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06/12/2007 | FRANCE | N°06NC01625

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2007, 06NC01625


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2006, présentée pour le DEPARTEMENT DES ARDENNES, par Me Bazin, avocat ; le DEPARTEMENT DES ARDENNES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201649 en date du 19 octobre 2006 en tant que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande de M. et Mme X, annulé la décision en date du 28 juin 2002 par laquelle le président du Conseil général des Ardennes a refusé de prendre en charge les frais de transport de leur fille B scolarisée au collège public de Vouziers ;
2°) de rejeter la demande formée par M.

et Mme X devant le tribunal Y ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme X ...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2006, présentée pour le DEPARTEMENT DES ARDENNES, par Me Bazin, avocat ; le DEPARTEMENT DES ARDENNES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201649 en date du 19 octobre 2006 en tant que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande de M. et Mme X, annulé la décision en date du 28 juin 2002 par laquelle le président du Conseil général des Ardennes a refusé de prendre en charge les frais de transport de leur fille B scolarisée au collège public de Vouziers ;
2°) de rejeter la demande formée par M. et Mme X devant le tribunal Y ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme X une somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le DEPARTEMENT DES ARDENNES soutient que :
- les élèves fréquentant un collège privé ne sont pas dans la même situation que ceux scolarisés dans un collège public, qui sont soumis au respect de la carte scolaire organisée par les dispositions des articles D 211-9 et suivants du code de l'éducation ; en appliquant à ces deux catégories d'usagers des règles de prise en charge différentes, tout en limitant le bénéfice de la gratuité aux seuls collégiens fréquentant le collège privé le plus proche de leur secteur scolaire, il n'a pas instauré une inégalité de traitement illégale dans l'accès au service public des transports scolaires géré par le département ;
- l'assemblée départementale a pu régulièrement écarter le choix de la langue vivante des dérogations justifiant le maintien de la gratuité pour les collégiens dérogeant au respect de la carte scolaire ; la circonstance que l'inspecteur d'académie ait autorisé une dérogation à la carte scolaire pour permettre à B X de fréquenter le collège public de Vouziers ne lui est pas opposable ;
- la discrimination créée trouve sa justification dans une nécessité d'intérêt général en rapport avec le service public tant des transports scolaires (économies réalisées) que de l'éducation nationale (condition indispensable au regroupement, à la mise en réseau des petits collèges ruraux et à la création de collèges multisites) ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2007, présenté par M. et Mme X, qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2.000 € soit mise à la charge du DEPARTEMENT DES ARDENNES au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le refus d'accorder une carte de transport gratuit à leur fille B viole le principe d'égalité entre les citoyens ; des collégiens habitant la même commune et souhaitant apprendre l'espagnol en seconde langue vivante bénéficient des transports gratuits s'ils fréquentent un établissement privé alors qu'ils sont exclus de cet avantage s'ils sont scolarisés dans un collège public ;
- la réglementation appliquée par le département viole le principe de laïcité, la liberté de conscience de l'enfant et de ses parents ainsi que la liberté de l'enseignement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;
Vu le décret n° 80-11 du 3 janvier 1980 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2007 :
- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,
- les observations de M. X,
- et les conclusions de M. Collier, Commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions d'annulation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, domiciliés à ... dans les Ardennes, ont, en application des dispositions de l'article 6 du décret susvisé du 3 janvier 1980, obtenu de l'inspecteur d'académie une dérogation pour que leur fille soit scolarisée au collège public Paul Drouot à Vouziers, situé hors de leur secteur scolaire de rattachement, pour y suivre, au titre de la langue vivante II, un enseignement d'espagnol ; qu'ils ont ensuite sollicité du président du conseil général des Ardennes qu'il leur accorde une carte de transport scolaire à titre gratuit ; que, par décision du 28 juin 2002, le président du conseil général a refusé ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé cette décision en faisant droit au moyen soulevé par les demandeurs et tiré de l'existence d'une rupture d'égalité entre les élèves de l'enseignement privé et les élèves de l'enseignement public, en se fondant sur la circonstance que les élèves résidant à Voncq, et scolarisés dans un établissement privé de Vouziers leur permettant de suivre un enseignement d'espagnol, bénéficiaient de la gratuité du transport solaire ;
