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19/11/2008 | FRANCE | N°07-10570

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 novembre 2008, 07-10570


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, le mur séparant sa propriété de celle de la République fédérale d'Allemagne présentant des désordres, Mme X... a saisi un tribunal de grande instance d'une demande de réfection sous astreinte ; que, par arrêt du 3 décembre 2002, la cour d'appel de Paris a notamment décidé que le mur était mitoyen et que la responsabilité des désordres incombait à la République fédérale d'Allemagne qui ne pouvait cependant être condamnée sous astreinte ; que, sur une nouvelle saisine de Mme X..

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, le mur séparant sa propriété de celle de la République fédérale d'Allemagne présentant des désordres, Mme X... a saisi un tribunal de grande instance d'une demande de réfection sous astreinte ; que, par arrêt du 3 décembre 2002, la cour d'appel de Paris a notamment décidé que le mur était mitoyen et que la responsabilité des désordres incombait à la République fédérale d'Allemagne qui ne pouvait cependant être condamnée sous astreinte ; que, sur une nouvelle saisine de Mme X..., en l'absence de reconstruction du mur, la cour d'appel de Paris a, après médiation, par arrêt du 8 novembre 2006, déclaré irrecevable, en l'état du privilège de juridiction des Etats, la demande de condamnation de l'Etat allemand au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 1382 du code civil mais a autorisé celui-ci à exécuter les travaux de réfection du mur ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel de s'être contredite et d'avoir ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile en autorisant la République fédérale d'Allemagne à exécuter les travaux selon le devis Ber, tout en énonçant que le devis Frot était entériné ;

Attendu que, pour la réfection du mur, l'arrêt retient le devis de la société Ber sauf à y rajouter 6 mètres carrés de pierres anciennes et les parements du mur en pierres apparentes et jointoyées ; que ces dernières fournitures font l'objet du devis de l'entreprise Frot ; qu'en l'absence de toute contradiction, le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, en ses première et troisième branches :

Vu les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

Attendu que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de Mme X... en paiement d'une indemnité, l'arrêt retient que la République fédérale d'Allemagne bénéficie de l'immunité de juridiction pour l'entretien de la propriété lui appartenant, ayant abrité le commandement des troupes de l'Otan, puis les oeuvres sociales des militaires allemands détachés en France, désaffectée depuis 2002 en raison du danger présenté par le mur mitoyen, comme relevant de la puissance et de la gestion d'un service public étranger et en dehors de toute gestion privée et commerciale ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors que l'acte donnant lieu au litige, consistant pour l'Etat allemand, à ne pas faire démolir le mur mitoyen ni à le reconstruire, n'était qu'un acte de gestion privée, et ce, d'autant plus que l'immeuble était désaffecté, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu les principes du droit international régissant l'immunité d'exécution des Etats ;

Attendu que les Etats étrangers bénéficient, par principe, de l'immunité d'exécution ; qu'il en est autrement lorsque le bien concerné se rattache, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ;

Attendu que, pour dire irrecevables les demandes d'astreinte et d'inscription d'hypothèque, l'arrêt retient d'une part, par motifs adoptés, que Mme X... ne dénie pas à l'Etat allemand le bénéfice de l'immunité d'exécution et que, l'exécution en nature ou en argent, par l'Etat étranger, des obligations mises à sa charge ne pouvant être que volontaire, l'obtention d'un titre exécutoire ne peut être de nature à contraindre cet Etat à satisfaire à l'obligation lui incombant et, d'autre part, par motifs propres, que la République fédérale d'Allemagne bénéficie de l'immunité d'exécution pour l'entretien de cette propriété relevant de la puissance et de la gestion d'un service public étranger, en dehors de toute gestion privée et commerciale ;

Qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, alors que l'acquisition par l'Etat allemand de biens immobiliers en France, eussent-ils été affectés au logement d'un officier supérieur, ne constituait pas une prérogative ou un acte de souveraineté mais une simple opération habituelle de gestion relevant du droit privé, et qu'il en était de même de leur entretien, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit les demandes en condamnation à dommages-intérêts et inscription d'hypothèque et astreinte formées par Mme X... irrecevables, l'arrêt rendu le 8 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07-10570
Date de la décision : 19/11/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT - Etat étranger - Immunité d'exécution - Exclusion - Conditions - Détermination - Portée

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Immunité d'exécution - Exclusion - Conditions - Détermination - Portée

Les Etats étrangers bénéficient, par principe, de l'immunité d'exécution. Il en est autrement lorsque le bien concerné se rattache, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice


Références :

Sur le numéro 1 : les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 novembre 2006

Sur le n° 1 : Dans le même sens que :Ch. mixte, 20 juin 2003, pourvois n° 00-45.629 et 00-45.630, Bull. 2003, Ch. mixte, n° 4 (cassation) ;1re Civ., 20 septembre 2006, pourvoi n° 05-14199, Bull. 2006, I, n° 411 (cassation) Sur le n° 2 : Dans le même sens que :1re Civ., 25 janvier 2005, pourvoi n° 03-18176, Bull. 2005, I, n° 39 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 nov. 2008, pourvoi n°07-10570, Bull. civ. 2008, I, n° 266
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, I, n° 266

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Pascal
Avocat(s) : SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.10570
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