La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2008 | FRANCE | N°06NT01955

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 avril 2008, 06NT01955


Vu, I, sous le numéro 06NT01955, la requête enregistrée le 20 novembre 2006, présentée pour M. Roland X, demeurant ..., par Me Aldebert, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 02-186 et 02-729 en date du 19 septembre 2006 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1999 à raison, d'une part, de l'inscription

d'une somme de 580 487 F au poste “dette de TVA due à l'Etat” et, d'au...

Vu, I, sous le numéro 06NT01955, la requête enregistrée le 20 novembre 2006, présentée pour M. Roland X, demeurant ..., par Me Aldebert, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 02-186 et 02-729 en date du 19 septembre 2006 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1999 à raison, d'une part, de l'inscription d'une somme de 580 487 F au poste “dette de TVA due à l'Etat” et, d'autre part, de la cession du fonds de commerce de restaurant “L'Entracte” ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires susmentionnées ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens s'il y a lieu ;

.....................................................................................................................

Vu, II, sous le numéro 07NT00059, enregistré le 9 janvier 2007, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 02-186 et 02-729 en date du 19 septembre 2006 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a, par ses articles 1 et 2, accordé à M. X la décharge, d'une part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1999 à raison de l'apport en société d'un fonds de commerce et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1996 à raison d'opérations d'apport de fonds de commerce ;

2°) de remettre à la charge de M. X les impositions susmentionnées déchargées par le tribunal ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2008 :

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête et le recours susvisés sont dirigés contre le même jugement, concernent le même contribuable et ont fait l'objet d'une instruction commune; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête de M. X :

Considérant, en premier lieu, que M. X, en tant qu'il exerce une activité déclarée de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1999 ; que le vérificateur a notamment constaté à l'occasion de ce contrôle qu'à la clôture de l'exercice 1996, le compte “TVA collectée” de la comptabilité de M. X comportait un solde créditeur d'un montant de 580 487 F ; qu'il a estimé que cette somme n'avait pas été déclarée et a procédé à son rappel ; qu'un tel solde résultant d'une différence entre la taxe sur la valeur ajoutée créditée à ce compte et celle reversée au Trésor laisse présumer une insuffisance de paiement, sauf pour le redevable à justifier cette différence ; qu'en se bornant à soutenir que l'inscription de sommes au passif du bilan d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas à elle seule, en l'absence de toute autre précision, un acte comportant reconnaissance du redevable, il ne justifie pas de ladite différence ; qu'à supposer que le requérant ait entendu par ce moyen contester le caractère suffisant de la motivation du rappel de taxe sur la valeur ajoutée en cause dans la notification de redressements, il résulte de l'instruction que le vérificateur a justifié le redressement dans la notification par une référence aux écritures comptables inscrites dans le grand livre présenté par le contribuable pour l'année 1996 et par l'absence de déclaration des soldes créditeurs des comptes “TVA collectée” ; que M. X, qui a été ainsi mis à même de présenter des observations de façon entièrement utile, n'est pas fondé à soutenir que le redressement n'aurait pas été suffisamment motivé ;

Considérant, en second lieu, que M. X a cédé le 11 septembre 1998, au prix de 950 000 F un fonds de commerce de restaurant-bar “le Lyonnais” qu'il avait acquis le 16 avril 1998 en tant que marchand de biens ; que le vérificateur a constaté, lors de la vérification de comptabilité qui a porté, comme il a été dit, sur la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1999, l'absence de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette cession ; qu'il a, en conséquence, procédé au rappel de cette taxe ; que si le requérant, qui ne conteste pas le principe de ce rappel, fait valoir que le prix de cession lui a été versé en deux fractions, l'une en 1998 et la seconde fraction le 15 janvier 1999, alors que l'administration soutient qu'il a disposé de la totalité du prix en 1998, il ne soutient, ni même n'allègue que la taxe afférente à cette cession ne serait pas devenue exigible au cours de la période vérifiée ; que, par suite et en tout état de cause, la circonstance, à la supposer établie, que la seconde fraction du prix de cession n'a été effectivement inscrite sur le compte bancaire de M. X que le 15 janvier 1999 est sans incidence sur le bien-fondé du rappel de la taxe y afférente ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la décharge des deux rappels de taxe sur la valeur ajoutée susmentionnés auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1999 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : “Sont également passibles de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 6°) les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de société immobilière et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; (...)” ; et qu'aux termes du I de l'article 35 du même code : “Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce (...)” ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations d'achat procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel ;

