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16/12/2008 | FRANCE | N°07VE01112

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 décembre 2008, 07VE01112


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 21 mai 2007 et en original le 22 mai 2007, et le mémoire ampliatif, enregistré en télécopie le 21 septembre 2007 et en original le 24 septembre 2007, présentés pour la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD », dont le siège est situé 27, boulevard de la République à Livry-Gargan (93891), par la SCP Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404345 du 20 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-P

ontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mar...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 21 mai 2007 et en original le 22 mai 2007, et le mémoire ampliatif, enregistré en télécopie le 21 septembre 2007 et en original le 24 septembre 2007, présentés pour la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD », dont le siège est situé 27, boulevard de la République à Livry-Gargan (93891), par la SCP Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404345 du 20 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2004 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis en date du 24 septembre 2003 autorisant le licenciement pour faute de M. X et a refusé d'autoriser ce licenciement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, que le tribunal administratif n'a pas répondu aux arguments qu'elle a invoqués, alors qu'ils étaient de nature à établir que la prise d'acte, le 12 mai 2003, par le salarié de la rupture du contrat de travail n'avait pu produire d'effets, et que, d'autre part, le jugement ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; en deuxième lieu, qu'en estimant que la lettre du 12 mai 2003 par laquelle M. X a prétendument pris acte de la rupture de son contrat de travail, avait mis un terme à la relation contractuelle, le tribunal a commis une erreur de fait, une erreur d'appréciation et une erreur de droit dès lors que la seule expression par le salarié d'une intention de mettre fin unilatéralement à son contrat ne peut avoir les effets d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail et interdire à l'employeur d'engager une procédure de licenciement ; que, d'une part en l'espèce, l'exposante n'a jamais entendu mettre fin à l'exécution du contrat de travail avant d'avoir régulièrement obtenu une autorisation de licenciement ; que, d'autre part, M. X a engagé, le 10 février 2003, une action prud'homale tendant à l'exécution de son contrat, ce qui faisait obstacle à ce qu'il prenne acte d'une rupture du contrat en raison des faits dont il avait saisi le juge du contrat ; que, par ailleurs, le salarié a continué, postérieurement au 12 mai 2003, à justifier de sa situation d'arrêt de travail ; qu'enfin et en tout état de cause, la lettre du 12 mai 2003 relevait d'un usage frauduleux de la règle de droit, un salarié ne pouvant organiser la rupture de son contrat de travail dans le but de se prévaloir ultérieurement de la méconnaissance de la protection statutaire ; que cette lettre faisait, en effet, suite à une première demande d'autorisation de licenciement formée le 11 octobre 2002 et rejetée pour vice de procédure alors qu'au surplus, pour faire obstacle à ce que l'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation de licenciement du salarié, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit être antérieure à cette demande ; qu'en l'espèce, la procédure de licenciement ayant été engagée le 11 octobre 2002, la lettre du 12 mai 2003 ne pouvait emporter rupture du contrat de travail ; enfin, que la décision du 19 mars 2004 par laquelle le ministre, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, a refusé l'autorisation de licencier M. X, est insuffisamment motivée en ce qu'elle impute à l'exposante un comportement fautif vis à vis du salarié sans que les éléments sur lesquels ces allégations sont fondées soient précisés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours hiérarchique, daté du 20 novembre 2003 et qui n'a pu être reçu à la même date, a été formé dans le délai ; que le ministre, en estimant que la décision de l'inspecteur du travail ne comportait aucune indication relative à l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat du salarié, a entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'il est établi qu'en l'espèce, la demande était dépourvue de tout lien avec ce mandat ; que le ministre a, à tort, considéré que des faits postérieurs à la faute commise par le salarié et indépendants de cette faute étaient de nature à atténuer le caractère fautif des faits reprochés ; qu'en outre, les faits allégués par M. X, sur lesquels s'est fondé le ministre pour estimer que la gravité de la faute du salarié se trouvait atténuée, n'ont pas donné lieu à un débat contradictoire, ce qui établit un vice de procédure, et sont erronés, M. X n'en ayant d'ailleurs jamais fait état auparavant ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2008 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Jarreau, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision du 19 mars 2004, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis du 24 septembre 2003 autorisant la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » à licencier M. X, qui occupait un emploi de régisseur et exerçait les mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise, et a refusé de délivrer cette autorisation en considérant que les faits reprochés au salarié n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, par jugement du 20 mars 2007, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2004 au motif que le ministre était tenu de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée dès lors qu'à la date à laquelle l'administration avait été saisie, le salarié avait rompu les relations contractuelles qui l'unissaient à son employeur ; que la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures exigées ; que la circonstance que la copie du jugement adressée à la société requérante ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité ;

