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08/12/2008 | FRANCE | N°07PA02188

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 08 décembre 2008, 07PA02188


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2007, complétée par mémoire enregistré le 19 mars 2008, présentée pour Mme Om Hashem X, demeurant ..., par Me Dancie ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607435, 0607439, 0607440, 0607441 et 0607444 en date du 27 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande d'indemnisation en date du 7 février 2006 tendant à la réparation des

préjudices qu'elle a subis du fait de l'impossibilité d'obtenir, en rais...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2007, complétée par mémoire enregistré le 19 mars 2008, présentée pour Mme Om Hashem X, demeurant ..., par Me Dancie ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607435, 0607439, 0607440, 0607441 et 0607444 en date du 27 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande d'indemnisation en date du 7 février 2006 tendant à la réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'impossibilité d'obtenir, en raison d'une convention internationale, l'exécution d'une décision de justice rendue à son profit et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 130 989, 77 euros ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande d'indemnisation en date du 7 février 2006 tendant à la réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'impossibilité d'obtenir, en raison d'une convention internationale, l'exécution d'une décision de justice rendue à son profit et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 119 104, 90 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

3°)de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 55 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2008 :

- le rapport de M. Luben, rapporteur,

- les observations de Me Dancie pour Mme X,

- les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement,

- et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 26 novembre 2008 pour Mme X ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le jugement attaqué, après avoir rappelé les principes gouvernant la possibilité d'engager la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des traités et des conventions internationales et avoir précisé que la circonstance que la norme internationale en cause ne résultait pas d'une convention internationale mais d'une règle coutumière reconnaissant aux Etats une immunité d'exécution pour certains des actes qu'ils accomplissent à l'étranger ne faisait pas obstacle à l'engagement de la responsabilité de l'Etat, a rejeté la demande d'indemnisation présentée par Mme X au double motif de l'absence de caractère spécial du préjudice allégué, « eu égard à la généralité de la norme coutumière internationale susmentionnée et au nombre de citoyens auxquels elle peut s'appliquer », et de « la circonstance que, lors de la conclusion de leur contrat de travail, les requérantes ne pouvaient ignorer la qualité d'Etat étranger de leur cocontractant et, de ce fait, les immunités de juridiction et d'exécution dont il jouissait » ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les premiers juges aient mentionné « les immunités de juridiction et d'exécution », sans les distinguer alors qu'en l'espèce l'immunité de juridiction avait été écartée par un arrêt du 3 février 2004 de la chambre sociale de la Cour d'appel de Paris, n'est pas de nature à vicier le jugement attaqué pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, dès lors que, pour rejeter la demande de la requérante, le tribunal ne s'est pas fondé sur l'immunité de juridiction dont peut jouir un Etat étranger, mais a statué en retenant l'absence de caractère spécial du préjudice invoqué et n'a pas fait spécifiquement référence au litige de droit du travail qui opposait l'intéressée à son ancien employeur ;

Considérant, en second lieu, que le fait que les requérantes aient été de nationalité étrangères est inopérant au regard des règles régissant le principe d'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ; que, dès lors, le tribunal a pu s'abstenir de répondre à ce moyen sans entacher son jugement d'omission à statuer ;

Considérant, enfin, que les premiers juges ont estimé que le préjudice allégué par Mme X ne pouvait être regardé comme revêtant un caractère spécial de nature à engager la responsabilité de l'État envers elle, « eu égard d'une part, à la généralité de la norme coutumière internationale susmentionnée et au nombre de citoyens auxquels elle peut s'appliquer et d'autre part, à la circonstance que, lors de la conclusion de leur contrat de travail, les requérantes ne pouvaient ignorer la qualité d'Etat étranger de leur cocontractant et, de ce fait, les immunités de juridiction et d'exécution dont il jouissait » ; qu'en écartant par ces motifs la demande d'indemnisation présentée sur le terrain de la responsabilité sans faute de l'Etat, les premiers juges n'ont ni commis d'omission à statuer, ni insuffisamment motivé le jugement attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement contesté doivent être écartés ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que, par un arrêt du 3 février 2004, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du Conseil des prud'hommes de Paris du 5 octobre 2001 et a condamné l'Etat du Koweït, ancien employeur de Mme X, à lui verser diverses indemnités pour licenciement abusif ; que Mme X, qui soutient avoir en vain tenté d'obtenir l'exécution dudit arrêt de la Cour d'appel de Paris, demande réparation à l'Etat, sur le terrain de la responsabilité sans faute, du préjudice subi du fait de l'immunité d'exécution reconnue aux Etats étrangers en application des règles coutumières du droit international public ;

Considérant que la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de conventions conclues par la France avec d'autres Etats et incorporées régulièrement dans l'ordre juridique interne, ou de règles coutumières du droit international public, qui sont applicables en droit interne, à la condition, d'une part, que ni la convention elle-même, ni la loi qui en a éventuellement autorisé la ratification, ni la règle coutumière elle-même ne puissent être interprétées comme ayant entendu exclure toute indemnisation et, d'autre part, que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés ;

Considérant que, comme l'ont à bon droit relevé les premiers juges, d'une part Mme X ne pouvait ignorer, lors de la conclusion de son contrat de travail, la qualité d'Etat étranger de son employeur, l'Etat du Koweït, dont au surplus elle n'était pas ressortissante, et, par suite, les immunités dont il pouvait bénéficier en vertu des règles coutumières du droit international public, et notamment, le cas échéant, l'immunité d'exécution ; que, d'autre part, la généralité de la norme coutumière internationale susmentionnée et le nombre de personnes auxquelles elle peut s'appliquer font obstacle à ce que le préjudice invoqué puisse être regardé comme revêtant un caractère spécial de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers elle sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait de l'application des normes internationales ;

Considérant, au surplus, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, afin d'obtenir l'exécution de l'arrêt précité du 3 février 2004 de la Cour d'appel de Paris condamnant l'Etat du Koweït à lui verser diverses indemnités, a demandé à un huissier de justice de pratiquer des saisies, qui se sont révélées sans effet ; que, par un courrier en date du 26 octobre 2005, le service du protocole du ministère des affaires étrangères a appelé l'attention dudit huissier sur le fait que le compte bancaire de l'ambassade de l'Etat du Koweït, ouvert pour le fonctionnement de ses services, ne pouvait être saisi ; que, toutefois, Mme X n'a pas saisi l'autorité judiciaire, comme elle en avait la possibilité, pour obtenir l'exécution de l'arrêt rendu en sa faveur, alors même que cette saisine n'apparaissait pas comme manifestement vouée à l'échec, l'immunité d'exécution dont jouissent les Etats étrangers, qui ne s'applique qu'à leurs biens affectés à une activité de souveraineté, n'étant que relative ; qu'ainsi, le préjudice allégué devant le juge administratif tiré de ce qu'une règle coutumière internationale reconnaissant aux Etats une immunité d'exécution ferait obstacle à l'exécution de l'arrêt précité n'est, en tout état de cause, pas certain ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 27 avril 2007, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande d'indemnisation en date du 7 février 2006 tendant à la réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'impossibilité d'obtenir, en raison d'une convention internationale, l'exécution d'une décision de justice rendue à son profit et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 130 989, 77 euros ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

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N° 07PA02188


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : DANCIE ; DANCIE ; DANCIE ; DANCIE ; DANCIE ; DANCIE ; COUDRAY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Date de la décision : 08/12/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07PA02188
Numéro NOR : CETATEXT000019997659 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-12-08;07pa02188 ?
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