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30/04/2008 | FRANCE | N°07NC00214

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 avril 2008, 07NC00214


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2007 et complétée par mémoires enregistrés les
12 septembre 2007 et 7 janvier 2008, présentée pour la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM, dont le siège social est 2, rue de l'artisanat à Blotzheim (68370), par Me Gillig, avocat ;
La SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200165 en date du 16 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du 20 juillet 2001 par lequel le préfet du Haut-Rhin a pris en

considération la mise à l'étude du projet de travaux publics concernant le dév...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2007 et complétée par mémoires enregistrés les
12 septembre 2007 et 7 janvier 2008, présentée pour la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM, dont le siège social est 2, rue de l'artisanat à Blotzheim (68370), par Me Gillig, avocat ;
La SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200165 en date du 16 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du 20 juillet 2001 par lequel le préfet du Haut-Rhin a pris en considération la mise à l'étude du projet de travaux publics concernant le développement de l'aéroport de Bâle-Mulhouse ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ledit arrêté ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;





Elle soutient :

- que l'arrêté litigieux constitue une violation du droit de propriété protégé tant par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme que par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

- qu'en effet la protection attachée au droit de propriété interdisait au préfet du Haut-Rhin de prendre légalement onze ans après le premier projet d'intérêt général un arrêté de prise en considération permettant d'opposer un sursis à statuer à toute demande d'utilisation du sol pendant dix ans supplémentaires, et ce d'autant que les deux premiers projets d'intérêt général ont été annulés et que le troisième venait de devenir caduc ;

- que le tribunal ne pouvait ignorer l'atteinte disproportionnée au droit de propriété résultant de la succession de trois projets d'intérêt général et de leur alternance avec deux arrêtés de prise en considération de la mise à l'étude d'un projet de travaux, illégalité d'autant plus constituée que les renouvellements successifs des actes litigieux n'étaient pas justifiés par une évolution substantielle du projet de développement de l'aéroport, et d'autant plus fautive qu'aucune des procédures de plan d'intérêt général engagées n'a abouti à la création d'emplacements réservés si bien qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'exercer son droit de délaissement, conçu comme la juste contrepartie des servitudes que les prérogatives de l'administration font peser sur le droit de propriété ;

- qu'elle a été privée de la libre disposition des terrains lui appartenant dans des circonstances incompatibles avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

- que l'arrêté litigieux est constitutif d'un abus de droit au sens de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

-qu'ainsi, en jugeant que la restriction au droit d'usage résultant de l'arrêté attaqué était justifiée par une nécessité d'intérêt général et que celle-ci, limitée à dix ans, ne rompait pas le juste équilibre contre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de protection du droit de propriété, le jugement attaqué a fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce et de l'atteinte portée au droit de propriété ;

-que le principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme ne saurait lui être opposé, dès lors qu'il ne s'applique qu'à celles légalement instituées ;




Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2007 et complété par mémoire enregistré le
29 octobre 2007, présenté pour l'aéroport de Bâle-Mulhouse, par Me Odent, avocat aux conseils ;

L'aéroport de Bâle-Mulhouse conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 € soit mise à la charge de la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Il soutient :

- que les moyens énoncés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- que la seule existence de servitudes d'urbanisme ne saurait emporter violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

- que le caractère d'intérêt public du projet n'est pas contesté ;

- qu'il convient de prendre en considération la circonstance que, si la procédure engagée initialement n'a pu aboutir, ceci est uniquement dû à ce que le litige se situe dans un contexte particulier, lié aux engagements internationaux de la France ;

- que les erreurs liées au report du projet d'intérêt général dans le plan local d'urbanisme de la commune de Blotzheim, sanctionnées par le tribunal administratif, sont exclusivement imputables à la commune ;

- que la requérante occulte le fait qu'elle avait demandé le délaissement des parcelles litigieuses ;



Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2008, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, par Me Pichon ;


Le ministre conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 € soit mise à la charge de la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les moyens énoncés par la requérante ne sont pas fondés ;

- l'arrêté litigieux a pour seul objet d'instituer une servitude légale et ne porte pas atteinte au droit de propriété ;

- l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme et l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peuvent être invoqués dès lors qu'ils ne concernent que la privation du droit de propriété et non, comme en l'espèce, les éventuelles restrictions à son droit d'usage ;

- subsidiairement, à supposer que l'arrêté querellé porte atteinte au droit de propriété, la requête devrait en tout état de cause être rejetée en ce que l'opération est justifiée par l'intérêt général ;

- les servitudes d'urbanisme prévues par l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, au nombre desquelles figure celle instaurée par l'article L. 111-10 du même code, sont jugées conformes à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;




