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12/03/2009 | FRANCE | N°07VE00031

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 mars 2009, 07VE00031


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 8 janvier 2007 et en original le 9 janvier 2007 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée CABINET LIONEL , dont le siège est 2, rue Chéronnet à Meulan (78250), par Me Alberti ; la SARL CABINET LIONEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0509936 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalit

s y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les ...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 8 janvier 2007 et en original le 9 janvier 2007 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée CABINET LIONEL , dont le siège est 2, rue Chéronnet à Meulan (78250), par Me Alberti ; la SARL CABINET LIONEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0509936 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre des années 2001 et 2002 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SARL CABINET LIONEL soutient qu'elle a été créée en janvier 2000 à Meulan par M. et Mme X ; que M. X lui a cédé pour un montant de 920 000 francs (140 253,10 euros) 40 clients auprès desquels il exerçait une mission d'expertise comptable ; que chaque client était clairement individualisé ; que cette acquisition a été comptabilisée dans les immobilisations incorporelles et maintenue comme telle tant qu'il a généré des produits ; que 14 clients ont été perdus au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2001 ; que 6 autres clients ont été perdus au cours de l'exercice suivant ; que l'actif incorporel a été soldé en conséquence par le compte de charges exceptionnelles à hauteur de 69 380 euros au titre du premier exercice et à hauteur de 6 305 euros au titre du second ; que les moins-values ainsi réalisées ne peuvent relever du régime des plus et moins-values à long terme dont le champ d'application a été considérablement restreint à compter des exercices ouverts le 1er janvier 1997 par le a quater du I de l'article 219 du code général des impôts ; qu'en effet, ces moins-values sont prises en compte dans le résultat imposable dans les conditions de droit commun ; que l'administration fiscale a considéré dans le n° 15 de son instruction 4 B-1-97 qu'elles conservent la qualification de moins-values et relèvent ainsi du régime fiscal des moins-values à court terme ; qu'aucune compensation ne peut être effectuée entre les clients perdus et les nouveaux clients, même en cas de maintien du chiffre d'affaires car, dans le cas d'un cabinet d'expertise comptable, les clients ne représentent pas une masse non individualisable comme l'est une clientèle commerciale, mais sont strictement individualisés ; que la mission d'expertise comptable est contractuelle et chaque dossier doit faire l'objet d'une lettre de mission individualisée et nominative permettant une comptabilisation distincte au bilan ; que, lors de sa création, elle n'a pas comptabilisé en bloc la somme de 920 000 francs (140 253,10 euros) dans les immobilisations incorporelles, mais 40 sommes pour un total de 920 000 francs (140 253,10 euros), chacune correspondant à un client cédé par M. X ; que chacun des postes de profits est clairement individualisé, valorisé et nommé et fait l'objet d'un contrat individuel dénommé « lettre de mission » définissant notamment les modalités, les spécificités, la période et l'objet de la mission et les honoraires ; qu'ainsi, les règles concernant la dépréciation du fonds de commerce sont ici sans objet ; qu'au 30 septembre 2001, 14 écritures ont été passées en charges exceptionnelles, pour un montant total de 455 030 francs (69 368,87 euros), pour constater le départ de 14 clients ; qu'il en a été de même le 30 septembre 2002 pour constater le départ de 6 clients à hauteur de 6 305,29 euros ; qu'il y a eu individualisation de la clientèle correspondante au bilan de la société ; qu'ainsi la dépréciation ou la perte d'un dossier client doit être comptabilisée si avérée ; que c'est donc à bon droit qu'elle avait imputé les moins-values réalisés sur son résultat fiscal ; qu'à l'inverse, les éventuels nouveaux postes de profits constitués de nouveaux clients constituent une plus-value seulement potentielle ; qu'il est constant que toute plus-value potentielle n'est taxable qu'au moment de sa comptabilisation ; qu'elle n'a pas souhaité comptabiliser les plus-values potentielles correspondant à ses nouveaux clients par application du principe de prudence et a préféré en reporter la comptabilisation à une date de cession réelle à un tiers ; que subsidiairement, il y a lieu de constater que les moins-values comptabilisées