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21/01/2010 | FRANCE | N°07-13552

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 janvier 2010, 07-13552


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans un litige relatif à la validité d'un testament, opposant Mme X... à Mmes Y... et F..., une expertise médicale de l'auteur a été ordonnée ; que l'expert judiciaire ayant annexé à son rapport celui d'un confrère, expert privé, sans le communiquer préalablement aux p

arties, Mme X... a soutenu que le principe de la contradiction n'avait pas ét...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans un litige relatif à la validité d'un testament, opposant Mme X... à Mmes Y... et F..., une expertise médicale de l'auteur a été ordonnée ; que l'expert judiciaire ayant annexé à son rapport celui d'un confrère, expert privé, sans le communiquer préalablement aux parties, Mme X... a soutenu que le principe de la contradiction n'avait pas été respecté et demandé l'annulation de l'expertise ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande, l'arrêt retient que l'expert privé a été étroitement associé aux opérations d'expertise, que son rapport n'est que la reproduction de ce qui a été affirmé pendant les réunions d'expertise, et que l'expert judiciaire a donc pu, sans porter atteinte au principe du contradictoire, déposer son rapport en l'absence de communication aux parties de celui de son confrère ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'expert judiciaire n'avait pas soumis la teneur du document de son confrère aux parties afin de leur permettre d'être à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mmes Y... et F... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes Y... et F..., les condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour Mme X... ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité de l'expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE les 14 pièces dont Hélène Y... fait état dans ses écritures (en ce non compris le document établi par le docteur Z...) ont été communiquées à l'expert judiciaire par le conseil dès le début des opérations d'expertise, que l'expert les avait en sa possession lors de la première réunion ayant eu lieu le 5 juillet 2004 au CHU de Clermont-Ferrand, à laquelle toutes les parties ont participé, qu'au cours de cette réunion elles ont pu s'exprimer librement et commenter les pièces une par une avec l'expert ; que la correspondance en date du 27 janvier 2003 de la société Chassaing, Collet de Rocquigny, Chantelot, Romenville et associés a été commentée comme les autres pièces ; qu'aucune réserve ni demande de rejet n'ont été exprimées par Hélène Y... ou son conseil, dont on peut estimer dans ces conditions qu'ils ont renoncé à se prévaloir de la confidentialité dans le cadre des opérations d'expertise ; qu'est annexé au rapport de l'expert judiciaire un document, émanant du docteur Pierre Z..., neurologue ; que l'expert judiciaire se devait de veiller particulièrement au respect du contradictoire en ce qui concerne ce rapport, émanant d'un expert privé, choisi par les intimées pour les assister au cours de l'expertise ; qu'il a été adressé à l'expert judiciaire le 3 janvier 2005, sans communication préalable à la partie adverse et que l'expert a déposé son rapport sans avoir communiqué cette pièce, ni recueilli aucun dire ; que ce rapport reproduit les divers avis médicaux qui ont été examinés au cours des opérations d'expertise, émanant des docteurs Lauxerois, Lajoinie Vacher, Lambert, puis en tire la conclusion, qui n'est pas contestée, que la défunte présentait une détérioration cognitive évoquant une maladie d'Alzheimer ; qu'il conclut que les troubles physiques et mentaux de Mme Y... étaient peu marqués au 11 septembre 1998 et lui permettaient de comprendre la signification et la portée de ses écrits ; que ce diagnostic a pu influencer l'expert judiciaire et qu'il est indispensable que cet avis ait pu être débattu contradictoirement ; que le Professeur Z... a été étroitement associé aux opérations d'expertise et entendu en ses commentaires à chaque réunion, devant les parties, qui ont eu connaissance de ses dires et ont pu les discuter ; que l'expert judiciaire n'en précise pas la teneur exacte mais qu'Hélène Y... ne contredit pas les parties adverses lorsqu'elles affirment que le rapport de M. Z... n'est que la reproduction de ce qu'il a affirmé pendant les réunions, à savoir l'absence d'insanité d'esprit ; que cette pièce n'a donc rien ajouté par rapport aux éléments examinés en présence des parties par l'expert, qui a pu, sans porter atteinte au principe du contradictoire, déposer son rapport même en l'absence de communication à l'appelante de celui de son confrère ; qu'aucune violation du principe de contradictoire par l'expert ne justifie que son rapport soit annulé, le jugement ne pouvant qu'être confirmé sur ce point ;
ALORS, QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'avis du Professeur Z... annexé au rapport de l'expert judiciaire n'avait pas été préalablement communiqué à l'exposante, que l'expert a déposé son rapport sans avoir lui-même communiqué cette pièce ni recueilli aucun dire, et que « ce diagnostic a pu influencer l'expert judiciaire et qu'il est indispensable que cet avis ait pu être débattu contradictoirement » ; que dès lors, en refusant d'annuler les opérations d'expertise au prétexte inopérant que le rapport du Professeur Z... n'était que la reproduction de ce qu'il avait affirmé pendant les réunions de telle sorte que cette pièce n'ajouterait rien aux éléments examinés en présence des parties, la Cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS, EN OUTRE, QUE, s'agissant des 14 autres pièces remises à l'expert et dont l'exposante contestait aussi avoir eu communication au cours des opérations d'expertise, l'expert avait également l'obligation de s'assurer qu'elles avaient été produites dans le respect du principe de la contradiction ; qu'ainsi, en refusant d'annuler les opérations d'expertise par cela seul que « l'expert les avait en sa possession lors de la première réunion » au cours de laquelle les parties « ont pu s'exprimer librement et commenter les pièces », ce qui ne saurait suppléer à une communication régulière, la Cour d'appel a encore violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Hélène X... de sa demande tendant à l'annulation pour insanité d'esprit du testament rédigé par Madame Odette Y... le 11 septembre 1998 ;
AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire a conclu qu'Odette Y... était certes atteinte depuis le début de l'année 1998 d'une altération de ses facultés intellectuelles, se manifestant par des troubles cognitifs en relation avec une démence de type Alzheimer mais que rien n'établissait qu'elle n'était pas en état de lucidité lui permettant de comprendre la signification et la portée du testament qu'elle a rédigée le 11 septembre 1998 ; que si, ainsi que l'affirme le docteur A..., elle n'était pas capable de pratiquer une analyse d'un acte notarié, telle qu'une vente, correspondant à une présentation et un vocabulaire particuliers, rien n'était établi sur l'impossibilité de préciser des dispositions testamentaires ; que le docteur B..., qui a vu Odette Y... le 26 mars 1998, note l'existence de troubles du comportement et de troubles cognitifs importants mais ne conclut qu'à la nécessité d'une mesure de curatelle, prévue pour les personnes qui sans être hors d'état d'agir par elles-mêmes, ont seulement besoin d'être contrôlées ou conseillées dans les actes de la vie civile ; que le docteur A..., qui a vu Mme Y... quelque 3 mois avant la rédaction du testament, fait état de troubles du comportement, et d'une atteinte des facultés de compréhension et de troubles amnésiques mais ne conclut pas plus à la nécessité d'une mesure de tutelle ; qu'il en est de même pour le docteur C..., qui constate, le 22 octobre 1998 une légère détérioration cognitive et d'importantes altérations du jugement, nécessitant qu'elle soit contrôlée et surveillée par le truchement d'une curatelle ; que tous font état d'une pathologie débutante, qui avait même régressé entre le mois d'avril et le mois d'octobre 1998 ; qu'en effet, les tests d'évaluation permettent de vérifier qu'en septembre 1998, l'altération des facultés mentales était minime ; que des témoins qui l'ont rencontrée au cours d'une période concomitante à la rédaction du testament déclarent qu'elle tenait des propos cohérents, savait ce qu'elle voulait (attestation de Michèle D..., pharmacienne) et avait toute sa lucidité ; que le testament, lisible et cohérent, est entièrement rédigé de la main d'Odette Y... ; qu'Hélène Y... verse aux débats un document dactylographié, dont le texte est identique à celui du testament, affirmant que ce document n'est pas l'oeuvre de sa mère ; que cependant, le document ne comporte aucune mention permettant de savoir à quelle date il a été établi et d'identifier son auteur et qu'il ne peut en être déduit l'existence d'une intervention de Maryse ou Gisèle Y... dans la rédaction du testament ; qu'il ne résulte pas des éléments versées aux débats que les facultés mentales d'Odette Y... aient été altérées au moment de la rédaction du testament, au point qu'elle ait perdu ses facultés de discernement ; que la preuve de l'insanité d'esprit n'est pas rapportée ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si le rapport d'expertise judiciaire du Docteur E... fait citation des termes des certificats médicaux établis par le Docteur B... le 26 mars 1998 (p. 9 et 12), par le Docteur A... le 23 juin 1998 (p. 10) et par le Docteur C... le 23 octobre 1998 (p. 30), il n'y était pas fait mention que la testatrice n'aurait présenté qu'une pathologie débutante qui aurait régressé entre avril et octobre 1998 ; que, dès lors, en déclarant que « tous font état d'une pathologie débutante, qui avait même régressé entre le mois d'avril et le mois d'octobre 1998 », la Cour d'appel a dénaturé les certificats susvisés, rapportés au rapport d'expertise, et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE si l'article 513 du Code civil reconnaît à la personne en curatelle la faculté de tester, ce même texte réserve expressément la faculté de faire application des dispositions de l'article 901, qui dispose que pour faire un testament il faut être sain d'esprit ; qu'en estimant que la preuve de l'insanité d'esprit de la défunte au moment de la rédaction du testament litigieux n'était pas rapportée, en se fondant sur un motif inopérant pris de ce qu'aucun des médecins qui l'avaient examinée alors n'avaient préconisé sa mise sous tutelle, seule une mesure de curatelle ayant été conseillée, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la testatrice ne présentait pas à cette époque, selon les certificats médicaux produits, d'importants troubles psychiques ayant altéré sa faculté de jugement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 901 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 07-13552
Date de la décision : 21/01/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Expertise - Avis d'un autre technicien - Communication aux parties - Nécessité

MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Violation - Cas - Expertise - Défaut de communication aux parties de documents produits par un autre expert et annexés au rapport PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Expertise - Avis d'un autre technicien - Respect du principe de la contradiction - Nécessité

Un expert judiciaire doit soumettre aux parties les documents produits par un autre expert et annexés à son rapport, afin de permettre aux parties d'être à même d'en débattre contradictoirement


Références :

article 16 du code de procédure civile
article 16 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 23 janvier 2007

Sur le respect du principe de la contradiction et la communication de documents en matière d'expertise, à rapprocher :2e Civ., 16 décembre 1985, pourvoi n° 84-16917, Bull. 1985, II, n° 199 (cassation)

arrêt cité ;2e Civ., 16 janvier 2003, pourvoi n° 01-03427, Bull. 2003, II, n° 5 (cassation), et les arrêts cités ;2e Civ., 08 avril 2004, pourvoi n° 02-11619, Bull. 2004, II, n° 178 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 jan. 2010, pourvoi n°07-13552, Bull. civ. 2010, II, n° 16
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, II, n° 16

Composition du Tribunal
Président : Mme Foulon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mazard
Rapporteur ?: M. Alt
Avocat(s) : Me Blanc, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:07.13552
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