La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2010 | FRANCE | N°06PA03398

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 14 juin 2010, 06PA03398


Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2006, présentée pour Mlle Madeleine MO et autres, ci-après visés dans l'article de notification, par Mes Dechelette et Lecoq Vallon ; Mlle MO et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0208006/5-1 en date du 12 juillet 2006 en ce qu'il a seulement rejeté leurs conclusions en réparation des préjudices qu'ils ont subi par le motif tiré de l'absence de justifications apportées ;

2°) de les indemniser à hauteur d'une somme par requérant évaluée à 14 635, 11 euros ;

3°) d'ordonner une mesure d'exp

ertise, à la charge de l'Etat, afin d'effectuer le calcul exact du préjudice de chaque...

Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2006, présentée pour Mlle Madeleine MO et autres, ci-après visés dans l'article de notification, par Mes Dechelette et Lecoq Vallon ; Mlle MO et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0208006/5-1 en date du 12 juillet 2006 en ce qu'il a seulement rejeté leurs conclusions en réparation des préjudices qu'ils ont subi par le motif tiré de l'absence de justifications apportées ;

2°) de les indemniser à hauteur d'une somme par requérant évaluée à 14 635, 11 euros ;

3°) d'ordonner une mesure d'expertise, à la charge de l'Etat, afin d'effectuer le calcul exact du préjudice de chaque requérant après avoir enjoint à l'Union Mutualiste de Retraite, organisme succédant à l'UNMRIFEN-FP, de communiquer contradictoirement les éléments propres à la situation de chacun au regard de ses droits au Complément de Retraite de la Fonction Publique (CREF) ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la mutualité et notamment le décret n° 88-574 du 5 mai 1988 modifiant les dispositions du code de la mutualité (partie réglementaire) relatives aux caisses autonomes mutualistes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2010 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Dechelette pour Mlle MO et autres ;

Considérant que Mlle MO et autres demandent que la responsabilité de l'Etat pour faute lourde soit reconnue, et par voie de conséquence leurs préjudices indemnisés de ce fait, à la suite du défaut de contrôle de la part du ministre chargé de la mutualité, et de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP) instituée à l'époque des faits, sur la situation financière et les conditions d'exploitation de l'organisme mutualiste dénommé UNMRIFEN-FP ou MRFP (Mutuelle Retraite de la Fonction Publique), gestionnaire du Complément de Retraite de la Fonction Publique (CREF), ainsi que sur les documents d'information destinés aux adhérents ; que Mlle MO et autres relèvent régulièrement appel du jugement du 12 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris, tout en admettant l'existence d'une telle faute de la part de l'Etat, a rejeté leurs demandes tendant à la réparation de leurs préjudices ;

Sur le désistement partiel et le maintien de l'objet du litige :

Considérant que, par un mémoire en réplique enregistré le 29 décembre 2008, le conseil commun des requérants déclare que certains d'entre eux ont choisi de se désister de leurs écritures d'appel dirigées contre l'Etat ; que le désistement de ces requérants dont les noms sont mentionnés dans l'article de notification au chapitre désistement , est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Considérant que, par le même mémoire en réplique du 29 décembre 2008, le conseil commun des requérants déclare à la cour le décès de certains d'entre eux dont les noms sont mentionnés dans l'article de notification ci-après, précédés le cas échéant des lettres DC en précisant qu'ils n'ont pas d'ayants droit ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur leur demande initiale ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant d'une part, qu'aux termes des articles L. 531-1 et suivants, dans leurs rédactions issues des lois n° 89-1009 du 31 décembre 1989 et n° 91-1406 du 31 décembre 1991, applicables à l'espèce : Le contrôle des mutuelles est effectué, dans l'intérêt de leurs membres, par la commission de contrôle mentionnée aux articles L. 732-10 et L. 732-12 du code de la sécurité sociale... L. 531-1-1 : La commission veille au respect par les mutuelles des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont propres. Elle s'assure que les mutuelles sont toujours en mesure de remplir les engagements qu'elles ont contractés à l'égard des adhérents et qu'elles présentent la marge de sécurité prescrite ; à cette fin, elle examine leur situation financière et leurs conditions d'exploitation ... L. 531-1-2 : Le contrôle des mutuelles est effectué sur pièces et sur place. La commission organise le contrôle et en définit les modalités ; à cette fin, sont mis à sa disposition, en tant que de besoin, les membres de l'inspection générale des affaires sociales et les agents du contrôle des services extérieurs du ministre chargé de la mutualité ainsi que les autres fonctionnaires commissionnés par elle qui sont nécessaires à l'exercice de sa mission ... L. 531-1-3 La commission peut demander aux mutuelles toutes informations nécessaires à l'exercice de sa mission. ... L. 531-1-6 : En cas de contrôle sur place, un rapport est établi... L. 531-3 : Lorsque le fonctionnement d'une mutuelle n'est pas conforme aux dispositions du présent code ou aux dispositions de ses statuts ou qu'il compromet son équilibre financier, la commission peut enjoindre à la mutuelle de présenter un programme de redressement. Si ce programme ne permet pas le redressement nécessaire, la commission peut, après avertissement adressé à la mutuelle, recourir à la procédure prévue à l'article L. 531-4. ;