au 30 septembre 2001 ont moins de deux ans, puisque les contrats correspondants ont été conclus le 29 janvier 2000 ; qu'en tout état de cause, les moins-values constatées le 30 septembre 2001 ne pouvaient être qualifiées de moins-values à long terme et devaient, par conséquent, être prises en compte pour la détermination du résultat ; qu'elle a déduit les loyers afférents au local pris à bail à Nice ainsi que des frais de déménagement de Meulan à Nice ; que l'administration a refusé la déduction de ces charges au motif qu'elles ne correspondraient pas à une gestion normale ; que ces charges ont été engagés dans la perspective de l'ouverture d'un cabinet secondaire dans la région niçoise ; que si la création de ce cabinet n'a pas été aussi rapide que prévu, cela résulte de raisons objectives qui doivent être prises en considération ; que ce cabinet secondaire a été ouvert depuis ; qu'elle avait mené dès 2000 des pourparlers avec un confrère niçois désireux de céder sa clientèle ; que croyant être confrontée à bref délai aux difficultés de la mise en place d'une organisation pour mieux accueillir la clientèle, elle a estimé préférable de se doter de locaux avant le début de son activité,afin d'étaler sa charge de travail ; qu'il est, en effet, logique de se doter d'une infrastructure avant d'engager une action commerciale ; qu'elle a loué à partir de novembre 2000 des locaux sur le boulevard Dubouchage à Nice, où se situe actuellement l'activité de son bureau secondaire ; qu'elle a perdu au cours de cette période une part significative de sa clientèle à Meulan ; que, dans ces conditions, elle a fait le choix de suspendre la création cabinet secondaire à Nice pour redresser son activité à Meulan ; qu'il n'existe dès lors aucune décision de gestion qui lui ait été préjudiciable ; qu'au contraire, son activité et ses résultats ont été maintenu ; que si elle avait pris la décision de s'investir à Nice au détriment du cabinet à Meulan, la déduction des loyers n'aurait alors donné lieu à aucun litige ; que son choix a permis de maintenir son activité et ses résultats et, de ce fait, le Trésor public n'a supporté aucune perte de recettes ; qu'étant très confiant quant à la reprise d'un cabinet local, M. X, son gérant, s'est installé en août 2001 à Nice avec sa famille afin d'être en mesure de traiter sa nouvelle clientèle ; qu'il a emménagé dans un locaux distinct ; que, dans ces conditions, la déduction des frais de déménagement est justifiée par des raisons professionnelles ; qu'elle était donc fondée à déduire la somme de 6 174 euros représentant les frais de déménagement comprenant les frais directs liés à l'activité professionnelle et indirects liés au déménagement personnel de son gérant ; qu'en ce qui concerne la quote-part relative au transport des effets personnels du gérant, ce déménagement s'inscrivait dans un cadre strictement professionnel de développement d'entreprise comparable à une mutation ; que la prise en charge par une société des frais de mutation de ses dirigeants ou de ses salariés est une pratique communément admise, laquelle peut, le cas échéant, conduire à regarder cet avantage comme étant imposable au nom du bénéficiaire mais ne peut empêcher la déduction de la dépense par la société ; que l'appréciation du caractère normal ou non d'une charge ne saurait être liée à un retour immédiat sur investissement ; que, par ailleurs, l'administration n'a pas démontré en quoi le montant des dépenses en cause serait anormalement élevé ; que les locaux du boulevard Dubouchage à Nice ont été effectivement utilisés par son gérant pour le contrôle des comptabilités des clients du cabinet tenues par le personnel comptable employé à Meulan, ainsi que pour l'élaboration de tous les documents sociaux et fiscaux de ces clients ; que l'administration estime que l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos le 30 septembre 2002, qui figure dans les charges de l'exercice pour un montant de 14 023 euros, n'a pas été réintégré au résultat fiscal ; qu'une anomalie technique s'est produite lors de l'édition de la liasse fiscale ; que, cependant, cet impôt a bien été reporté dans sa déclaration de résultats, sur la ligne 306 de l'imprimé 2033-B ; que c'est à tort que l'administration a estimé que cette erreur justifiait l'application des pénalités de mauvaise foi ; que la mauvaise foi aurait résidé dans le paiement de l'impôt sur les sociétés sur la base minorée mentionnée dans le cadre récapitulatif de l'imprimé 2065 ; qu'en raison de ses difficultés financières, elle n'a pas versés des acomptes trimestriels, ni procédé à la liquidation de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2002 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2009 :