Considérant que l'organisation et le fonctionnement des transports scolaires, dont la responsabilité a été transférée aux départements en vertu des dispositions de l'article 29 de la loi du 22 juillet 1983, complétant la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, désormais codifiées sous l'article L. 213-11 du code de l'éducation, présentent le caractère d'un service public dont l'accès est soumis au respect du principe d'égalité entre les usagers ;
Considérant que la décision litigieuse a été prise en application d'une délibération en date du 13 février 1996, confirmée le 19 décembre 2001, par laquelle le conseil général du DEPARTEMENT DES ARDENNES a défini les modalités d'organisation du service départemental des transports scolaires ; qu'aux termes de cette délibération, la collectivité a pris en compte les exigences des articles 5 et 6 du décret susvisé du 3 janvier 1980 et décidé que seuls les élèves de l'enseignement public fréquentant le collège situé dans le secteur scolaire dont ils relèvent bénéficient, à titre gratuit, de la délivrance d'une carte de transport scolaire ; que s'agissant des élèves fréquentant un établissement privé sous contrat ou bénéficiant de la reconnaissance, le DEPARTEMENT DES ARDENNES a décidé de les prendre en charge sur les circuits existants selon les mêmes conditions que les élèves de l'enseignement public, dans la mesure où ils sont inscrits dans l'établissement le plus proche de leur secteur scolaire ; qu'eu égard aux modalités différentes d'affectation des élèves dans l'enseignement public et dans l'enseignement privé, le DEPARTEMENT DES ARDENNES a pu légalement distinguer la situation des élèves de l'enseignement public et des élèves de l'enseignement privé dès lors que les élèves qui fréquentent un établissement d'enseignement public situé hors du secteur de ramassage scolaire dont dépend leur domicile ne se trouvent pas, à l'égard du service public des transports scolaires, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dans la même situation que les élèves qui fréquentent l'établissement privé le plus proche de leur domicile et que la différence de traitement analysée plus haut, qui est en rapport avec l'objet de la loi du 31 décembre 1959 susvisée, n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation qui la justifie ; que, dans ces conditions, le DEPARTEMENT DES ARDENNES est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision refusant d'accorder à M. et Mme X une carte de transport scolaire à titre gratuit pour leur fille était illégale à raison de la discrimination de traitement existant entre les usagers du service public ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et devant la Cour ;
Considérant, d'une part, que la circonstance qu'en application des dispositions de l'article 6 du décret susvisé du 3 janvier 1980, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale des Ardennes, a, par décision du 30 avril 2002, accordé à B X une dérogation pour qu'elle soit scolarisée au collège Paul Drouot à Vouziers, situé hors de son secteur scolaire de rattachement, est sans influence sur la légalité de la décision en date du 28 juin 2002 par laquelle le président du Conseil général des Ardennes a refusé de prendre en charge gratuitement ses frais de transport scolaire ;
Considérant, d'autre part, qu'en réservant la gratuité aux seuls collégiens fréquentant l'établissement privé le plus proche de leur secteur scolaire, le DEPARTEMENT DES ARDENNES établit une sectorisation scolaire comparable à celle prévalant pour les seuls établissements publics ; qu'il favorise ainsi l'exercice effectif de la liberté de l'enseignement consacrée par l'article premier de la loi susvisée du 31 décembre 1959, désormais codifié sous l'article L. 151-1 du code de l'éducation, et ne viole ni la laïcité républicaine, ni la liberté de conscience des collégiens et de leurs parents ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des principes sus-énoncés, qui n'est au surplus pas assorti de précisions, doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DES ARDENNES est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du 28 juin 2002 refusant d'accorder à M. et Mme X une carte de transport scolaire à titre gratuit ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du DEPARTEMENT DES ARDENNES, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme X la somme que demande le DEPARTEMENT DES ARDENNES au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 19 octobre 2006 est annulé en tant qu'il a annulé la décision en date du 28 juin 2002 par laquelle le président du Conseil général des Ardennes a refusé de prendre en charge les frais de transport de B X, scolarisée au collège public de Vouziers .
Article 2 : La demande d'annulation présentée par M et Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DES ARDENNES et les conclusions de M. et Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DES ARDENNES et à
M et Mme X.
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N°06NC01625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01625
Date de la décision : 06/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BLOCQUAUX - BROCARD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-12-06;06nc01625 ?
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