Considérant qu'à l'occasion de l'exercice par la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP), de ses missions de contrôle et de sanction des mutuelles, la responsabilité que peut encourir l'Etat pour les dommages causés pour les insuffisances ou carences de la commission ne se substitue pas à celle de ces mutuelles vis-à-vis de leurs sociétaires ; que par ailleurs, et eu égard à la nature des pouvoirs qui étaient dévolus à ladite commission de contrôle par les dispositions précitées, la responsabilité de l'État ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 323-1 et suivants du code de la mutualité applicables à l'espèce : les caisses autonomes assurant la couverture du risque vieillesse par répartition à la date du 31 juillet 1988 sont seules autorisées à exercer cette activité dans les conditions prévues au présent chapitre .... R. 323-3 : Les mutuelles ou les unions affiliées au groupement mutualiste gestionnaire de la caisse autonome doivent passer avec ce gestionnaire un contrat prévoyant le versement de cotisations pendant 5 ans au moins. Ce contrat peut être dénoncé avant la fin de chaque exercice annuel, moyennant un préavis de 5 ans ... R. 323-4 : L'arrêt du versement des cotisations que doit acquitter une mutuelle ou une union affiliée entraîne la suspension ou suppression du service à la catégorie de bénéficiaires correspondants dans les conditions fixées par le règlement de la caisse autonome ... Les versements antérieurs restent définitivement acquis à la caisse. ; qu'en outre, aux termes de l'article R. 321-7 du code de la mutualité : Les conventions, documents publicitaires, notes d'information ou tous autres documents établis ou émis par ou pour une caisse autonome mutualiste doivent être communiqués, sur sa demande, au ministre chargé de la mutualité. Le ministre peut prescrire les rectifications ou modifications de ces documents qu'exige la réglementation en vigueur, notamment celle concernant la protection des consommateurs. ;

Considérant en premier lieu, que ces dernières dispositions prises à la suite du décret n° 88-574 du 5 mai 1988 susvisé modifiant le code de la mutualité en sa partie réglementaire, avaient pour objet de supprimer la possibilité pour les mutuelles d'assurer la couverture du risque vieillesse par répartition, tout en instaurant un régime dérogatoire au profit des caisses autonomes qui exerçaient déjà cette activité à la date du 31 juillet 1988, et particulièrement au profit de l'UNMRIFEN-FP ou MRFP, gestionnaire du CREF ; que celle-ci se voyait ainsi bénéficier dans un cadre dérogatoire de l'autorisation de poursuivre son fonctionnement au-delà du 31 juillet 1988, sous réserve du respect des règles posées par les articles précités du code de la mutualité alors applicable ;

