La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2008 | FRANCE | N°07NT02374

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 30 septembre 2008, 07NT02374


Vu la requête enregistrée le 2 août 2007, présentée pour la SOCIETE GSM, représentée par ses dirigeants en exercice, dont le siège est “Les Technodes” BP 01 à Guerville (78931 cedex), par Me Clément, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE GSM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 06-2423 et 09-2543 du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et de Mme X, l'arrêté du 17 novembre 2005 du préfet d'Eure-et-Loir autorisant ladite socié

té à exploiter une carrière et une installation de premier traitement de matériaux ...

Vu la requête enregistrée le 2 août 2007, présentée pour la SOCIETE GSM, représentée par ses dirigeants en exercice, dont le siège est “Les Technodes” BP 01 à Guerville (78931 cedex), par Me Clément, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE GSM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 06-2423 et 09-2543 du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et de Mme X, l'arrêté du 17 novembre 2005 du préfet d'Eure-et-Loir autorisant ladite société à exploiter une carrière et une installation de premier traitement de matériaux de carrière aux lieuxdits “Le Montoir Rouge” et “Gauville” sur le territoire de la commune de Saulnières ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et par Mme X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de condamner l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie”, Mme X, M. Y et la commune de Crécy-Couvé à lui verser la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Buffet, rapporteur ;

- les observations de Me Fourès, substituant Me Clément, avocat de la SOCIETE GSM ;

- les observations de Me Harada, substituant Me Faro, avocat de Mme X ;

- les observations de Me Cassara, substituant Me Lepage, avocat de l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie”, de M. Y et de la commune de Crécy-Couvé ;

- et les conclusions de M. Degommier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 5 juin 2007, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et de Mme X, l'arrêté du 17 novembre 2005 du préfet d'Eure-et-Loir autorisant la SOCIETE GSM à exploiter une carrière et une installation de premier traitement de matériaux de carrière aux lieuxdits “Le Montoir Rouge” et “Gauville” sur le territoire de la commune de Saulnières ; que la SOCIETE GSM interjette appel de ce jugement ;

Sur les interventions de M. Y et de la commune de Crécy-Couvé :

Considérant qu'une partie du site d'exploitation de la carrière projetée est incluse dans le périmètre de protection du Moulin de la Bellassière, classé monument historique, dont M. Y est le propriétaire ; que l'installation classée projetée est située à 400 mètres des limites territoriales de la commune de Crécy-Couvé, voisine de celle de Saulnières où elle est implantée ; qu'ainsi, M. Y et la commune de Crécy-Couvé ont intérêt au maintien du jugement attaqué ; que leurs interventions sont donc recevables ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que pour annuler l'arrêté du 17 novembre 2005 du préfet d'Eure-et-Loir, les premiers juges ont considéré qu'il avait été pris sur une procédure irrégulière ; qu'ils ont, ainsi, jugé que l'avis favorable émis par la commission départementale des carrières d'Eure-et-Loir, le 27 septembre 2005, à la demande d'autorisation d'exploiter déposée par la SOCIETE GSM, n'était assorti d'aucune considération relative, notamment, à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et que “les différentes observations présentées par les membres de cette commission ne sauraient être (...) regardées comme constituant la motivation de cet avis” de sorte que ledit avis ne satisfaisait pas à l'exigence de motivation posée par l'article L. 515-2 de ce code ; que les premiers juges ont, également, estimé que l'étude d'impact de même que l'étude de dangers jointes au dossier de demande d'autorisation étaient entachées d'insuffisance, en raison, notamment, de ce que lesdites études ne comportaient pas d'éléments d'information sur les risques susceptibles d'être entraînés par la présence et l'utilisation, pour le traitement des eaux de lavage des matériaux extraits de la carrière, d'un floculant dénommé polyacrylamide, dont un dérivé, l'acrylamide, présente un caractère cancérigène reconnu ; que, ce faisant, contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement sur ces points ; que, dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 17 novembre 2005 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : “Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments. - Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles 1er et 4 du code minier.” ; qu'aux termes de l'article L. 515-2 du code de l'environnement : “(...) III La commission départementale des carrières examine les demandes d'exploitation de carrières (...) et émet un avis motivé sur celles-ci.” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si, lors de sa séance du 27 septembre 2005, la commission départementale des carrières d'Eure-et-Loir a débattu de la demande d'exploitation d'une carrière et d'une installation de premier traitement de matériaux de carrière déposée par la SOCIETE GSM et, après un vote, a émis un avis favorable à cette exploitation, elle n'a justifié cet avis par aucun motif ou considération relatif à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les observations présentées par les membres de cette commission préalablement au vote et consignées dans le procès-verbal de la séance, qui ne sauraient constituer la motivation de cet avis, ne peuvent valablement suppléer cette absence de motivation ; que, dans ces conditions, l'avis du 27 septembre 2005 de la commission départementale des carrières d'Eure-et-Loir ne satisfait pas à l'exigence de motivation posée par les dispositions sus-rappelées de l'article L. 515-2 de ce code ; qu'il suit de là qu'en intervenant à la suite et au vu d'un tel avis, l'arrêté du 17 novembre 2005 du préfet d'Eure-et-Loir contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977 susvisé, alors en vigueur : “A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : 4° L'étude d'impact prévue aux articles L. 122-1 à L. 122-3 du code de l'environnement dont le contenu, par dérogation aux dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, est défini par les dispositions qui suivent. Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts visés par les articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement. L'étude d'impact présente successivement (...) b) Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et en particulier sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel ; cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, le volume et le caractère polluant des déchets (...), le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; (...) d) Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et si possible compenser les inconvénients de l'installation, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes. Ces mesures font l'objet de descriptifs précisant les dispositions d'aménagement et d'exploitation prévues et leurs caractéristiques détaillées. Ces documents indiquent les performances attendues, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines, l'épuration et l'évacuation des eaux résiduelles et des émanations gazeuses, ainsi que leur surveillance, l'élimination des déchets et résidus de l'exploitation (...) ; 5° L'étude de dangers prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement. Elle justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. (...) ; Pour certaines catégories d'installations impliquant l'utilisation, la fabrication ou le stockage de substances dangereuses, le ministre chargé des installations classées peut préciser, par arrêté pris sur le fondement de l'article L. 512-5 du code de l'environnement, le contenu de l'étude de dangers portant notamment sur les mesures d'organisation et de gestion propres à réduire la probabilité et les effets d'un accident majeur. Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement. (...)” ;