Considérant, en second lieu, qu'après avoir rappelé que, par lettre du 12 mai 2003, M. X avait indiqué à la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » qu'il prenait acte de la rupture de son contrat de travail à raison des agissements fautifs qu'elle avait commis à son égard, le tribunal administratif a relevé qu'en conséquence, à la date à laquelle l'employeur avait saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de son salarié, celui-ci « devait être regardé comme ayant rompu, de son fait, les relations contractuelles qui l'unissaient à son employeur » ; qu'ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant lui, a implicitement mais nécessairement écarté le moyen de la société requérante tiré de ce que la prise d'acte de la rupture n'avait pu produire d'effets aux motifs que l'employeur s'y opposait et que le salarié avait saisi le juge du contrat ; que, par ailleurs, le tribunal n'était pas tenu de répondre au moyen, inopérant, tiré de ce que la rupture des relations contractuelles par le salarié présentait un caractère abusif ; qu'il suit de là que la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces annexées au mémoire produit en première instance par le ministre chargé du travail que le recours hiérarchique formé par M. X contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 24 septembre 2003 a été reçu par l'administration le 20 novembre 2003 ; qu'ainsi, ce recours hiérarchique n'était pas tardif ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des articles L. 412-18 et L. 436-1 du code du travail, applicables en l'espèce, le licenciement d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, en sa qualité de régisseur, devait encaisser, sur un compte bancaire ouvert à son nom et réservé à cet effet, les redevances dues par les commerçants autorisés à occuper un emplacement dans les foires et marchés et restituer à la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD », sous la forme d'acomptes mensuels, les sommes ainsi encaissées ; que, se fondant sur la remise par M. X d'un chèque, au cours du mois de septembre 2002, qui n'avait pu être encaissé en raison d'une provision insuffisante, et la non-restitution par le salarié d'un certain nombre d'encaissements, la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » a demandé l'autorisation de licencier l'intéressé pour faute, qui a été refusée par décision de l'inspecteur du travail du 11 décembre 2002 au motif, notamment, que le système de comptabilité mis en place par l'entreprise avait pour effet de priver le régisseur de fonds de roulement pour faire face aux retards de paiement des commerçants et de le contraindre à prendre des risques financiers personnels disproportionnés au regard de son salaire ; que M. X, placé en arrêt de travail pour maladie à compter du mois de septembre 2002, a adressé à la société, le 12 mai 2003, une lettre par laquelle il prenait acte de la rupture de son contrat de travail par celle-ci au motif, notamment, qu'elle ne lui versait pas les compléments de salaires qui lui étaient dus en vertu de la convention collective applicable, qu'elle ne lui remboursait pas les frais et dépenses dont il avait dû faire l'avance et n'avait pas à assumer la charge, et qu'elle avait repris les carnets facturiers et le matériel informatique sans lesquels il ne pouvait tenir la comptabilité des versements opérés par les commerçants au titre des redevances afférentes aux emplacements occupés ; que les termes de cette lettre ont été confirmés par une correspondance adressée le 19 mai 2003 par le conseil du salarié à la société requérante ;

Considérant que la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » soutient que, lorsqu'elle a à nouveau sollicité, le 11 août 2003, l'autorisation de licencier M. X, les relations contractuelles n'étaient pas rompues dès lors, d'une part, qu'elle n'entendait pas mettre fin au contrat de travail avant d'avoir obtenu une autorisation de licenciement et, d'autre part, que le salarié avait engagé une action devant le conseil de prud'hommes pour obtenir l'exécution du contrat, et fait valoir que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. X, qui ne visait qu'à faire échec à la procédure de licenciement engagée à son égard, présentait un caractère abusif ;

Considérant, toutefois, que si M. X a saisi le conseil de prud'hommes en février 2003, cette initiative n'établit pas que l'intéressé entendait poursuivre l'exécution de son contrat de travail dès lors que cette action judiciaire tendait seulement à obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes qu'il estimait lui être dues au titre de périodes antérieures ; qu'ainsi, la saisine de cette juridiction ne faisait pas obstacle à ce que M. X prît acte, trois mois après l'engagement de cette instance, de la rupture de son contrat de travail ; que, par ailleurs, dès lors que M. X avait cessé de travailler et pris acte de la rupture de son contrat, la circonstance que la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » n'entendait pas mettre fin au contrat avant d'obtenir l'autorisation de licenciement n'était pas de nature à faire obstacle à la rupture des relations contractuelles ; qu'enfin, en admettant même que la société requérante soit en mesure d'établir, devant la juridiction compétente, que la cessation de ces relations ne lui est pas imputable et que la prise d'acte de la rupture par le salarié a présenté un caractère abusif, cette circonstance est sans incidence sur les effets de la prise d'acte de la rupture, laquelle était acquise dès le 12 mai 2003 ;

Considérant qu'il suit de là qu'à la date à laquelle la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » a présenté la demande d'autorisation de licenciement de M. X, les relations contractuelles qui l'unissaient à ce salarié étaient rompues ; que, par suite, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité était tenu, pour ce motif, d'annuler la décision de l'inspecteur du travail et de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE « LES FILS DE Mme GERAUD » versera à M. X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 07VE01112 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE01112
Date de la décision : 16/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-16;07ve01112 ?
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