Considérant en second lieu, qu'il résulte des dispositions précitées que, pour pouvoir exercer son activité dans les conditions prévues aux articles R. 323-2 à R. 323-5, le gestionnaire d'une caisse autonome proposant des produits de retraite par répartition à la date du 31 juillet 1988 devait être en mesure de suspendre ou de supprimer le service des allocations aux adhérents ou groupes d'adhérents d'une mutuelle lorsque celle-ci cesse de verser les cotisations déterminées par le contrat qu'elle a passé avec celui-ci en application de l'article R. 323-3 ; que ces dispositions excluent donc que les cotisations, qui doivent être acquittées en application de ce contrat, par la mutuelle affiliée au gestionnaire de la caisse, soient versées directement à celui-ci par les adhérents ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté, que les souscriptions au produit dit complément de retraite des fonctionnaires (CREF), géré par la caisse autonome mutualiste de l'UNMRIFEN-FP étaient effectuées dès 1988 directement par les bénéficiaires, dont les cotisations n'étaient pas encaissées par la mutuelle adhérente mais directement par la caisse autonome de l'UNMRIFEN-FP ; que ce mode de fonctionnement, en ce qu'il prévoyait le paiement direct des cotisations à la caisse autonome, qu'il ne permettait pas de tirer les conséquences qu'un arrêt du versement de ses cotisations par un adhérent peut avoir sur le groupe auquel il appartient, en ce qu'il relève au surplus que le départ de la fonction publique d'un adhérent ne remettait pas en cause son adhésion au produit CREF et que les conjoints non fonctionnaires peuvent y adhérer, n'était pas conforme aux articles R. 323-3 et R. 323-4 précités ; que cet état de fait et de droit préexistait en 1988, l'organisme mutualiste gestionnaire du régime CREF ne l'ayant pas, par la suite, modifié, pour se mettre en accord avec les dispositions précitées intégrées au code de la mutualité ; que par ailleurs, si la communication annuelle des comptes de l'UNMRIFEN-FP, en application de l'article R. 322-1 du code de la mutualité, permettait au ministre chargé de la mutualité de vérifier notamment la hauteur des provisions constituées dans le but de faire face aux engagements pris, lesquelles au demeurant ne tenaient pas compte de l'indexation de la valeur de service du point CREF sur l'indice de base des traitements de la fonction publique, cette communication n'était pas de nature à mettre en évidence la méconnaissance par cet organisme mutualiste des dispositions précitées du même code ; que, dans ces circonstances, l'engagement tardif d'un contrôle de l'Etat en 1998 en l'absence de toute autre mise en garde, avertissement ou contrôle préalable, alors que l'administration disposait, de par la loi susmentionnée du 31 décembre 1989, pour mener à bien le contrôle des mutuelles, de la CCMIP, que l'UNMRIFEN-FP avait été soumise à un régime dérogatoire conditionnel dès 1988, et que l'avantage fiscal relatif à la déductibilité des cotisations versées par les adhérents au régime CREF avait été accordé à compter du 1er janvier 1989, constitue une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, sans qu'il soit besoin d'examiner également le défaut de contrôle de la puissance publique sur les documents d'information fournis aux adhérents ;

Considérant en revanche, qu'à la suite du contrôle de la situation financière et des conditions d'exploitation de l'UNMRIFEN-FP, effectué par l'inspection générale des affaires sociales (IGASS) à la diligence de la CCMIP au cours de l'année 1998, et au regard du contenu du rapport de contrôle déposé en juillet 1999, ladite commission a notamment demandé à cet organisme que la gestion du régime par répartition soit mise en conformité avec les dispositions du code de la mutualité, puis ayant noté les nouvelles mesures prises par l'assemblée générale extraordinaire du même organisme du 30 octobre 2000, a enjoint à l'UNMRIFEN-FP le 13 novembre 2000, de lui présenter un programme de redressement avant le 30 juin 2001 ; que compte tenu de la préparation d'un projet de décret adaptant les règles applicables en la matière, un délai supplémentaire a été accordé à l'UNMRIFEN-FP pour présenter le plan de redressement qui lui avait été demandé ; que ce plan a été soumis à la CCMIP le 31 janvier 2002, tandis que le décret n° 2002-331 du 11 mars 2002 confirmait les dispositions transitoires et la nouvelle structure juridique en charge du régime de retraite complémentaire dont s'agit et dénommé Union des mutuelles de retraite (UMR), agréé par arrêté ministériel du 23 décembre 2002 ; que dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'à la suite du contrôle opéré par l'IGASS, le ministre chargé de la mutualité n'aurait pris aucune mesure pour contraindre l'UNMRIFEN-FP à respecter non seulement les règles générales applicables aux caisses autonomes mutualistes mais également le programme de redressement auquel elle a été soumise par la CCMIP ; qu'à ce titre, l'Etat n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur la réparation du préjudice résultant de la faute lourde :