- le rapport de M. Dhers, premier conseiller,

- les observations de M. X, gérant de la SARL CABINET LIONEL ,

- les conclusions de M. Beaufaÿs, rapporteur public,

- et les nouvelles observations de M. X ;

Considérant que la SARL CABINET LIONEL , qui exerce une activité d'expertise comptable et dont M. X est gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 2001 et 30 septembre 2002 ; qu'elle interjette appel du jugement du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de ces deux exercices ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, expert comptable, a cédé 40 clients à la SARL CABINET LIONEL lors de sa constitution ; que la société requérante a inscrit cette acquisition à son actif, par 40 écritures en crédit du compte « immobilisations incorporelles en cours » ; qu'ayant perdu 14 clients au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2001, puis 6 clients au cours de l'exercice suivant, elle a comptabilisé ces pertes par une diminution de son actif et par le débit du compte de charges exceptionnelles sur opérations de gestion ; qu'ayant estimé que ces charges constituaient des moins-values à court terme, elle les a imputées sur ses bénéfices annuels ; que l'administration a remis en cause cette imputation au motif qu'elles relevaient du régime des plus et moins-values à long terme ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 4 de l'article 39 duodecies du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « (...) Le régime des moins-values à court terme s'applique : a. aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans ; b. aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. (...) 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4 (...) » ; que, lorsqu'une société cesse, pour un motif légitime, de faire figurer à son bilan un élément d'actif non amortissable détenu par elle depuis plus de deux ans, elle doit être regardée comme réalisant une moins-value à long terme ne pouvant être imputée que sur une plus-value de même nature, en application du régime des plus-values défini aux articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) » et qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « 1° Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) » ; que si ces dispositions autorisent la déduction, le cas échéant, des moins-values effectivement subies à l'occasion de la cession d'un élément d'actif ou de la perte définitive et certaine de celui-ci lorsqu'un événement survenu au cours d'une année d'imposition lui a retiré toute sa valeur, en revanche, la simple dépréciation d'un élément d'actif non amortissable reste sans influence sur la détermination des bénéfices imposables ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : « I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. La fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1./ Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1 / 3 % (...) / a quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997, le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actif, à l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a ter. (...) » ; que ces dispositions, insérées dans une section intitulée « calcul de l'impôt », sont sans incidence sur la qualification des plus ou moins-values telles qu'elles résultent des articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts, et ont pour seul effet de les soumettre au taux d'imposition de droit commun ;

En ce qui concerne la perte de clients constatée le 30 septembre 2002 :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les éléments de clientèle en litige acquis auprès d'un autre professionnel ont fait l'objet d'une inscription distincte dans la comptabilité de la SARL CABINET LIONEL permettant de les identifier, ils ne présentaient pas un caractère de rotation plus accentué que les éléments de clientèle créés par la société requérante et ne se différenciaient pas, de par leurs caractéristiques, des éléments représentatifs de la clientèle attachée au fonds libéral de la société ; qu'ils s'étaient indissociablement intégrés à cette clientèle, qui, se renouvelant en permanence au fil des années, ne pouvait de façon prévisible se déprécier irréversiblement avec le temps ; qu'ainsi, faute d'être dissociables de l'ensemble de la clientèle du cabinet, la perte de certains clients ne pouvait faire l'objet d'une comptabilisation comme cession d'éléments d'actif ; que, dès lors, la société requérante, en l'absence de dépréciation d'une partie individualisée des éléments de son actif incorporel, n'était pas fondée à comptabiliser en charges exceptionnelles déductibles de ses résultats imposables les pertes liées à la disparition de certains éléments de sa clientèle ; qu'il s'ensuit que, conformément aux dispositions de l'article 39 duodecies précité du code général des impôts, c'est à bon droit que le service a estimé que la SARL CABINET LIONEL devait être regardée comme ayant réalisé des moins-values à long terme ne pouvant être imputées que sur des plus-values de même nature ;

S'agissant de l'application de la doctrine administrative :

Considérant que la SARL CABINET LIONEL ne peut utilement se prévaloir de l'instruction 4 B-1-97 qu'elle invoque dès lors que celle-ci ne présente aucune interprétation formelle différente de la loi fiscale ;

