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12/01/2010 | FRANCE | N°07MA03753

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 12 janvier 2010, 07MA03753


Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2007, présentée pour M. Yves A, élisant domicile chemin de la carrière de Verdier à Cassagnoles (30350), par Me Thalamas, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0402214 du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 juin 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 60 000 euros, tous intérêts compris, l'indemnisation demandée à raison du retard fautif de l'Etat à prendre les mesures réglementaires permettant sa titularisation en tant qu'agent de catégorie A des parcs nationaux ;

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°) de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 289 009,91 euros avec intérêts à...

Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2007, présentée pour M. Yves A, élisant domicile chemin de la carrière de Verdier à Cassagnoles (30350), par Me Thalamas, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0402214 du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 juin 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 60 000 euros, tous intérêts compris, l'indemnisation demandée à raison du retard fautif de l'Etat à prendre les mesures réglementaires permettant sa titularisation en tant qu'agent de catégorie A des parcs nationaux ;

2°) de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 289 009,91 euros avec intérêts à compter du 14 novembre 2003 et capitalisation à compter du 3 novembre 2005 et à chaque échéance annuelle postérieure, ou, subsidiairement, ordonner une expertise à l'effet de déterminer ses pertes de revenus ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 98-1198 du 23 décembre 1998 fixant les conditions d'intégration de certaines catégories d'agents titulaires dans les corps de fonctionnaires de la catégorie A ;

Vu le décret n° 2004-586 du 16 juin 2004 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration d'agents non titulaires des établissements publics chargés des parcs nationaux dans les corps de fonctionnaires de catégorie A ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Gaultier, rapporteur,

- les conclusions de M. Brossier, rapporteur public,

- et les observations de Me Kester, substituant Me Thalamas, pour M. A ;

Considérant que M. A demande à la Cour de réformer le jugement n° 0402214 du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 juin 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 60 000 euros tous intérêts compris l'indemnité totale que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices subis du fait du retard fautif mis à prendre les mesures réglementaires permettent l'intégration des agents non titulaires des établissements publics chargés des parcs nationaux dans des corps de fonctionnaires de catégorie A ; que dans sa requête d'appel, M. A porte sa demande indemnitaire à la somme de 289 009,91 euros et, dans le dernier état de ses écritures en appel, demande en outre la réparation de son préjudice de pensions de retraite chiffré à 250 172,44 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que (La décision) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires (...) mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ; qu'il est constant que le jugement attaqué ne vise pas l'ensemble des mémoires échangés par les parties en première instance et qu'en outre, la minute du dit jugement ne figure pas au dossier de première instance ; qu'il suit de là que le dit jugement ne respecte pas les prescriptions des dispositions susrappelées ; que le requérant est dès lors fondé à soutenir qu'il est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique : Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre 1er du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances (...) ; que l'article 79 de la loi prévoit que des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant certaines modalités ; qu'en vertu de l'article 80 de la même loi, les décrets prévus par son article 79 fixent, pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 peuvent accéder et les modalités d'accès à ces corps ; que ces articles 79 et 80 reprennent d'ailleurs les dispositions de même objet prévues par les articles 14 et 15 de la loi du 11 juin 1983 visée ci-dessus ;

Considérant que le gouvernement avait l'obligation de prendre les textes d'application des articles 79 et 80 mentionnés ci-dessus dans un délai raisonnable ; qu'en ce qui concerne les agents non titulaires des établissements publics chargés des parcs nationaux ayant vocation à être nommés dans un corps de catégorie A, ces dispositions ont été fixées par le décret n° 2004-586 susvisé du 16 juin 2004 ; qu'aux termes de ce décret, les agents concernés ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans un corps de fonctionnaires de catégorie A sous réserve de leur réussite à un examen professionnel ;

Considérant que, compte tenu de la nature des mesures devant être adoptées et des circonstances propres à l'espèce, la publication du décret pris pour l'application des articles 79 et 80 de la loi du 11 janvier 1984 aux agents non titulaires du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer aurait dû, pour respecter un délai raisonnable, intervenir au plus tard le 1er janvier 1986, de sorte que la titularisation des agents ayant réussi l'examen professionnel puisse prendre effet dès le 1er janvier 1987 ; que, dès lors, l'absence d'entrée en vigueur des textes réglementaires permettant la titularisation de M. MACCAGNO avait, à partir du 1er janvier 1987, le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur l'évaluation des préjudices :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu notamment des responsabilités occupées par M. MACCAGNO au cours de sa carrière d'agent non titulaire, classé en catégorie A à compter de 1980 et de ses résultats professionnels, le requérant aurait disposé, en l'absence de carence fautive de l'Etat, d'une chance sérieuse d'être titularisé dans le grade d'ingénieur des travaux agricoles dès le 1er janvier 1987 ; qu'il résulte également de l'instruction que, eu égard à la durée moyenne de promotion au grade d'ingénieur divisionnaire et aux mérites propres du requérant, M. A aurait eu, dans cette hypothèse, une chance sérieuse d'accéder au grade d'ingénieur divisionnaire avant d'être admis à la retraite le 1er avril 2007 ; que, dans ces conditions, compte tenu, d'une part, de la différence entre les rémunérations effectivement perçues et celles qui auraient été versées en cas de titularisation suivie d'une promotion au grade supérieur et, d'autre part, de l'ampleur de la chance perdue d'un tel déroulement de carrière, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de la perte de rémunération subie par M. MACCAGNO au titre de la période d'activité comprise entre le 1er janvier 1987 et le 1er avril 2007, en l'évaluant à la somme de 50 000 euros ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui a été titularisé peu de temps auparavant, a fait valoir ses droits à la retraite le 1er avril 2007 sur la base d'un indice notablement inférieur à celui dont il aurait bénéficié en l'absence de carence fautive de l'Etat ; que, par suite, M. MACCAGNO est fondé à demander, dans ses écritures présentées devant la Cour le 12 février 2009, la réparation de la perte de chance de bénéficier d'un montant de pension plus élevé que celui qu'il perçoit effectivement ; que compte tenu de l'ampleur de la chance ainsi perdue par M. A, de l'écart entre la pension qu'il perçoit et celle à laquelle il aurait pu prétendre, et de l'âge du requérant, il sera fait une juste appréciation de la minoration du montant de la pension de retraite en l'évaluant à une somme de 30 000 euros ;

Considérant, enfin, que M. MACCAGNO a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence du fait de son maintien pendant près de vingt ans dans une situation non statutaire en dépit de la loi prévoyant sa titularisation ; qu'il y a lieu de faire une juste appréciation de ces chefs de préjudice en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros à ce titre ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que si M. A est ainsi fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 82 500 euros, il n'est fondé à demander le bénéfice des intérêts au taux légal que sur la somme de 52 500 euros correspondant aux chefs de préjudice invoqués le 23 janvier 2004, date de réception de sa demande préalable à l'administration ; que la capitalisation des dits intérêts a été demandée le 3 novembre 2005 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur la demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser à M. A est portée à 82 500 (quatre-vingt-deux mille cinq cents) euros. La somme de 52 500 (cinquante-deux mille cinq cents) euros est augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2004. Les intérêts échus à la date du 7 septembre 2004, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 0402214 du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 juin 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yves MACCAGNO et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

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N° 07MA037532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA03753
Date de la décision : 12/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Joëlle GAULTIER
Rapporteur public ?: M. BROSSIER
Avocat(s) : THALAMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-01-12;07ma03753 ?
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