avec le traité l'ensemble des mécanismes similaires d'imposition immédiate des plus-values non encore réalisées en cas de transfert du domicile fiscal d'un Etat membre à un autre Etat membre et, ainsi, notamment, celui institué par les dispositions susmentionnées du 1 bis de l'article 167 mettant fin au report d'imposition des plus-values constatées dans le cadre de l'article 92 B, ces dernières dispositions ayant d'ailleurs été instituées, comme celles de l'article 167 bis, par le même article 24 de la loi de finances pour 1999, et abrogées comme celles-ci par la loi de finances pour 2005 aux fins de mettre l'imposition des plus-values en report d'imposition en conformité avec le droit communautaire ; que, par suite, l'incompatibilité avec le droit communautaire d'un tel mécanisme d'imposition doit être regardée comme ayant été révélée par cette décision juridictionnelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision juridictionnelle de la Cour de justice des communautés européennes du 11 mars 2004, d'une part, représente un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales constituant le point de départ du délai de réclamation, et, d'autre part, autorise le requérant, en application du 3ème alinéa de l'article L. 190 du même livre dans sa rédaction alors en vigueur, à exercer l'action en restitution de l'indu des sommes en litige, versées postérieurement au 1er janvier 2000 ; qu'il suit de là que l'obligation dont se prévaut le requérant ne pouvant être sérieusement contestée, ni au motif de la tardiveté de sa réclamation du 24 novembre 2004, ni au titre du bien-fondé de l'imposition, l'existence de l'obligation de l'Etat de restituer les sommes en litige, dont se prévaut M. X, doit être regardée, en l'état du dossier, comme non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

Sur les intérêts moratoires :

Considérant que si le juge des référés statuant sur une demande de provision peut, sur demande du requérant, assortir la provision du montant des intérêts légaux, il ne peut condamner l'Etat à payer les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de décharge d'une imposition ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de provision ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0505001 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble en date du 31 mars 2006 est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X une provision de 1 172 407 euros.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 06LY00901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 06LY00901
Date de la décision : 30/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Dominique GAILLETON
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : LEFEVRE PELLETIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-11-30;06ly00901 ?
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