Considérant que les requérants soutiennent que l'absence de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance par la CCMIP et le ministre chargé de la mutualité, avant 1998, est à l'origine d'une perte de retraite s'étant traduite par d'une part, une baisse du taux de réversion, et donc une diminution du complément de retraite prévu pour les sociétaires encore cotisants, ainsi que sa non-revalorisation pour les sociétaires allocataires depuis 2001, et d'autre part, la pénalisation des sociétaires ayant refusé la migration vers les nouveaux régimes instaurés en 2002, c'est-à-dire les sociétaires démissionnaires du régime CREF ; que les requérants produisent un ensemble de liasses destinées, pour une partie d'entre eux, à établir le préjudice subi, lequel a été calculé par un expert-comptable en distinguant les trois catégories de sociétaires concernés, à savoir les allocataires, les cotisants et les démissionnaires, avec dans chaque cas une attestation précisant le préjudice financier encouru ; que les demandes indemnitaires présentées en appel n'étant pas supérieures à ce qu'elles étaient devant le tribunal, sont recevables ;

Considérant que le comportement fautif de l'Etat résultant du long différé de son action de contrôle, a eu pour effet, de manière directe et certaine, de compromettre irrémédiablement au moins une partie des intérêts des sociétaires, qui lors de leur souscription au régime CREF, se sont vus assurés d'un certain niveau de retraite assorti d'une clause d'indexation sur les traitements des actifs de la fonction publique, et d'un régime fiscal favorable lors de l'entrée en jouissance ;

Considérant toutefois, qu'aucune pièce du dossier ne vient établir que dans le cas où les contrôles de l'Etat se seraient exercés en temps utile, l'UNMRIFEN-FP n'aurait pas dû mettre un terme à des pratiques peu scrupuleuses de l'intérêt général et ne permettant pas d'assurer l'exercice plein des garanties exigées, en soldant, certes de manière moins drastique, les engagements pris à l'égard de ses sociétaires par des diminutions corrélatives de prestations, si ce n'est même en sollicitant, comme cela fut le cas en l'espèce, des suppléments de cotisations auxquels les intéressés n'étaient pas tenus de souscrire, destinés à rétablir au moins en partie le niveau prévu de leur complément de retraite ; qu'au surplus, l'incidence de la réglementation européenne dont se prévaut, sans en justifier, l'organisme gestionnaire, ainsi que plus certainement l'allongement de la durée de la vie, auraient en toute hypothèse, été de nature à modifier les conditions et les garanties avantageuses contractées par l'organisme auprès de ses sociétaires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la réparation du dommage ainsi subi par les requérants, consécutivement à la faute lourde de l'État, doit être fixée à une fraction de la baisse du montant du complément de retraite prévu mais ne pouvant être versé conformément aux mesures prises par l'assemblée générale extraordinaire tenue le 30 octobre 2000, sans y inclure les suppléments de cotisations, cette réparation n'étant due qu'au seul titre de la contribution de l'Etat dans la survenue dudit préjudice ; que dès lors, compte tenu du caractère nécessairement hypothétique des effets qu'aurait pu avoir un contrôle effectué en temps utile par ou pour l'Etat sur le fonctionnement et la situation financière du régime complémentaire en cause, et eu égard aux fautes de gestion commises par le gestionnaire de ce régime, particulièrement au regard des garanties offertes, cette fraction doit être fixée à 20 % ;