Considérant que M. X, qui exerçait la double activité de marchand de biens et de restaurateur, a acquis le 20 mai 1992, le 21 septembre 1993 et le 17 octobre 1995, auprès de sociétés en liquidation judiciaire, respectivement un fond de commerce de restaurant précédemment exploité à la Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) sous l'enseigne “Horizon 4”, un fonds de même nature précédemment exploité à Orléans sous l'enseigne “L'Amérique” ainsi qu'un droit au bail pour l'exploitation d'un fonds de commerce à Blois ; qu'il a déclaré, dans les actes d'acquisition, agir en qualité de marchand de biens et pris l'engagement de revendre les biens acquis dans un délai de quatre ans afin de bénéficier des dispositions de l'article 1115 du code général des impôts exonérant les marchands de biens des droits et taxes de mutation ; qu'il a, toutefois, inscrit les deux fonds et le droit au bail à l'actif immobilisé de son entreprise individuelle ; qu'après les avoir exploités lui-même, il a fait apport, au cours de l'année 1996, de chacun de ces éléments d'actif à une société différente ; qu'il a déclaré avoir réalisé lors de ces apports des plus-values qu'il a placées sous le régime de report d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts ; que le service a estimé que les fonds de commerce et le droit au bail en cause, dès lors qu'ils avaient été acquis par M. X en vue de les revendre dans le cadre de son activité de marchand de biens, devaient être qualifiés d'éléments de stocks et non d'immobilisations ; qu'il a regardé les plus-values d'apport comme des bénéfices professionnels imposables au taux progressif et les a intégrées dans les bénéfices industriels et commerciaux de l'année 1996 ; qu'il a également imposé à la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement du 6° de l'article 257 du code général des impôts, l'opération d'apport du fonds de commerce d'Orléans “L'Entracte” pour laquelle aucune taxe n'avait été déclarée ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à M. X la décharge des impositions supplémentaires consécutives à ces redressements ;

Considérant que le MINISTRE fait valoir en appel sans être contredit que M. X a exercé de façon habituelle, de 1987 jusqu'à 1998, son activité déclarée de marchand de biens ; qu'au vu des stipulations des actes d'acquisition des deux fonds de commerce et du droit au bail en litige rappelées ci-dessus, M. X doit être regardé comme ayant manifesté, au moment de chaque acquisition, une intention spéculative ; que, par suite, le MINISTRE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur les seules affirmations de M. X selon lesquelles ces mentions stipulées aux actes étaient erronées et il avait abandonné l'activité de marchand de biens depuis 1991 pour en déduire, d'une part, que M. X était en droit de bénéficier des dispositions de l'article 151 octies du code général des impôts et, d'autre part, que l'apport du fonds de commerce “L'Entracte” n'était pas passible de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