Vu, enregistrée le 15 février 2008, la note en délibéré produite pour la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM ;




Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la Constitution de 1958 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Vu le code de l'urbanisme ;


Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2008 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- les observations de Me Nguyen, représentant la SELARL Soler-Couteaux, Llorens, avocat de la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;






Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme : « Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles L. 111-9 et L. 111-10 … » ; que, selon l'article L. 111-8 du même code : « Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. Lorsqu'une décision de sursis a été prise…, l'autorité compétente ne peut, à l'expiration du délai de validité du sursis ordonné, opposer à une même demande d'autorisation un nouveau sursis fondé sur le même motif que le sursis initial… » ; qu'aux termes de l'article L. 111-10 dudit code : « Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut être opposé, dans les conditions définies à l'article L. 111-8, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités…
La décision de prise en considération cesse de produire effet si, dans un délai de dix ans à compter de son entrée en vigueur, l'exécution des travaux publics ou la réalisation de l'opération d'aménagement n'a pas été engagée » qu'enfin, qu'aux termes de l'article L. 111-11 dudit code : « Lorsqu'une décision de sursis à statuer est intervenue…, les propriétaires des terrains auxquels a été opposé le refus d'autorisation de construire ou d'utiliser le sol peuvent mettre en demeure la collectivité…qui a pris l'initiative du projet de procéder à l'acquisition de leur terrain dans les conditions et délai mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants » ; que, par arrêté du 20 juillet 2001, le préfet du Haut-Rhin a, sur le fondement de ces dispositions, pris en considération la mise à l'étude des projets de travaux publics résultant du programme de développement de l'aéroport de Bâle-Mulhouse adopté le 15 mars 1996 par le conseil d'administration de cet établissement et délimité les terrains concernés, situés sur les territoires des communes de Bartenheim, Blotzheim, Hésingue et Saint-Louis ;



Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut-être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général … » ; que la société requérante soutient que l'arrêté susrappelé du 20 juillet 2001 méconnaît ces dispositions en tant que la protection ainsi attachée au droit de propriété interdirait au préfet du Haut-Rhin de prendre légalement un tel arrêté dès lors, d'une part, que les premières mesures ayant pour effet de rendre inconstructibles les parcelles lui appartenant en raison du programme de développement de l'aéroport sont intervenues dès 1990 et, d'autre part, que la limitation apportée au droit de propriété par ledit arrêté est elle-même susceptible, eu égard aux dispositions précitées, d'avoir effet pendant une durée de dix ans ;

Considérant que les dispositions précitées du code de l'urbanisme sur le fondement desquelles le préfet du Haut-Rhin a, par l'arrêté litigieux, pris en considération la mise à l'étude des projets de travaux publics résultant du programme de développement de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, ont pour effet de conférer à la collectivité publique la possibilité d'opposer un sursis à statuer sur toutes demandes d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations envisagés par le propriétaire du terrain en invoquant la circonstance que ceux-ci sont susceptibles de compromettre la réalisation de travaux publics et instaurent ainsi une servitude, qui est au nombre de celles mentionnées par les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ; que ce dernier article, d'une part, subordonne le principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme qu'il édicte à la condition que celles-ci aient été instituées légalement, aux fins de mener une politique d'urbanisme conforme à l'intérêt général et dans le respect des règles de compétence, de procédure et de forme prévues par la loi, d'autre part, ne pose pas un principe général et absolu mais l'assortit expressément de deux exceptions touchant aux droits acquis par les propriétaires et à la modification de l'état antérieur des lieux et, enfin, ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif général poursuivi ;



Considérant qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme et, par voie de conséquence, celles de l'article L. 111-10 du même code, sont compatibles avec les stipulations précitées du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, la décision litigieuse, prise sur le fondement de ces dernières dispositions, est également compatible avec celles-ci ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;



Considérant, en second lieu, que, dès lors que la décision litigieuse a été prise sur le fondement des dispositions législatives précitées, la société requérante ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle renvoie le préambule de la Constitution de 1958 ;



Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2001 du préfet du Haut-Rhin ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM une somme de 1 000 € au titre des frais engagés respectivement par l'aéroport de Bâle-Mulhouse et par l'Etat et non compris dans les dépens ;



D É C I D E :


Article 1er : La requête de la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM est rejetée.

Article 2 : La SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM versera respectivement à l'aéroport de Bâle-Mulhouse et à l'Etat une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM, à l'aéroport de Bâle-Mulhouse et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

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07NC00214


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 30/04/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07NC00214
Numéro NOR : CETATEXT000018744457 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-04-30;07nc00214 ?
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