En ce qui concerne la perte de clients constatée le 30 septembre 2001 :

Considérant que la perte de clientèle constatée le 30 septembre 2001 par la SARL CABINET LIONEL entrait dans le champ d'application des dispositions du a. du 4. de l'article 39 duodecies du code général des impôts, selon lesquelles le régime des moins-values à court terme s'applique aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans, dès lors que ladite clientèle avait été acquise par la société requérante en janvier 2000 ; qu'ainsi, la SARL CABINET LIONEL est, dans cette mesure, fondée à solliciter la décharge des impositions litigieuses ;

En ce qui concerne les loyers et les frais de déménagement :

Considérant que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL CABINET LIONEL a décidé d'ouvrir un cabinet secondaire à Nice ; qu'elle a déduit au cours des deux exercices en litige les loyers du local qu'elle occupait à Nice, ainsi que ses frais de déménagement et ceux de son dirigeant, M. X ; que l'administration fiscale a remis en cause ces déductions ;

Considérant que pour démontrer que ces dépenses ont une contrepartie dépourvue d'intérêt pour la SARL CABINET LIONEL , l'administration a fait valoir que le cabinet secondaire n'a eu aucune activité depuis sa création et s'est fondée, pour étayer cette affirmation, sur l'existence de deux seules factures émises à la fin de l'année 2002 au nom d'un client domicilié à Vallauris à l'en-tête du cabinet principal de la société requérante, situé à Meulan, et sur l'absence de salariés à Nice ; que, compte tenu de la valeur respective des explications fournies, d'une part, par la société requérante, qui, si elle a soutenu à l'audience que la clientèle qu'elle devait reprendre à Nice avait été cédée à son insu à un tiers, se borne à soutenir, sans autres justifications, dans ses écritures qu'elle a dû mettre en sommeil son implantation à Nice au cours des exercices litigieux pour faire face à la perte de clientèle subie et redresser son activité à Meulan et, d'autre part, par l'administration, l'absence d'intérêt des dépenses en cause pour la SARL CABINET LIONEL doit être, dans les circonstances de l'espèce, regardée comme établie ;

En ce qui concerne la réintégration de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos le 30 septembre 2002 et les pénalités de mauvaise foi consécutives :

Considérant qu'aux termes de l'article 213 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : « L'impôt sur les sociétés, la contribution mentionnée à l'article 235 ter ZA, la contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC et l'impôt sur le revenu ne sont pas admis dans les charges déductibles pour l'établissement de l'impôt (...) » ; qu'il résulte de l'instruction que pour déterminer le résultat fiscal de l'exercice clos le 30 septembre 2002, servant de base à l'établissement de l'impôt sur les sociétés, la SARL CABINET LIONEL n'a pas, contrairement à ce qu'elle soutient, réintégré le montant de cet impôt figurant dans les charges de son compte de résultat comptable et qu'ainsi le résultat fiscal était identique à ce dernier ; que c'est donc à bon droit que l'administration a, par application des dispositions précitées de l'article 213 du code général des impôts, procédé à une telle réintégration ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) » ; qu'en faisant valoir que la SARL CABINET LIONEL est une société d'expertise comptable et ne pouvait ignorer que son résultat fiscal était erroné, faute de réintégration de l'impôt sur les sociétés, l'administration apporte la preuve de la mauvaise foi de la requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL CABINET LIONEL est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses correspondant à l'application du régime des plus et moins-values à court terme aux pertes de clients constatées au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2001 ;

Sur les conclusions de la SARL CABINET LIONEL tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL CABINET LIONEL et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0509936 du Tribunal administratif de Versailles du 7 novembre 2006 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société à responsabilité limitée CABINET LIONEL tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés correspondant à l'application du régime des plus et moins-values à court terme aux pertes de clients constatées au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2001.

Article 2 : La société à responsabilité limitée CABINET LIONEL est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés à raison de l'application du régime des plus et moins-values à court terme aux pertes de clients constatées au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2001.

Article 3 : L'Etat versera à la société à responsabilité limitée CABINET LIONEL une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée CABINET LIONEL est rejeté.

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N° 07VE00031 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07VE00031
Date de la décision : 12/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRUAND
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: M. BEAUFAYS
Avocat(s) : ALBERTI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-03-12;07ve00031 ?
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