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16/11/2009 | FRANCE | N°07BX01643

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 16 novembre 2009, 07BX01643


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour en télécopie le 31 juillet 2007 et en original le 2 août 2007, présenté pour le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ;

Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 31 mai 2007 qui a condamné l'Etat à verser à la société Godet Frères la somme de 676 748,35 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention du décret du 21 octobre 2004 prononçant la fermeture des installations de stockage

d'alcool exploitées par cette société à La Rochelle ;

2°) de rejeter la de...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour en télécopie le 31 juillet 2007 et en original le 2 août 2007, présenté pour le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ;

Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 31 mai 2007 qui a condamné l'Etat à verser à la société Godet Frères la somme de 676 748,35 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention du décret du 21 octobre 2004 prononçant la fermeture des installations de stockage d'alcool exploitées par cette société à La Rochelle ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Godet Frères devant le tribunal administratif ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2009 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les observations de Me Sarrazin de la SCP Lyon-Caen Fabiani Thiriez, avocat du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE l'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER ;

- les observations de Me Demaison de la Société inter-barreaux d'avocats, avocat de la société Charentaise d'Entrepôts et de la société Godet Frères ;

- les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;

Considérant que la société Charentaise d'Entrepôts et la société Godet Frères, spécialisées dans la production, le stockage et le négoce d'eaux-de-vie et de liqueurs, exerçaient leurs activités dans deux chais situés rue du Duc et rue Saint-Claude, dans le centre-ville de La Rochelle, près du vieux port, dont elles étaient respectivement propriétaire et occupant ; qu'elles ont recherché devant le tribunal administratif la responsabilité de l'Etat à raison de la fermeture de ces chais, prononcée par un décret en Conseil d'Etat en date du 21 octobre 2004 pris sur le fondement de l'article L. 514-7 du code de l'environnement ; que le jugement du 31 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a statué sur ces demandes a rejeté, par son article 1er, les conclusions de la société Charentaise d'Entrepôts, a condamné, par son article 2, l'Etat, dont la responsabilité sans faute a été retenue, à verser à la société Godet Frères une indemnité de 676 748,35 euros, a mis à la charge de l'Etat, par son article 3, le versement à cette société d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus des conclusions de la société Godet Frères par son article 4 ; que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE a fait appel de ce jugement ; que la société Charentaise d'Entrepôts a formé un appel incident contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que la société Godet Frères a formé également un appel incident tendant au relèvement de l'indemnité allouée par les premiers juges en invoquant tant la responsabilité pour faute de l'Etat que sa responsabilité sans faute ;

Sur l'appel incident de la Société Charentaise d'Entrepôts :

Considérant que l'appel incident de la Société Charentaise d'Entrepôts, qui tend à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 141 035 euros, soulève un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal introduit par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, lequel ne porte que sur les condamnations prononcées par le jugement attaqué au profit de la société Godet Frères ; que cet appel incident n'est, dès lors, pas recevable ;

Sur l'appel principal du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE et l'appel incident de la société Godet Frères :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :

Considérant que la société Godet Frères invoque la faute que l'Etat aurait commise en laissant s'urbaniser le secteur situé autour des chais dans lesquels l'activité de production, de stockage et de négoce de cognac est exploitée depuis 1782 ; qu'il ne ressort cependant d'aucune des pièces versées au dossier que le développement de l'urbanisation à proximité de ces chais, qui s'inscrit dans l'évolution historique du centre-ville de La Rochelle, soit imputable à l'exercice par l'Etat de ses compétences en matière d'urbanisme ; que, par suite, les conclusions de la société requérante fondées sur les fautes qui auraient été commises par l'Etat ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques... ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 514-7 du même code : Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur des installations classées, peut ordonner la fermeture ou la suppression de toute installation, figurant ou non à la nomenclature, qui présente pour les intérêts mentionnés à l'article 1er de la présente loi, des dangers ou inconvénients tels que les mesures prévues par le présent titre ne puissent les faire disparaître ;