En ce qui concerne les cotisants et allocataires :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, que le préjudice encouru par chaque requérant, cotisant ou allocataire, lorsqu'il a pu être calculé, l'a été comme mentionné ci-dessus, à partir d'une fiche individuelle réalisée par un expert-comptable, celui-ci ayant repris les informations signalétiques qui lui ont été communiquées par les intéressés, notamment en ce qui concerne les dates de naissance et de liquidation de la rente, et la durée de cotisation, avec une actualisation à compter de l'année 2005 choisie comme année pivot au cours de laquelle l'étude a été faite, et sur le fondement des courriers de l'organisme gestionnaire mutualiste notamment de novembre 2000 et de février 2001, établissant pour chaque sociétaire les conséquences des décisions des assemblées générales susmentionnées et particulièrement au regard des montants des rentes annoncées ou perçues avant et après celles-ci ; que par exemple, dans le cas de M. GD, allocataire depuis 1998, la fiche remplie par celui-ci mentionnait une rente totale annuelle de 2 635, 63 euros au titre de l'année 2000 et de 2 205, 60 euros pour l'année suivante, le premier chiffre faisant l'objet d'une réactualisation en 2005 à hauteur de 2 236, 24 euros soit une perte annuelle en 2005 estimée à 473, 27 euros, ce chiffre cumulé depuis l'année 2001 aboutissant à une perte de 1 747, 78 euros en 2005, ainsi qu'à une perte future estimée compte tenu de son espérance de vie, pour une date de naissance le 19 juillet 1938, de 6 317, 82 euros après 2005, soit un total de 8 065, 60 euros ; que ce calcul, qui repose sur une hypothèse de revalorisation du point de la fonction publique de 1 %, une inflation moyenne de 2 % sur l'ensemble de la période et un taux d'actualisation net de 1 %, résulte ainsi d'une évaluation circonstanciée et raisonnable de l'expert-comptable, commis par les requérants ;

Considérant que le ministre défendeur ne démontre pas dans ses écrits que le calcul précédemment décrit et reposant sur des données individuelles, soit vicié dans son raisonnement et aboutisse à des résultats non conformes à la réalité, se bornant à contester la prétention des requérants précédemment écartée d'obtenir à la fois la réparation de la baisse de leurs rentes et celle correspondant à la cotisation supplémentaire qu'ils ont dû verser pour obtenir un complément de retraite équivalent à celui qu'ils espéraient ; que l'argument de ce même ministre selon lequel le préjudice ne serait dû qu'à la mauvaise gestion du régime CREF doit être écarté conformément à ce qui précède, de même que l'argument relatif à la référence à l'espérance de vie et non à des tables de mortalité, aucune démonstration n'étant produite selon laquelle les sociétaires mutualistes concernés seraient soumis à des données statistiques différentes de celles établies par l'INSEE pour l'ensemble de la population ;

Considérant en revanche, que s'agissant des sociétaires n'ayant pas communiqué leurs informations signalétiques à l'expert-comptable, et dont les tableaux correspondants n'ont pu dès lors être réalisés qu'à l'aide de moyennes, celles-ci ne peuvent être regardées comme suffisamment précises et adaptées à chaque cas pour tenir lieu de justification du préjudice allégué ; que par suite, les conclusions indemnitaires de ces requérants, sociétaires cotisants ou allocataires ne justifiant pas de leur préjudice, dénommés dans l'article de notification ci-après par les lettres NJ, ne pourront qu'être rejetées ;