Considérant qu'il est constant que le projet objet de la demande d'autorisation présentée par la SOCIETE GSM consiste en l'exploitation d'une carrière d'argiles à silex, pendant une durée de 25 ans, pour un tonnage moyen annuel de 250 000 tonnes avec un tonnage maximal annuel de 300 000 tonnes, ainsi que d'une installation de premier traitement, sur des parcelles d'une superficie totale de 48 hectares sises aux lieuxdits “Le Montoir Rouge” et “Gauville” à Saulnières ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi le 19 mai 2003 par l'hydrogéologue départemental d'Eure-et-Loir, que la formation géologique d'argiles à silex devant faire l'objet de l'exploitation projetée repose sur une couche de craie contenant une nappe principale d'eau souterraine, d'importance régionale, utilisée pour l'alimentation en eau potable des communes de la vallée de la Blaise ; qu'il résulte également de l'instruction et n'est pas contesté que le traitement des eaux de lavage des matériaux extraits de la carrière en cause doit s'effectuer par l'utilisation d'un floculant destiné à accélérer la précipitation des argiles dans l'eau, dénommé polyacrylamide, dont un dérivé, le monomère d'acrylamide, présente un caractère cancérigène avéré, en cas de forte concentration ; que si l'étude de dangers comporte un document intitulé “Fiche de données de sécurité du floculant” en cause, laquelle comporte, notamment, les rubriques “identification de la substance/préparation et de la société”, “composition/information sur les composants” et “identification des dangers”, ni cette fiche, ni l'étude d'impact, ni aucun autre document figurant dans le dossier joint à la demande d'autorisation présentée par la SOCIETE GSM, ne mentionne la proportion, dans le polyacrylamide utilisé, de ce monomère d'acrylamide dont la présence n'est même pas évoquée, ni les effets sur la santé de ce dérivé dont le caractère dangereux est, ainsi qu'il vient d'être dit, reconnu en cas de forte concentration ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction que les résidus argileux “floculés” seront utilisés pour remblayer la carrière sans que ne soient précisées, dans lesdites études, les éventuelles conséquences de ce remblaiement sur le site en cause ; qu'en ne mentionnant pas l'existence d'un tel risque lié au monomère d'acrylamide, alors que la couche de craie située sous la formation géologique d'argiles de silex contient une nappe d'eau souterraine servant d'alimentation en eau potable pour les communes avoisinantes et qu'il n'est pas établi que ce dérivé très toxique du polyacrylamide ne serait pas susceptible d'atteindre ladite couche de craie sous-jacente, et en ne précisant pas les mesures prises pour en supprimer les effets, l'étude d'impact, qui ne comporte pas l'ensemble des éléments requis pour permettre à la population intéressée de faire connaître utilement ses observations, doit être regardée comme insuffisante au regard des dispositions de l'article 3 précité du décret du 21 septembre 1977 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GSM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et de Mme X, l'arrêté du 17 novembre 2005 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a autorisée à exploiter une carrière et une installation de premier traitement de matériaux de carrière aux lieuxdits “Le Montoir Rouge” et “Gauville” sur le territoire de la commune de Saulnières ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et de Mme X qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser à la SOCIETE GSM la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la SOCIETE GSM à verser une somme de 1 500 euros à l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et une somme de 1 500 euros à Mme X, au titre des frais de même nature exposés par chacune de ces dernières ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions de M. Y et de la commune de Crécy-Couvé sont admises.

Article2 : La requête de la SOCIETE GSM est rejetée.

Article 3 : La SOCIETE GSM versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie” et une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à Mme X, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE GSM, à l'association “Saulnières préservation et valorisation du cadre de vie”, à Mme Marie-Mercèdes X, à la commune de Crécy-Couvé (Eure-et-Loir), à M. Christophe Y, à la commune de Fontaine-les-Ribouts (Eure-et-Loir) et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

N° 07NT02374

2

1

3

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NT02374
Date de la décision : 30/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-09-30;07nt02374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award