Considérant qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en oeuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu'ainsi, en l'absence même de dispositions le prévoyant expressément, l'exploitant d'une installation dont la fermeture ou la suppression a été ordonnée sur le fondement de l'article L. 514-7 du code de l'environnement en raison des dangers ou inconvénients qu'elle représentait, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi le 13 février 2004 par l'inspecteur des installations classées dont les conclusions ont été approuvées par le Conseil supérieur des installations classées dans sa séance du 11 mars 2004, au cours de laquelle les représentants de l'exploitant ont pu faire valoir leur point de vue, que les deux chais exploités par la société Godet Frères, qui permettaient le stockage de 740 mètres cubes d'alcools pouvant atteindre 96° et étaient reliés entre eux par une canalisation assurant la circulation de l'alcool, présentaient de graves dangers pour les habitations proches en raison des risques d'incendie et d'explosion liés au stockage de l'alcool et au dépotage lors de l'approvisionnement de l'exploitation en alcool ; que, dès 1996, dans le cadre des mesures prises à la suite de plusieurs accidents survenus dans des chais de stockage de cognac, le service départemental d'incendie et de secours avait constaté les risques que faisaient courir les installations exploitées par la société Godet Frères, ce qui avait conduit le préfet à imposer à celle-ci des travaux de sécurisation par un arrêté du 20 mai 1996 ; que le décret du 28 décembre 1999 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement a créé une rubrique visant spécifiquement les installations de stockage d'alcool de bouche et a soumis ces installations au régime de l'autorisation lorsque la capacité de stockage dépasse, comme c'est le cas pour les installations de la société Godet Frères, 500 mètres cubes ; que la société, qui a bénéficié du régime de l'antériorité aujourd'hui régi par l'article L. 513-1 du code de l'environnement, a été mise en demeure de produire une étude de dangers par arrêté préfectoral du 27 juin 2001, laquelle, réalisée en janvier 2002, a montré que, si des aménagements permettraient de réduire les risques, le risque de propagation du feu depuis les chais jusqu'aux habitations contiguës ou depuis celles-ci jusqu'aux chais ne pouvait de toute façon être éliminé ; que les conclusions de la tierce expertise ensuite ordonnée n'ont pas permis d'infirmer ce constat ; qu'ainsi, la société Godet Frères, qui a d'ailleurs elle-même envisagé son déménagement avant même l'intervention du décret du 21 octobre 2004, n'ignorait ni les risques graves que faisait courir son installation à l'égard du voisinage, ni l'intention de l'administration d'en éviter la réalisation ; que, dans cet ensemble de circonstances, la suppression de cette installation par l'effet du décret du 21 octobre 2004 ne peut être regardée comme un aléa excédant ceux que comporte nécessairement une telle exploitation ; que, par suite, le préjudice invoqué par la société Godet Frères du fait de cette suppression ne revêt pas un caractère anormal et ne peut, dès lors, être indemnisé sur le terrain de la responsabilité sans faute de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE l'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à la société Godet Frères une indemnité de 676 748,35 euros en réparation de son préjudice ainsi qu'une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, d'autre part, l'appel incident de la société Godet Frères doit être rejeté ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la société Godet Frères et de la société Charentaise d'Entrepôts présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Charentaise d'Entrepôts et de la société Godet Frères, sur le fondement dudit article, le versement à l'Etat de la somme de 1 000 euros chacune ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 31 mai 2007 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société Godet Frères devant le tribunal administratif de Poitiers, l'appel incident de cette société et celui de la société Charentaise d'Entrepôts, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : La société Charentaise d'Entrepôts et la société Godet Frères verseront chacune la somme de 1 000 euros à l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 07BX01643


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN FABIANI THIRIEZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 16/11/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07BX01643
Numéro NOR : CETATEXT000021385432 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-11-16;07bx01643 ?
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