Considérant, en premier lieu, que si M. X soutient avoir cessé son activité de marchand de biens le 13 mars 1991, il résulte de l'instruction qu'outre les acquisitions susmentionnées qu'il a réalisées en 1992, 1993 et 1995 en revendiquant cette qualité, il a également acheté, le 16 avril 1998, en tant que marchand de biens, un fonds de commerce qu'il a revendu le 11 septembre de la même année ; qu'entre 1991 et 1996, il a, par ailleurs, réalisé plus de 155 ventes de garages ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi qu'aux dates auxquelles il a acquis les deux fonds et le droit au bail litigieux, l'intéressé n'aurait plus exercé que son activité de restaurateur ; qu'il n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de ce que, dans sa documentation 8 A-152, n° 2, l'administration estime que la condition d'habitude est établie par la réalisation d'une dizaine de ventes, ce nombre étant en tout état de cause largement dépassé en l'espèce ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que M. X exerce depuis 1983 l'activité de restaurateur et qu'il a personnellement exploité, depuis la date de leur acquisition jusqu'à celle de leur apport, les deux fonds et le bail litigieux, ce qui a permis de rehausser leur valeur, ne suffit pas à établir l'absence d'intention spéculative à la date de leur acquisition ; que cette absence n'est pas davantage démontrée par le fait que les actes d'acquisition contiennent un paragraphe intitulé “TVA sur biens mobiliers d'investissement” dans lequel le cessionnaire s'engage expressément à soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les cessions ultérieures des biens mobiliers d'investissement figurant dans l'universalité totale ou partielle de biens cédée ;

Considérant, en troisième lieu que si M. X fait valoir que les apports des fonds en sociétés ont été effectués à la demande de sa banque, qu'ils ont été rémunérés exclusivement par des parts sociales et non en numéraire et qu'il a continué, en tant que gérant des sociétés bénéficiaires des apports, à assurer l'exploitation desdits fonds, cette triple circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la nature de son intention lors de l'acquisition ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les biens acquis litigieux constituaient pour M. X des éléments de stocks de son activité de marchand de biens et non des immobilisations ; que l'intimé ne peut utilement soutenir à cet égard que l'inscription desdits biens à l'actif immobilisé de son activité de restaurateur aurait constitué une décision de gestion opposable à l'administration, alors que le caractère professionnel des biens en cause n'est en tout état de cause pas contesté et qu'il est constant que le contribuable ne tenait qu'une seule comptabilité pour ses deux activités de marchand de biens et de restaurateur ;

Considérant que le MINISTRE est par suite fondé à soutenir que c'est à bon droit que le vérificateur a estimé, d'une part, que les gains réalisés par M. X lors des apports constituaient non des plus-values susceptibles de bénéficier du régime de report d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts mais des bénéfices industriels et commerciaux imposables immédiatement au taux de droit commun et, d'autre part, que l'apport du fonds de commerce “L'Entracte” était passible de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 6° de l'article 257 du même code ; que M. X ne peut utilement se prévaloir subsidiairement des dispositions du b du I de l'article 151 octies selon lesquelles “les profits afférents aux stocks ne sont pas imposés au nom de l'apporteur si la société bénéficiaire de l'apport inscrit ces stocks à l'actif de son bilan à la valeur comptable pour laquelle ils figurent au dernier bilan de l'entreprise apporteuse” dès lors qu'il n'entre pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de ces dispositions ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. X n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. Sirgue, député (JOAN du 9 mai 1988) et de la documentation administrative 8 A-2111, n° 4 en tant qu'elles prévoient que l'intention de revendre doit s'apprécier d'après les circonstances propres à chaque affaire dès lors que ces doctrines ne contiennent en tout état de cause aucune interprétation formelle de la loi fiscale au sens dudit article ; que si M. X se prévaut de ce que, lors d'un précédent contrôle, l'administration n'aurait pas remis en cause l'amortissement de biens mobiliers compris dans les fonds de commerce acquis en 1992 et 1993, cette abstention du service ne constitue pas une prise de position formelle sur l'application d'un texte fiscal dont il puisse se prévaloir utilement sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à M. X la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et, d'autre part, du supplément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, mis à sa charge à raison de l'apport en 1996 de deux fonds de commerce et d'un droit au bail ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. X a été assujetti au titre de l'année 1996, à raison de l'apport au cours de cette même année de deux fonds de commerce et d'un droit au bail, et le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1999, à raison de l'apport en 1996 du fonds de commerce “L'Entracte”, dont le tribunal a prononcé la décharge, sont remis à la charge de M. X.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 19 septembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roland X et au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE.

N°s 06NT01955...

2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01955
Date de la décision : 23/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : ALDEBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-04-23;06nt01955 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award