Considérant en définitive, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise qui ne pourrait qu'être frustratoire compte tenu des sommes en jeu, que l'Etat sera condamné à verser aux requérants cotisants ou allocataires (en abrégé C ou A) ne s'étant pas désistés et ayant produit leurs informations signalétiques, énumérés comme tels dans l'article de notification ci-après, la fraction fixée à 20 % de la base apparaissant devant chaque nom de cet article, non précédé des lettres NJ ; qu'en outre, les requérants ont droit, à compter du jour de la réception de leurs demandes préalables par le ministre chargé de la mutualité, soit le 28 décembre 2001, aux intérêts au taux légal de la somme ci-dessus précisée, qui leur est due ; que par voie de conséquence, il y a lieu, sur ce point, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;

En ce qui concerne les démissionnaires :

Considérant que les requérants ayant choisi de démissionner du régime CREF à la suite des résolutions de l'assemblée générale du 11 et 12 avril 2002, dans un délai s'achevant le 15 septembre 2002, se sont vus restituer des montants de cotisations versées au régime CREF affectés de pénalités ; que ces requérants, à l'origine sociétaires de ce régime mais ayant refusé la migration vers les nouveaux régimes instaurés en 2002, soutiennent que lesdites pénalités trouvent, au moins pour une part, leur source dans la responsabilité de l'Etat précédemment retenue pour faute du fait de l'absence de contrôle en temps utile des organismes mutualistes en cause ; que pour établir leur préjudice, ces mêmes requérants produisent un ensemble de liasses destinées pour chacun d'eux à établir son préjudice, lequel a été calculé par le même expert-comptable ; que ce calcul repose sur la différence entre le montant restitué au sociétaire démissionnaire du régime de complément de retraite de la fonction publique, et le montant qui aurait été capitalisé dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie classique par le même sociétaire dans l'hypothèse où celui-ci aurait eu cette préférence au départ ;

Considérant cependant, qu'à supposer même établi le préjudice des démissionnaires du régime CREF, résultant de la mise en cause de la responsabilité de l'Etat, le calcul précédemment décrit ne peut en tout état de cause être retenu afin de le justifier ; qu'en effet, la nature et les garanties offertes par le second régime d'épargne, en capitalisation, éventuellement utilisable aux fins de constitution d'un complément de retraite, ne peut en aucun cas servir dans le cadre du présent litige et à titre de comparaison, le choix opéré au départ par le requérant concerné écartant en toute hypothèse ce type même de produit, qui était déjà disponible, avec une sortie en rente, au moment de sa souscription ; qu'il en résulte et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise pour les mêmes raisons que précédemment, que les requérants démissionnaires ne peuvent être admis à faire valoir leur préjudice en la présente cause ;

Sur les conclusions tendant au versement de frais irrépétibles :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en accordant aux seuls requérants dénommés dans l'article de notification ci-après cotisant (C) ou allocataire (A) (C ou A) et non précédé des lettres NJ, la somme qu'ils ont effectivement exposée dans le cadre d'une action collective et dont il justifie, non comprise dans les dépens, à savoir une somme égale à 50 euros mise à la charge de l'Etat ; qu'en revanche, en vertu des dispositions précitées, la cour ne peut faire bénéficier la partie perdante, à savoir les requérants qualifiés de démissionnaires et les requérants cotisants ou allocataires n'ayant pas produit de justificatifs des préjudices qu'ils prétendent avoir subis, du paiement par l'Etat de la partie des frais qu'ils ont exposés à l'occasion du présent litige ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des requérants dont les noms sont mentionnés dans l'article de notification ci-après au chapitre désistement .

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des requérants décédés en cours d'instance sans ayants droit.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer aux requérants cotisants et allocataires dont les noms, mentionnés dans l'article de notification ci-après au chapitre correspondant, ne sont pas précédés des lettres NJ, la fraction fixée à 20 % de la base apparaissant devant chaque nom dans ce même article. Les requérants dont s'agit ont droit à la somme ainsi obtenue, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2001.

Article 4 : Le jugement n° 0208006/5-1 en date du 12 juillet 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à chacun des requérants cotisants et allocataires ci-dessus désignés à l'article 3, la somme de 50 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 06PA03398


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : DECHELETTE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Date de la décision : 14/06/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06PA03398
Numéro NOR : CETATEXT000022749274 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-06-14;06pa03398 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award